les naturalistes
avaient généralement affirmé qua l'hippopotame était unipare,
c'est-à-dire ne mettait bas qu'une seule fois.
Il est vrai qu'unipare veut aussi bien dire, à mon avis, que
l'hippopotame ne met bas qu'un seul petit à la fois.
La désolation, au reste, ne fut pas longue. Le gardien des deux animaux
annonça bientôt à ces mêmes savants que, si ses prévisions ne le
trompaient pas, la femelle hippopotame donnerait dans quatorze mois
un nouveau produit. Quatorze mois après, jour pour jour, la femelle
manifesta l'intention d'aller au bassin préparé pour faire ses couches, et,
après une seule douleur, qui se manifesta par une violente crispation,
elle mit au monde son second petit.
Les savants furent prévenus de nouveau. Ils accoururent, virent le petit
animal nageant à la surface du bassin, se couchant délicatement sur le
cou et sur le dos de sa mère, qui--l'allaitait en levant la cuisse;
seulement, du lundi au mercredi matin, c'est-à-dire pendant l'espace de
quarante-huit heures environ, ni le petit ni la mère ne sortirent de l'eau.
Le mâle paraissait indifférent, mais non pas hostile à sa progéniture.
Le mercredi matin, le petit commença de sortir du bassin et de se
coucher au soleil. On envoya aussitôt chercher les savants, qui vinrent,
qui l'examinèrent et le mesurèrent. Il portait près d'un mètre trente-cinq
centimètres d'une extrémité à l'autre, et grossissait à vue d'oeil, et
_comme si on l'eût soufflé_. Rapport d'un témoin oculaire.
Au nombre des savants, est un fort bon et fort aimable homme, M.
Prévost, que la femelle hippopotame, malgré toutes les avances qu'il lui
a faites et lui fait journellement, a pris en grippe. Elle ne peut pas le
voir, et, sitôt qu'elle le voit, sort de son bassin et essaye de le charger.
M. Geoffroy-Saint Hilaire lui-même, malgré la haute position qu'il
occupe, non-seulement au Jardin des plantes, mais encore dans la
science, n'a jamais pu familiariser avec le pachyderme; ce qui pourrait
bien avoir eu une influence sur le jugement un peu sévère qu'il en porte,
contradictoirement à l'opinion de son confrère le savant allemand
Funke, qui dit, dans son Histoire naturelle, édition de Leipzig, 1811,
que «la nature de l'hippopotame est douce et inoffensive.»
Ajoutons que, pendant la soirée qui précéda le meurtre commis par
l'hippopotame sur son petit, MM. les savants se livrèrent à une grande
chasse aux rats. Les moyens de destruction étant le pistolet, et les
savants, chose reconnue, ne maniant pas cette arme avec une
supériorité remarquable, il y eut peu de rats tués, mais beaucoup de
coups de pistolet tirés et beaucoup de bruit fait.
Ce bruit parut vivement inquiéter la femelle de l'hippopotame.
Vers une heure du matin, le gardien de veille vit sortir de l'eau le petit
hippopotame se traînant à peine, et paraissant visiblement souffrir. Au
bout de quelques pas, il se coucha, avec un gémissement, au bord de
son bassin; le gardien courut à lui, et reconnut six blessures, dont une
mortelle traversant le poumon.
Il courut à M. Prévost, le réveilla, et lui annonça que, s'il voulait voir le
petit hippopotame vivant, il lui fallait se hâter.
M. Prévost se hâta et reçut le dernier soupir du petit hippopotame, sans
que la mère, à ce triste spectacle, manifestât autre chose que son
mécontentement de l'introduction d'un étranger dans son domicile.
Vers deux heures du matin, le petit hippopotame rendit le dernier
soupir.
Maintenant, nous qui n'avons jamais eu aucune prétention à la science,
mais qui sommes un homme pratique, ayant vécu parmi les animaux
domestiques et sauvages, présentons une bien humble observation à
MM. les savants.
C'est que les animaux domestiques seuls tolèrent la présence et
l'attouchement de l'homme à l'endroit de leurs petits; encore a-t-on
remarqué que les chiens et les chats, dont on avait tué, comme cela
arrive souvent trois ou quatre petits pour ne leur en laisser qu'un ou
deux, ou se cachaient pour mettre bas lors d'une nouvelle parturition,
ou, voyant que l'on avait touché à leurs petits, les emportaient et les
cachaient du mieux qu'il leur était possible pour les enlever à la main
destructrice de l'homme.
Mais il en est bien pis des animaux sauvages. Beaucoup de
quadrupèdes, voyant l'endroit où ils ont déposé et où ils allaitent leurs
petits découvert, les abandonnent et les laissent mourir de faim.
Quant aux oiseaux des forêts et même des jardins, il suffit de toucher à
leurs oeufs pour qu'ils renoncent, à l'incubation et que ces oeufs soient
perdus; il est vrai qu'ils tiennent davantage à leurs petits.
Cependant, citons un fait qui se passe fréquemment à l'endroit de
ceux-ci.
Souvent, des enfants, ayant découvert, à quelques pas de la maison
qu'ils habitent, dans le jardin qu'ils fréquentent, un nid soit de
chardonneret, soit de pinson, soit de fauvette, et voulant se dispenser de
la peine d'élever les petits
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