Brancas; Les amours de Quaterquem | Page 9

Alfred Assollant
Meurice ta meilleure amie et ton humble servante.
?RITA.?
?Comment se porte le seigneur Audinet, ton futur propri��taire? Je ne sais pourquoi sa figure ne me revient pas, et je ne donne pas mon consentement au mariage. Oui, je t'entends, une fille sans dot ne fait pas ce qu'elle veut. Eh! mon enfant, est-il si dur de mourir fille? Coquette, je lis dans tes yeux que tu ne manques pas de maris. Au moins, ne me prends pas mon H��gelien. Ce n'est pas que j'y tienne, mais un H��gelien est un oiseau rare �� Paris.?

VI
?Eh bien! dit le conseiller d'��tat �� son neveu, es-tu content de ta future?
--Oui.... assez.
--Est-elle jolie?
--Charmante.
--A-t-elle de l'esprit?
--Trop.
--Comment trop!
--Eh! oui, rien ne l'��tonne.
--Ah! tu aimes mieux le myst��re et les petites filles qui baissent modestement les yeux et regardent les hommes �� travers leurs doigts ��cart��s. �� ton aise, mon ami, la province est pleine de ces ing��nues. Va en province.
--J'y vais.
--Ainsi, tout est rompu?
--Vous m'entendez mal, cher oncle. Rita est tout �� fait s��duisante, mais....
--Mais elle ne te s��duit pas.
--Oui, elle me pla?t beaucoup; mais je la trouve trop raisonnable, trop gaie; j'ai pour elle beaucoup d'amiti��, je n'aurai jamais d'amour.
--Jamais d'amour! ? douleur! Tu comptais donc sur un mariage d'amour?
--Pourquoi non?
--Tr��s-bien, mon ami. Ce pourquoi non? est sublime. Est-ce que l'amour est de ton age? L'amour, c'est l'Inconnu. Quand on a p��n��tr�� cet Inconnu, tout est fini. Toutes les femmes se ressemblent. Les grimaces changent un peu, le son de voix est plus doux ou plus rude, la feuille de figuier est plus ou moins bien taill��e, mais le fond est toujours le m��me. Cl��opatre ou Goton, c'est tout un. Oh! si tu n'avais jamais aim��, je comprendrais ton d��sir.
--J'ai aim��.
--Qui?
--Ni Goton ni Cl��opatre assur��ment, mais de fort aimables cr��atures qui m'ont ��t�� tant?t cruelles, tant?t compatissantes, suivant l'humeur du jour ou les conseils de la nuit, je vous jure qu'aucune d'elles ne m'a ennuy�� ni fait voir deux fois le m��me spectacle. L'amour est infini et vari�� comme ce vaste univers. Cher oncle, vous n'entendez plus rien �� ces questions. Vous ��tes comme un brave v��t��ran qui a cent fois affront�� le feu dans sa jeunesse, mais qui ne conna?t plus la manoeuvre.
--En r��sum��, dois-je demander la main de Mlle Oliveira, ou faut-il attendre qu'un rayon d'amour t'illumine?
--Demandez toujours, cher oncle. Vous pourriez avoir une pire ni��ce.?

Deux jours apr��s, Brancas partit pour Vieilleville. En ce temps-l��, qui d��j�� pour nous se confond avec celui o�� No�� jeta l'ancre sur le mont Ararat, les convois du chemin de fer s'arr��taient �� Orl��ans, et toute la France qui est entre la Loire et les Pyr��n��es ne connaissait qu'en peinture cette mani��re de voyager. Il fallut donc monter en diligence �� Orl��ans. Il ��tait minuit, et Brancas, un manteau sous le bras et les mains dans les poches, attendait patiemment dans le bureau que le conducteur donnat le signal du d��part. �� ce moment, deux dames entr��rent suivies de onze malles, caisses et cartons �� chapeau. Cette vue fit blasph��mer le facteur, qui croyait son travail termin��. Le conducteur leva les ��paules, et Brancas regarda les dames. La plus ag��e paraissait avoir cinquante ans et n'avait rien de remarquable qu'une maigreur assez rare et des graces pleines d'affectation. Ce n'��tait pas de quoi s��duire le voyageur. En revanche la plus jeune avait les plus beaux yeux noirs qu'on p?t voir, et son visage r��gulier et doux, mais un peu altier, ��tait de ceux qu'on n'oublie pas. Le Parisien en fut ��bloui, et se rangea respectueusement pour lui faire place pr��s du bureau. Elle le remercia par un salut et un demi-sourire auquel Brancas, fin connaisseur en sourires, devina qu'elle avait le sentiment de sa propre sup��riorit��.
?Parbleu! se dit-il, en sortant du bureau de la diligence, voil�� une petite personne �� qui il ne doit pas ��tre facile de baiser le bout des doigts. Mais qu'elle est belle! Rita est �� cent piques au-dessous.?
Sur cette r��flexion, il fit le tour de la place du Martroi, en regardant les ��toiles, et revint �� la diligence au moment o�� le conducteur, ayant d��j�� termin�� l'appel des voyageurs, criait �� tue-t��te:
?Monsieur Brancas! en voiture!?
Il se hata de monter dans le coup��, o�� d��j�� les deux dames l'avaient pr��c��d��, et s'installa dans un coin avec le soin d'un homme qui remplit scrupuleusement tous ses devoirs envers lui-m��me. Le postillon fit claquer son fouet, et les quatre chevaux s'��lanc��rent au galop sur la route de Vieilleville.
Le temps ��tait sombre et pluvieux. La dame maigre, qui occupait l'autre coin du coup��, avan?a bient?t la t��te, et dit d'une voix cadenc��e:
?Monsieur, voulez-vous avoir la bont�� de relever le carreau de votre c?t��? ma poitrine est si d��licate qu'elle ne peut supporter la fra?cheur de l'air ambiant.?
Le Parisien, d��j�� plong�� dans les d��lices du premier sommeil, ne
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