Candide | Page 7

Voltaire
et des morts. Pangloss le tirait cependant par la manche: Mon ami, lui disait-il, cela n'est pas bien, vous manquez �� la raison universelle, vous prenez mal votre temps. T��te et sang, r��pondit l'autre, je suis matelot et n�� �� Batavia; j'ai march�� quatre fois sur le crucifix dans quatre voyages au Japon[2]; tu as bien trouv�� ton homme avec ta raison universelle!
[1] Le tremblement de terre de Lisbonne est du 1er novembre 1755. B.
[2] Voyez tome XVIII, page 470. B.
Quelques ��clats de pierre avaient bless�� Candide; il ��tait ��tendu dans la rue et couvert de d��bris. Il disait �� Pangloss: H��las! procure-moi un peu de vin et d'huile; je me meurs. Ce tremblement de terre n'est pas une chose nouvelle, r��pondit Pangloss; la ville de Lima ��prouva les m��mes secousses en Am��rique l'ann��e pass��e; m��mes causes, m��mes effets; il y a certainement une tra?n��e de soufre sous terre depuis Lima jusqu'�� Lisbonne. Rien n'est plus probable, dit Candide; mais, pour Dieu, un peu d'huile et de vin. Comment probable? r��pliqua le philosophe, je soutiens que la chose est d��montr��e. Candide perdit connaissance, et Pangloss lui apporta un peu d'eau d'une fontaine voisine.
Le lendemain, ayant trouv�� quelques provisions de bouche en se glissant �� travers des d��combres, ils r��par��rent un peu leurs forces. Ensuite ils travaill��rent comme les autres �� soulager les habitants ��chapp��s �� la mort. Quelques citoyens, secourus par eux, leur donn��rent un aussi bon d?ner qu'on le pouvait dans un tel d��sastre: il est vrai que le repas ��tait triste; les convives arrosaient leur pain de leurs larmes; mais Pangloss les consola, en les assurant que les choses ne pouvaient ��tre autrement: Car, dit-il, tout ceci est ce qu'il y a de mieux; car s'il y a un volcan �� Lisbonne, il ne pouvait ��tre ailleurs; car il est impossible que les choses ne soient pas o�� elles sont, car tout est bien.
Un petit homme noir, familier de l'inquisition, lequel ��tait �� c?t�� de lui, prit poliment la parole et dit: Apparemment que monsieur ne croit pas au p��ch�� originel; car si tout est au mieux, il n'y a donc eu ni chute ni punition.
Je demande tr��s humblement pardon �� votre excellence, r��pondit Pangloss encore plus poliment, car la chute de l'homme et la mal��diction entraient n��cessairement dans le meilleur des mondes possibles. Monsieur ne croit donc pas �� la libert��? dit le familier. Votre excellence m'excusera, dit Pangloss; la libert�� peut subsister avec la n��cessit�� absolue; car il ��tait n��cessaire que nous fussions libres; car enfin la volont�� d��termin��e...... Pangloss ��tait au milieu de sa phrase, quand Je familier fit un signe de t��te �� son estafier qui lui servait �� boire du vin de Porto ou d'Oporto.

CHAPITRE VI.
Comment on fit un bel auto-da-f�� pour emp��cher les tremblements de terre, et comment Candide fut fess��.
Apr��s le tremblement de terre qui avait d��truit les trois quarts de Lisbonne, les sages du pays n'avaient pas trouv�� un moyen plus efficace pour pr��venir une ruine totale que de donner au peuple un bel auto-da-f��[1]; il ��tait d��cid�� par l'universit�� de Co?mbre que le spectacle de quelques personnes br?l��es �� petit feu, en grande c��r��monie, est un secret infaillible pour emp��cher la terre de trembler.
[1] Apr��s le tremblement de terre de Lisbonne, on y fit en effet un autoda-f��, le 20 juin 1756; voyez, tome XXI, le chapitre XXXI du _Pr��cis du Si��cle de Louis XV_. B.
On avait en cons��quence saisi un Biscayen convaincu d'avoir ��pous�� sa comm��re, et deux Portugais qui en mangeant un poulet en avaient arrach�� le lard: on vint lier apr��s le d?ner le docteur Pangloss et son disciple Candide, l'un pour avoir parl��, et l'autre pour l'avoir ��cout�� avec un air d'approbation: tous deux furent men��s s��par��ment dans des appartements d'une extr��me fra?cheur, dans lesquels on n'��tait jamais incommod�� du soleil: huit jours apr��s ils furent tous deux rev��tus d'un san-benito, et on orna leurs t��tes de mitres de papier: la mitre et le san-benito de Candide ��taient peints de flammes renvers��es, et de diables qui n'avaient ni queues ni griffes; mais les diables de Pangloss portaient griffes et queues, et les flammes ��taient droites. Ils march��rent en procession ainsi v��tus, et entendirent un sermon tr��s path��tique, suivi d'une belle musique en faux-bourdon. Candide fut fess�� en cadence, pendant qu'on chantait; le Biscayen et les deux hommes qui n'avaient point voulu manger de lard furent br?l��s, et Pangloss fut pendu, quoique ce ne soit pas la coutume. Le m��me jour la terre trembla de nouveau avec un fracas ��pouvantable.
Candide ��pouvant��, interdit, ��perdu, tout sanglant, tout palpitant, se disait �� lui-m��me: Si c'est ici le meilleur des mondes possibles, que sont donc les autres? passe encore si je n'��tais que fess��, je l'ai ��t�� chez les Bulgares; mais, ? mon cher Pangloss! le plus grand des
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