Cara | Page 2

Hector Malot
plus heureuse petite fille du monde lorsqu'on lui permettait d'en prendre quelques-unes (de celles qui n'��taient pas termin��es bien entendu) pour jouer �� la marchande avec ses camarades.
Mais ��tait-il sage de s'inqui��ter de l'apathie d'un enfant? plus tard la raison viendrait, et, quand il comprendrait la vie, il ne resterait assur��ment pas insensible aux avantages que sa naissance lui donnait.
L'age seul ��tait venu, et lorsque, ses ��tudes finies, L��on ��tait entr�� dans la maison paternelle, il avait gard�� son apathie et son indiff��rence, restant de glace pour les joies commerciales, insensible aux bonnes aussi bien qu'aux mauvaises affaires.
Sans doute il n'avait pas nettement d��clar�� qu'il ne voulait point ��tre commer?ant, car il n'��tait point dans son caract��re de proc��der par des affirmations de ce genre. D'humeur douce, ayant l'horreur des discussions, aimant tendrement son p��re et sa m��re, enfin ��tant habitu�� depuis son enfance �� entendre les esp��rances de ses parents, il ne s'��tait pas senti le courage de dire franchement que la gloire d'��tre un Daguillon ne l'��blouissait pas, et qu'il ne sentait pas la vocation n��cessaire pour remplir convenablement ce r?le.
Mais, ce qu'il n'avait pas dit, il l'avait laiss�� entendre, sinon en paroles, au moins en actions, par ses mani��res d'��tre avec les clients, avec les employ��s, les ouvriers, avec tous et dans toutes les circonstances.
Si M. et madame Haupois-Daguillon avaient exig�� de leur fils le z��le et l'exactitude d'un commis ou d'un associ��, ils auraient pu s'expliquer son apathie et son indiff��rence par la paresse; mais cette explication n'��tait malheureusement pas possible.
L��on n'��tait pas paresseux; coll��gien, il avait figur�� parmi les laur��ats du grand concours; ��l��ve de l'��cole de droit, il avait pass�� tous ses examens r��guli��rement et avec de bonnes notes; enfin, dans l'atelier o�� il avait appris le dessin, il avait acquis une habilet�� et une s?ret�� de main qu'une longue application peut seule donner.
Et puis, d'autre part, ce n'��tait pas du z��le, ce n'��tait m��me pas du travail qu'ils lui demandaient. Le jour o�� ils l'avaient fait entrer dans leur maison, ils ne lui avaient pas dit: ?Tu travailleras depuis sept heures et demie du matin jusqu'�� neuf heures du soir, et tu emploieras ton temps sans perdre une minute.? Loin de l��. Car ce jour m��me ils lui avaient offert un appartement de gar?on luxueusement am��nag��, avec deux chevaux dans l'��curie, un pour la selle, l'autre pour l'attelage, voiture sous la remise, cocher, valet de chambre; et un pareil cadeau, qui lui permettait de mener d��sormais l'existence d'un riche fils de famille, n'��tait pas compatible avec de rigoureuses exigences de travail. Aussi ces exigences n'existaient-elles ni dans l'esprit du p��re ni dans celui de la m��re. Qu'il s'amusat. Qu'il pr?t dans le monde parisien la place qui selon eux appartenait �� l'h��ritier de leur maison, cela ��tait parfait; ils en seraient heureux; mais par contre cela n'emp��chait pas (au moins ils le croyaient) qu'il s'int��ressat aux affaires de cette maison, qui en r��alit�� serait un jour, qui ��tait d��j�� la sienne.
C'��tait l�� seulement ce qu'ils attendaient, ce qu'ils esp��raient, ce qu'ils exigeaient de lui.
Cependant si peu que cela f?t, ils ne l'obtinrent pas.
�� quoi pouvait tenir son indiff��rence, d'o�� venait-elle?
Ce furent les questions qu'ils agit��rent avec leurs amis et particuli��rement avec le plus intime, un commer?ant nomm�� Byasson, mais sans leur trouver une r��ponse satisfaisante, chacun ayant un avis diff��rent.
Ils s'arr��t��rent donc �� cette id��e, que les choses changeraient si, comme l'avait soutenu leur ami Byasson, on donnait �� L��on un r?le plus important dans la direction de la maison, plus d'initiative, plus de responsabilit��, et pour en arriver �� cela, ils d��cid��rent de s'��loigner de Paris pendant quelque temps.
Depuis plusieurs ann��es, les m��decins conseillaient �� M. Haupois d'aller faire une saison aux eaux de Balaruc, dans l'H��rault. Il avait toujours r��sist�� aux m��decins. Il c��da. La femme accompagna le mari.
L��on, rest�� seul ma?tre de la maison, serait bien forc�� de prendre l'habitude de diriger tout et de commander �� tous; m��me aux vieux employ��s, qui jusqu'�� ce jour l'avaient trait�� un peu en petit gar?on.
Cependant il ne dirigea rien et ne commanda �� personne, ni aux jeunes ni aux vieux employ��s.

II
Le d��part de son p��re et de sa m��re lui avait impos�� une obligation qu'il avait d? accepter, si d��sagr��able qu'elle f?t: c'��tait d'abandonner son appartement de la rue de Rivoli pour coucher rue Royale.
Lorsque le dernier des Daguillon, qui ��tait le p��re de madame Haupois, avait quitt�� le quartier du Louvre, o�� sa maison avait ��t�� fond��e, pour la transf��rer rue Royale, il avait install�� son appartement �� c?t�� de ses magasins; mais plus tard lorsque, sous la direction de M. Haupois, les affaires de la maison s'��taient d��velopp��es et avaient atteint leur apog��e, il avait fallu prendre cet appartement pour le transformer en salons d'exposition, en bureaux, en magasins. De
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