Bouddha | Page 7

Jules Claretie
costume de Gr��vin!
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IV
Je ne te raconterai pas mes impressions du Tonkin. Ah! nous en avons vu! Il y a eu, l��-bas, mon cher, jour par jour, des h��ro?smes et des faits d'armes qui donnent de l'espoir au coeur. Et tout ?a si loin, sans nouvelles, sous la pluie, dans la boue, avec la fi��vre, le chol��ra, les rhumatismes, tout le tonnerre de chien de l'h?pital! La bataille, ce n'est rien; on se sent vivre quand on se moque de mourir. Mais la maladie b��te, la dysenterie qui vous tord les entrailles, l'an��mie qui vous mine, l'eau putride plus meurtri��re que le canon... et la boue, mon cher, la boue, les d��fil��s dans les rizi��res, les ciels bas et gris, la terre o�� l'on enfonce comme dans du beurre et qui vous retient comme un sable mouvant... Et, avec cela, ��tape sur ��tape, marches et contremarches, des pi��ces d'artillerie embourb��es et port��es �� dos d'homme par des chemins ��troits comme des rubans... Puis, quelquefois, des for��ts �� traverser, sans ��claireurs et sans cartes, des sentiers se tracer �� travers bois, �� coups de hache... Je te passe tout ?a; c'est ennuyeux �� subir, ces journ��es et ces nuits d'alerte et de fatigue, mais c'est amusant �� ��voquer... J'ai souvent regrett�� ce mauvais temps, en fumant mon cigare! Atroce, la guerre, mais quelle gymnastique morale! Toutes les facult��s de l'homme en ��veil, et les meilleures: le courage, le d��vouement, la d��cision, l'amour du prochain et l'amour du drapeau!
Pour en revenir �� Bouddha, je l'avais depuis longtemps oubli��, le Bouddha d'Antonia Boulard, et je me r��servais --comme je l'avais dit--d'en d��terrer un, au moment du retour, chez quelque brocanteur d'Hano?... J'en avais tant vu, de mes camarades, qui faisaient provision de bibelots par avance, et qu'une balle couchait en chemin! On exp��diait dans quelque caisse, �� la famille, leur pantalon rouge, leur portefeuille et les rouleaux de papier de Chine achet��s ?�� et l��, et achats et d��froque, tout partait, roul�� en un paquet, pour France. L'id��e de me fournir par avance d'un Bouddha que je pourrais abandonner en route avec ma carcasse ne me souriait pas beaucoup... Oui, au retour, je m'en occuperais, au retour!
Et, en attendant le retour, nous nous enfoncions chaque jour plus avant du c?t�� de la fronti��re de Chine, allant vers Lang-Son, qu'il fallait emporter et que nous aurions occup�� depuis des mois sans le guet-apens que tu connais... Lang-Son enlev��, nous pouvions nous y croire en grande halte, lorsque, au milieu de f��vrier, le g��n��ral re?oit de Tuyen-Quan des nouvelles dures... Les Chinois tenaient l��-bas, comme �� la gorge, la petite garnison du commandant Domin��, et, pied �� pied, attaquaient la citadelle... Toute une arm��e, comme tu sais, celle du Yun-Nam, autour d'une poign��e d'hommes! Impossible de laisser ��craser la garnison qui se d��fend, l��-bas, depuis d��cembre! De d��cembre �� mars, compte les jours d'h��ro?sme, mon cher!
Bri��re de l'Isle laisse donc N��grier Lang-Son, et, le 15 f��vrier, sans pouvoir prendre un repos cranement gagn��, en route pour Tuyen-Quan, toute la brigade Giovaninelli! Infanterie de marine, artilleurs, tirailleurs tonkinois et deux bataillons de mes bons turcos. Nous ��tions ��reint��s! oh! ��reint��s! Mais on avait dit la veille au soldat: ?Il faut un effort pour prendre Lang-Son?. Le soldat avait fait un effort. On lui disait, le lendemain: ?Il faut un effort pour d��bloquer Tuyen-Quan?. Le soldat faisait un effort. Et gaiement.
Pauvres enfants, ces soldats, troupeau de moutons h��ro?ques allant �� la boucherie comme �� une promenade! Et quelle promenade! Par la route mandarine, un brouillard �� couper au couteau; presque du verglas pour avancer; partout des arroyos... En quatre heures de marche, on traverse l'eau sept fois... La nuit vient... il pleut... on attend le jour en grelottant... A l'aurore,--brr! quelle aurore!--Bono, disent les turcos, et en route!
En avant, les fantassins nous taillent des escaliers dans les pentes raides... On nous dit qu'il y a des tigres, ?�� et l��, dans les montagnes de marbre... Tant mieux! Voir des tigres, ?a nous distrairait!... Et nous marchons, nous marchons, nous marchons... Il nous semble entendre dans le lointain les cris d'appel de la petite garnison qui se d��fend avec la br��che ouverte et qu'on ��gorge. Et quand la fatigue se fait sentir chez nos hommes, un mot, comme un coup d'��peron, les ranime:
--Vous savez, les camarades nous attendent!
Et ces pauvres diables de turcos, donnant leur peau pour les Fran?ais, que leurs p��res ont combattus, disent alors avec un entrain touchant, montrant en riant leurs dents blanches:
--Oui, oui, camarades! Camarades! L��-bas! En avant!
Et on marche.
Comme c'est dr?le, la b��tise humaine! Une nuit, tous ces malheureux, harass��s, n'en pouvaient plus et se tra?naient, l'emplacement du bivouac ��tant loin encore... Pas un mot... Rien... Les hanhans avachis des soldats, alourdis comme des b��tes de somme... le clic-clac monotone des sabres
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