Cara | Page 3

Hector Malot
ce qui jusqu'�� ce jour avait servi �� l'habitation particuli��re on n'avait conserv�� qu'une chambre avec une cuisine. Et pour loger la famille on avait d? louer un appartement rue de Rivoli, entre la rue de Luxembourg et la rue Saint-Florentin. C'��tait l�� que les enfants avaient grandi, en bon air, au soleil, les yeux ��gay��s par la verdure des Tuileries. Mais cet appartement confortable, madame Haupois-Daguillon ne l'avait gu��re habit��, car oblig��e de rester rue Royale, o�� l'oeil du ma?tre ��tait n��cessaire, elle avait conserv�� sa chambre aupr��s de ses magasins, la premi��re lev��e, la derni��re couch��e, ne vivant de la vie de famille que le dimanche seulement.
Tant que durerait l'absence de ses parents, L��on devait habiter cette chambre, remplacer ainsi sa m��re, et comme elle faire bonne garde sur toutes choses.
Mais pour coucher rue Royale L��on ne s'��tait pas trouv�� oblig�� �� s'occuper plus attentivement des affaires de la maison: il avait rempli le r?le de gardien, voil�� tout, et encore en dormant sur les deux oreilles.
Pour le reste, il avait laiss�� les choses suivre leur cours, et quand le vieux caissier, le v��n��rable Savourdin, bonhomme �� lunettes d'or et �� cravate blanche le priait chaque soir de v��rifier la caisse, il s'acquittait de cette besogne avec une nonchalance v��ritablement inexplicable. Quelle diff��rence entre la m��re et le fils! et le bonhomme Savourdin, qui avait des lettres, s'��criait de temps en temps: O tempora, o mores! en se demandant avec angoisse �� quels ab?mes courait la soci��t��.
Il y avait d��j�� douze jours que M. et madame Haupois-Daguillon ��taient partis pour les eaux de Balaruc, lorsqu'un jeudi matin, en classant le courrier que le facteur venait d'apporter, le bonhomme Savourdin trouva une lettre adress��e �� M. L��on Haupois, avec la mention ?personnelle et press��e? ��crite au haut de sa large enveloppe.
Aussit?t il appela un gar?on de bureau:
--Portez cette lettre �� M. L��on.
--M. L��on n'est pas lev��.
--Eh bien, remettez-la �� son domestique en lui faisant remarquer qu'elle est press��e.
--Ce ne sera pas une raison pour que M. Joseph prenne sur lui d'��veiller son ma?tre.
--Vous lui direz, ajouta le caissier en haussant doucement les ��paules par un geste de piti��, que ce n'est pas une lettre d'affaires; l'��criture de l'adresse est de la main de M. Armand Haupois, l'oncle de M. L��on, et le timbre est celui de Lion-sur-Mer, village aupr��s duquel M. l'avocat g��n��ral habite ordinairement avec sa fille pendant les vacances pour prendre les bains. Cela d��cidera sans doute Joseph, ou comme vous dites ?M. Joseph?, �� r��veiller son ma?tre.
Le gar?on de bureau prit la lettre et, secouant la t��te en homme bien convaincu qu'on lui fait faire une course inutile, il sortit du magasin et alla frapper �� une petite porte batarde,--celle de la cuisine,--qui ouvrait directement sur l'escalier.
Une voix lui ayant r��pondu de l'int��rieur, il entra: deux hommes se trouvaient dans cette cuisine; l'un d'eux, en veste de velours bleu, ��videmment un commissionnaire, ��tait en train de cirer des bottines; l'autre, en gilet �� manches, assis sur deux chaises, les pieds en l'air, ��tait occup�� �� lire le journal.
--Tiens! monsieur Pierre, dit ce dernier en abandonnant sa lecture.
--Moi-m��me, monsieur Joseph, qui me fais le plaisir de vous apporter une lettre pour M. L��on.
--Monsieur n'est pas ��veill��.
Et comme le commissionnaire qui cirait les bottines avait ralenti le mouvement de son bras droit:
--Frottez donc, p��re Manhac; vous avez d��j�� batt�� les v��tements tout �� l'heure, n'ayez pas peur d'appuyer sur le cuir, vous savez: ce n'est pas monsieur qui paye, c'est moi, donnez-m'en pour mon argent.
Puis se tournant vers le gar?on de bureau:
--Ma parole d'honneur, c'est aga?ant de ne pouvoir pas avoir une minute de tranquillit��; si vous vous relachez de votre surveillance, rien ne va plus.
Pendant cette observation faite d'un ton rogue, le p��re Manhac avait achev�� de cirer les bottines; les ayant pos��es d��licatement sur une table, il sortit le dos tendu en homme qui trouve plus sage de fuir les observations que de les affronter.
--Ne portez-vous pas ma lettre �� M. L��on? demanda le gar?on de bureau.
--Non, bien s?r.
--Ce n'est pas une lettre d'affaires.
--Quand m��me ce serait une lettre d'amour, je ne le r��veillerais pas.
--C'est une lettre de famille, le bonhomme Savourdin a reconnu l'��criture; il dit qu'elle est de M. Armand Haupois, l'avocat g��n��ral de Rouen, l'oncle de M. L��on; ce qui est assez ��tonnant, car les deux fr��res ne se voient plus; mais ils veulent peut-��tre se r��concilier; M. Armand Haupois a une fille tr��s jolie, mademoiselle Madeleine, que M. L��on aimait beaucoup.
--Elle n'a pas le sou, votre fille tr��s-jolie; cela m'est donc bien ��gal que M. L��on l'ait aim��e, car l'h��ritier de la maison Haupois-Daguillon n'��pousera jamais une femme pauvre; je suis tranquille de ce c?t��, les parents feront bonne garde, ils ont d'autres id��es, que je partage d'ailleurs jusqu'�� un certain point.
--Oh!
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