Brancas; Les amours de Quaterquem | Page 8

Alfred Assollant
jamais vu.
�� ce mot tu vas rire, et je t'entends d��j��. L'homme le plus aimable ne tardera gu��re �� ��tre le plus aim��. Mademoiselle, vous pourriez vous tromper. Il est tr��s-aimable, je l'avoue, mais ce n'est pas mon id��al. Tu entends bien ce que je veux dire, toi qui cherches encore cet id��al et qui le cherchais d��s la pension, tant?t dans le ma?tre de chant, tant?t dans le ma?tre d'italien. Mon id��al, c'est le beau T��n��breux, c'est Amadis de Gaule sur la Roche-Pauvre, c'est je ne sais quoi de myst��rieux, d'h��ro?que, d'incompr��hensible, qu'un avocat ne saurait avoir. As-tu vu quelque part l'histoire du premier roi de Portugal? C'��tait un brave gentilhomme, aim�� des dames, et que sa ma?tresse voulut obliger de lui conqu��rir un royaume.--N'est-ce que cela? dit-il en montant �� cheval, eh! je vous en donnerai, s'il le faut, une demi-douzaine.--Il partit pour l'Espagne, et tua tant de Sarrasins que ceux qui restaient, pour obtenir quelque r��pit, lui offrirent le Portugal, dont il fit, ma foi, pr��sent �� sa dame comme il l'avait promis. Voil�� un homme! Mais ceux d'aujourd'hui ne savent que s'injurier de vive voix ou par ��crit, suivant leur profession.
?Pour revenir au sieur Brancas, qui ne conquerra jamais rien, si ce n'est peut-��tre le droit de s'asseoir avec quatre ou cinq cents bavards, dans une grande salle assez mal batie qui est au bout du pont de la Concorde, nous avons caus�� de toutes sortes de choses, et d'abord de voyages. J'ai d��clar��, non sans quelque fiert��, que j'avais vu la cataracte du Niagara. Cette nouvelle a paru lui faire grand plaisir. Esp��re-t-il, le voyage ��tant fait, n'avoir pas �� le recommencer, ou bien a-t-il admir�� mon intr��pidit��? Ce point est encore ind��cis.
?Du Niagara nous passames au Rhin, et du Rhin aux Alpes et �� la po��sie. Ma ch��re, croirais-tu qu'il ne lit jamais les po?tes? C'est �� faire fr��mir; on n'est pas avocat �� ce point. Monsieur s'excusa sur ce qu'il est h��gelien. H��gel! Qui est cette b��te-l��? Tu as vu sans doute des loups, des ours, des renards et des ��l��phants blancs; mais peut-��tre n'as-tu jamais vu des h��geliens. Ma ch��re, rien n'est plus joli. Vois un peu: Tout ce qui est rationnel est r��el; tout ce qui est r��el est rationnel. Exemple: Tu n'as jamais vu d'homme �� trois t��tes, mais tu as l'id��e d'un homme et d'une t��te et par cons��quent de deux et de trois t��tes. Or, tout ce qui est rationnel est r��el; donc l'homme �� trois t��tes, �� cent t��tes, �� trente mille t��tes existe, et s'il n'existe pas, c'est la faute de la Providence, de la nature ou de n'importe qui; n'est-ce pas clair? Eh bien, ma ch��re, il m'a d��bit�� cela couramment, sans broncher, comme un h��gelien qu'il est. De Victor Hugo, de Lamartine ou de Musset, pas un mot. Messieurs les h��geliens ne se d��rangent pas pour si peu. Oh! s'il s'agissait d'objectif ou de subjectif, c'est une autre affaire. J'ai voulu pousser celui-ci:
?Mais, monsieur, si toute id��e rationnelle devient aussit?t une r��alit��, vous avez assur��ment l'id��e que vous pouvez mourir; donc vous ��tes mort?--Vous avez raison, m'a-t-il r��pondu avec gravit��.... (Vis-tu jamais, Claudie, un h��gelien de cette force?) Tous les jours il se joue, dans le fond de mon ame, des symphonies aussi r��elles et mille fois plus belles qu'aucune symphonie de Beethoven. J'en ai l'id��e, donc je les entends quand il me pla?t et sans crainte de devenir jamais sourd. De m��me en amour: j'aime sans crainte, je suis s?r d'��tre aim��.
--Vous aimez? dis-je un peu ��tonn��e et encore plus curieuse.
--Je veux dire: s'il me plaisait d'aimer.
--Et... vous pla?t-il quelquefois??
?En faisant cette question d'un air fort d��tach��, je rougissais malgr�� moi.
--Je n'en ai pas encore fait l'exp��rience.... (�� trente ans, Claudie! le crois-tu?) J'attends encore mon id��al. (Ma ch��re, il a un id��al, cet h��g��lien!)
--Et votre id��al a sans doute une forme ravissante?
--Vous me feriez tort d'en douter, mademoiselle. C'est une blonde aux yeux de saphir, qui a bien de l'esprit et qui parle philosophie comme un platonicien.? (Avoue qu'il cause bien, cet h��gelien; et si tu voyais comme ses yeux expliquent ses paroles.)
La conversation a continu�� quelque temps sur ce ton, et il ne tient qu'�� moi de penser que j'ai fait sa conqu��te. Quant �� lui, mon p��re n'avait pas tort, il est tr��s-pr��sentable.
Au reste, pour que tu puisses en juger, je vais te l'envoyer lui-m��me. Cela t'��tonne. Apprends donc, ch��re belle, que mon h��gelien va partir pour Vieilleville; c'est lui qui plaidera je ne sais quoi contre je ne sais qui. Cette indication doit te suffire. Il m'a gracieusement offert de se charger de tous mes paquets, messages et commissions, et, ma foi, j'en profite pour te le montrer. Il te remettra un bracelet qu'a demand�� pour toi �� Froment
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