Brancas; Les amours de Quaterquem | Page 7

Alfred Assollant
tous les mardis du th��, du punch et des cigares �� trente ou quarante personnes qui se divisent en trois cat��gories: les gens riches, les gens d'esprit et les gens bien cravat��s. Quand la conversation est engag��e et qu'on s'��chauffe, quand on partage l'Orient, donnant l'��gypte aux Anglais, Constantinople aux Russes, le reste �� je ne sais qui, et �� la France la Gloire de pr��sider au partage; je m'esquive doucement sur la pointe du pied.)--Tout est pr��t, papa, ai-je dit. Il m'a regard��e dans les yeux, m'a embrass��e une seconde fois tr��s-tendrement, s'est assis pr��s de moi et m'a demand�� d'un air myst��rieux: Penses-tu quelquefois au m��nage?--Pas encore.? C'��tait presque vrai. Je n'y pense qu'�� mes moments perdus, et je t'assure que ma toilette, les emplettes du matin, les promenades au bois de Boulogne dans l'apr��s-midi, quelques visites �� mes bonnes amies, les le?ons de chant, l'Op��ra, et l'��difiante lecture des romans de M. Jules Sandeau, ne me laissent gu��re de loisirs. ?J'en suis fach��, a-t-il repris, car j'avais justement �� te proposer un mari tr��s-pr��sentable; mais, puisque le mariage te d��pla?t, n'en parlons plus.--Oh! je n'ai ni sympathie ni antipathie pour le mariage; je n'y pense pas. Voyons un peu ton mari tr��s-pr��sentable.--Non, mon enfant, je ne veux pas g��ner tes go?ts ni tes habitudes....--Mais, papa, tu ne g��nes rien ni personne, je t'assure.--Non, Rita, je connais le danger des unions mal assorties....--Mais papa, cette union n'est ni bien ni mal assortie, puisqu'elle n'est pas assortie du tout.--Non, mon enfant, je ne suis pas de ces p��res barbares!... (Plus j'insistais, plus il reculait et s'amusait �� irriter ma curiosit��.)--Eh bien garde ton secret, ai-je dit avec impatience. Il s'est d��cid�� �� parler: Que dis-tu du nom de Brancas?--Duc de Brancas?--Non, non, Brancas avocat.--Il y a tant d'avocats!--Pas plus que de ducs.--Oh! je ne tiens pas aux ducs. Comment est-il fait ton M. Brancas, qui n'est pas duc?--Je ne sais pas, je le connais �� peine, mais on le dit assez riche, fort ��loquent, et du bois dont on fait les ministres, qui sont plus rares sur la place et plus recherch��s que les ducs.--Voyons-le donc. Tu l'attends ce soir?--Tu l'as devin��. Viens d��jeuner.?
?Les p��dants nous accusent d'��tre surtout bavardes: ce sont de sottes gens qui n'entendent rien aux femmes: nous sommes mille fois plus curieuses. Je t'avoue que la journ��e m'a paru longue et qu'il me tardait de voir le mortel t��m��raire que ma dot a s��duit; car, pour mes yeux, il n'y faut pas penser: o�� les aurait-il rencontr��s? ��tait-il blond ou brun? grand ou petit, aquilin ou camus? Dans cette incertitude, les minutes coulaient avec la lenteur des si��cles. Pour moi, un brun, aquilin, non sans moustaches et un peu farouche, me convenait assez.
?Enfin le d��sir�� Brancas a paru. Ma ch��re, c'est un blond. J'aurais d? m'en douter. Le destin n'en fait pas d'autres. �� cela pr��s, il a bonne apparence: il n'est ni fat ni impertinent, ni trop content de sa personne, ni d��daigneux, ni bavard, ni empes��, ni froid. Tout dans ses mani��res respire la politesse, la franchise et la bienveillance: tu peux croire que si j'ai mal vu, ce n'est pas faute d'avoir bien regard��. En entrant, il m'a fait un tr��s-court compliment auquel j'ai r��pondu par un sourire; puis mon p��re s'est empar�� de lui et l'a conduit dans un petit salon que le sexe malpropre se r��serve pour fumer et cracher tout �� l'aise. L�� ils ont caus�� de ne je sais quoi qui devait ��tre fort int��ressant, si j'en juge par l'air attentif de notre avocat. Mon p��re l'a quitt�� tout ravi. ?On ne peut pas avoir plus d'esprit,? m'a-t-il dit en passant pr��s de moi. Ma ch��re, cet homme est sans d��faut; il est avocat, et il ��coute; n'est-ce pas un prodige dans son m��tier? Il a devin�� le faible de mon p��re, qui est de parler, et il n'a pas dit six paroles. Curieuse �� mon tour de contempler ce prodige, je me suis avanc��e sous pr��texte d'offrir du th��, et un conseiller d'��tat, qui est son oncle, a eu la discr��tion de se retirer et de nous m��nager un t��te-��-t��te dans l'embrasure d'une fen��tre.
?Claudie, c'est �� n'y pas croire: il parle encore mieux qu'il n'��coute. Il est d'un naturel parfait, il ne s'��chauffe pas, il ne gesticule pas, il ne cherche pas ses phrases, il ne s'efforce pas d'avoir de l'esprit et il en a, il ne se moque ni des pr��sents ni des absents, il ne discute jamais, il ne cite personne, d'un mot il dit une histoire, il n'interrompt jamais et il se laisse interrompre; je ne crois pas qu'il ait du g��nie, bien que mon p��re assure qu'il est l'un des trois premiers avocats de Paris, mais c'est l'homme le plus aimable que j'aie
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 76
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.