destin des ��tats; on peut assurer que, quand trente mille hommes combattent en bataille rang��e contre des troupes ��gales en nombre, il y a environ vingt mille v��rol��s de chaque c?t��.
[1] Voyez tome XXXI, page 7. B.
Voil�� qui est admirable, dit Candide; mais il faut vous faire gu��rir. Et comment le puis-je? dit Pangloss; je n'ai pas le sou, mon ami, et dans toute l'��tendue de ce globe on ne peut ni se faire saigner, ni prendre un lavement sans payer, ou sans qu'il y ait quelqu'un qui paie pour nous.
Ce dernier discours d��termina Candide; il alla se jeter aux pieds de son charitable anabaptiste Jacques, et lui fit une peinture si touchante de l'��tat o�� son ami ��tait r��duit, que le bon-homme n'h��sita pas �� recueillir le docteur Pangloss; il le fit gu��rir �� ses d��pens. Pangloss, dans la cure, ne perdit qu'un oeil et une oreille. Il ��crivait bien, et savait parfaitement l'arithm��tique. L'anabaptiste Jacques en fit son teneur de livres. Au bout de deux mois, ��tant oblig�� d'aller �� Lisbonne pour les affaires de son commerce, il mena dans son vaisseau ses deux philosophes. Pangloss lui expliqua comment tout ��tait on ne peut mieux. Jacques n'��tait pas de cet avis. Il faut bien, disait-il, que les hommes aient un peu corrompu la nature, car ils ne sont point n��s loups, et ils sont devenus loups. Dieu ne leur a donn�� ni canons de vingt-quatre, ni ba?onnettes, et ils se sont fait des ba?onnettes et des canons pour se d��truire. Je pourrais mettre en ligne de compte les banqueroutes, et la justice qui s'empare des biens des banqueroutiers pour en frustrer les cr��anciers. Tout cela ��tait indispensable, r��pliquait le docteur borgne, et les malheurs particuliers font le bien g��n��ral; de sorte que plus il y a de malheurs particuliers, et plus tout est bien. Tandis qu'il raisonnait, l'air s'obscurcit, les vents souffl��rent des quatre coins du monde, et le vaisseau fut assailli de la plus horrible temp��te, �� la vue du port de Lisbonne.
CHAPITRE V.
Temp��te, naufrage, tremblement de terre, et ce qui advint du docteur Pangloss, de Candide, et de l'anabaptiste Jacques.
La moiti�� des passagers affaiblis, expirants de ces angoisses inconcevables que le roulis d'un vaisseau porte dans les nerfs et dans toutes les humeurs du corps agit��es en sens contraires, n'avait pas m��me la force de s'inqui��ter du danger. L'autre moiti�� jetait des cris et fesait des pri��res; les voiles ��taient d��chir��es, les mats bris��s, le vaisseau entr'ouvert. Travaillait qui pouvait, personne ne s'entendait, personne ne commandait. L'anabaptiste aidait un peu �� la manoeuvre; il ��tait sur le tillac; un matelot furieux le frappe rudement et l'��tend sur les planches; mais du coup qu'il lui donna, il eut lui-m��me une si violente secousse, qu'il tomba hors du vaisseau, la t��te la premi��re. Il restait suspendu et accroch�� �� une partie de mat rompu. Le bon Jacques court �� son secours, l'aide �� remonter, et de l'effort qu'il fait, il est pr��cipit�� dans la mer �� la vue du matelot, qui le laissa p��rir sans daigner seulement le regarder. Candide approche, voit son bienfaiteur qui repara?t un moment, et qui est englouti pour jamais. Il veut se jeter apr��s lui dans la mer: le philosophe Pangloss l'en emp��che, en lui prouvant que la rade de Lisbonne avait ��t�� form��e expr��s pour que cet anabaptiste s'y noyat. Tandis qu'il le prouvait _�� priori_, le vaisseau s'entr'ouvre, tout p��rit �� la r��serve de Pangloss, de Candide, et de ce brutal de matelot qui avait noy�� le vertueux anabaptiste; le coquin nagea heureusement jusqu'au rivage, o�� Pangloss et Candide furent port��s sur une planche.
Quand ils furent revenus un peu �� eux, ils march��rent vers Lisbonne; il leur restait quelque argent, avec lequel ils esp��raient se sauver de la faim apr��s avoir ��chapp�� �� la temp��te.
A peine ont-ils mis le pied dans la ville, en pleurant la mort de leur bienfaiteur, qu'ils sentent la terre trembler sous leurs pas[1]; la mer s'��l��ve en bouillonnant dans le port, et brise les vaisseaux qui sont �� l'ancre. Des tourbillons de flammes et de cendres couvrent les rues et les places publiques; les maisons s'��croulent, les toits sont renvers��s sur les fondements, et les fondements se dispersent; trente mille habitants de tout age et de tout sexe sont ��cras��s sous des ruines. Le matelot disait en sifflant et en jurant: il y aura quelque chose �� gagner ici. Quelle peut ��tre la raison suffisante de ce ph��nom��ne? disait Pangloss. Voici le dernier jour du monde! s'��criait Candide. Le matelot court incontinent au milieu des d��bris, affronte la mort pour trouver de l'argent, en trouve, s'en empare, s'enivre, et ayant cuv�� son vin, ach��te les faveurs de la premi��re fille de bonne volont�� qu'il rencontre sur les ruines des maisons d��truites, et au milieu des mourants
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