Candide | Page 6

Voltaire
destin des ��tats; on peut assurer que, quand trente mille hommes combattent en bataille rang��e contre des troupes ��gales en nombre, il y a environ vingt mille v��rol��s de chaque c?t��.
[1] Voyez tome XXXI, page 7. B.
Voil�� qui est admirable, dit Candide; mais il faut vous faire gu��rir. Et comment le puis-je? dit Pangloss; je n'ai pas le sou, mon ami, et dans toute l'��tendue de ce globe on ne peut ni se faire saigner, ni prendre un lavement sans payer, ou sans qu'il y ait quelqu'un qui paie pour nous.
Ce dernier discours d��termina Candide; il alla se jeter aux pieds de son charitable anabaptiste Jacques, et lui fit une peinture si touchante de l'��tat o�� son ami ��tait r��duit, que le bon-homme n'h��sita pas �� recueillir le docteur Pangloss; il le fit gu��rir �� ses d��pens. Pangloss, dans la cure, ne perdit qu'un oeil et une oreille. Il ��crivait bien, et savait parfaitement l'arithm��tique. L'anabaptiste Jacques en fit son teneur de livres. Au bout de deux mois, ��tant oblig�� d'aller �� Lisbonne pour les affaires de son commerce, il mena dans son vaisseau ses deux philosophes. Pangloss lui expliqua comment tout ��tait on ne peut mieux. Jacques n'��tait pas de cet avis. Il faut bien, disait-il, que les hommes aient un peu corrompu la nature, car ils ne sont point n��s loups, et ils sont devenus loups. Dieu ne leur a donn�� ni canons de vingt-quatre, ni ba?onnettes, et ils se sont fait des ba?onnettes et des canons pour se d��truire. Je pourrais mettre en ligne de compte les banqueroutes, et la justice qui s'empare des biens des banqueroutiers pour en frustrer les cr��anciers. Tout cela ��tait indispensable, r��pliquait le docteur borgne, et les malheurs particuliers font le bien g��n��ral; de sorte que plus il y a de malheurs particuliers, et plus tout est bien. Tandis qu'il raisonnait, l'air s'obscurcit, les vents souffl��rent des quatre coins du monde, et le vaisseau fut assailli de la plus horrible temp��te, �� la vue du port de Lisbonne.
CHAPITRE V.
Temp��te, naufrage, tremblement de terre, et ce qui advint du docteur Pangloss, de Candide, et de l'anabaptiste Jacques.
La moiti�� des passagers affaiblis, expirants de ces angoisses inconcevables que le roulis d'un vaisseau porte dans les nerfs et dans toutes les humeurs du corps agit��es en sens contraires, n'avait pas m��me la force de s'inqui��ter du danger. L'autre moiti�� jetait des cris et fesait des pri��res; les voiles ��taient d��chir��es, les mats bris��s, le vaisseau entr'ouvert. Travaillait qui pouvait, personne ne s'entendait, personne ne commandait. L'anabaptiste aidait un peu �� la manoeuvre; il ��tait sur le tillac; un matelot furieux le frappe rudement et l'��tend sur les planches; mais du coup qu'il lui donna, il eut lui-m��me une si violente secousse, qu'il tomba hors du vaisseau, la t��te la premi��re. Il restait suspendu et accroch�� �� une partie de mat rompu. Le bon Jacques court �� son secours, l'aide �� remonter, et de l'effort qu'il fait, il est pr��cipit�� dans la mer �� la vue du matelot, qui le laissa p��rir sans daigner seulement le regarder. Candide approche, voit son bienfaiteur qui repara?t un moment, et qui est englouti pour jamais. Il veut se jeter apr��s lui dans la mer: le philosophe Pangloss l'en emp��che, en lui prouvant que la rade de Lisbonne avait ��t�� form��e expr��s pour que cet anabaptiste s'y noyat. Tandis qu'il le prouvait _�� priori_, le vaisseau s'entr'ouvre, tout p��rit �� la r��serve de Pangloss, de Candide, et de ce brutal de matelot qui avait noy�� le vertueux anabaptiste; le coquin nagea heureusement jusqu'au rivage, o�� Pangloss et Candide furent port��s sur une planche.
Quand ils furent revenus un peu �� eux, ils march��rent vers Lisbonne; il leur restait quelque argent, avec lequel ils esp��raient se sauver de la faim apr��s avoir ��chapp�� �� la temp��te.
A peine ont-ils mis le pied dans la ville, en pleurant la mort de leur bienfaiteur, qu'ils sentent la terre trembler sous leurs pas[1]; la mer s'��l��ve en bouillonnant dans le port, et brise les vaisseaux qui sont �� l'ancre. Des tourbillons de flammes et de cendres couvrent les rues et les places publiques; les maisons s'��croulent, les toits sont renvers��s sur les fondements, et les fondements se dispersent; trente mille habitants de tout age et de tout sexe sont ��cras��s sous des ruines. Le matelot disait en sifflant et en jurant: il y aura quelque chose �� gagner ici. Quelle peut ��tre la raison suffisante de ce ph��nom��ne? disait Pangloss. Voici le dernier jour du monde! s'��criait Candide. Le matelot court incontinent au milieu des d��bris, affronte la mort pour trouver de l'argent, en trouve, s'en empare, s'enivre, et ayant cuv�� son vin, ach��te les faveurs de la premi��re fille de bonne volont�� qu'il rencontre sur les ruines des maisons d��truites, et au milieu des mourants
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 45
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.