et hypocrite, et qui la mettrait �� nu.
Ce coup de couteau-l��, je ne peux pas le donner--pas encore.
Quand je fais des r��flexions, je mets les mains dans mes poches. C'est, chez moi, une habitude prise. Je ne peux pas r��fl��chir les mains ballantes; il n'y a pas �� s'y tromper, quand j'ai les mains ballantes, je ne r��fl��chis pas. Je vis alors une vie sans pens��e, la vie d'un ��tre inconscient, la vie du fakir qui contemple son nombril, la vie du chien errant qui tr?le dans les rues en compissant les devantures.
Mais, pour le moment, comme je fais des r��flexions graves, j'enfonce les mains tr��s avant dans mes poches et, fort ��tonn��, je sens rouler sous mes doigts des choses rondes. Ces choses rondes, ce sont des pi��ces de monnaie. Mon Dieu! oui. Avant mon d��part, on a fait une petite qu��te. Tout le monde a apport�� son obole, tout le monde, jusqu'�� la femme de chambre de ma tante, une vieille fille rid��e et jaunatre, au corsage plat, aux yeux glac��s, et qui semble vouloir absolument mourir d'un pucelage rentr��. Je compte les esp��ces. Je trouve dix-sept francs cinquante centimes. Maintenant, comme il faut ��tre juste avec tout le monde, je dois avouer que ma poche est d��cousue et que j'ai entendu, tout �� l'heure, quelque chose tomber �� terre. C'��tait sans doute un sou. Il devait y avoir dix-sept francs cinquante-cinq. Pourtant, je n'en suis pas s?r. Je n'en mettrais pas ma main au feu.
Dix-sept francs cinquante, c'est mince! Il n'y a pas de quoi faire la noce, assur��ment. Mais la sagesse antique et moderne ne nous apprennent-elles pas �� nous contenter de peu? D'ailleurs, ma cousine m'a promis d'appeler sur ma t��te les b��n��dictions du ciel. En attendant, je pourrai toujours, ce soir, ajouter un petit extra �� mon ordinaire assez maigre. Je mangerai un plat de plus, un dessert--pas des pruneaux, par exemple! Ah! non; apr��s la morale avunculaire, ils feraient double emploi!... _Non bis in idem!_...
Le lendemain soir, mon p��re m'a conduit �� la gare. Nous avons parl��--de choses quelconques--en nous promenant. Il a attendu le dernier appel des voyageurs pour me laisser partir, et alors, me jetant les bras autour du cou, il a laiss�� ��chapper deux grosses larmes et je l'ai entendu qui me disait tout bas: ?Tu sais, mon enfant, je t'ai toujours bien aim��!? ?a m'a ��mu. Je ne le cache pas, ?a m'a ��mu. Seulement, maintenant, je veux raisonner mes ��motions, arriver �� me les expliquer.
J'y ai r��fl��chi toute la nuit, en chemin de fer... Je ne crois pas que ?a suffise �� un p��re, d'aimer ses enfants.
Pourquoi?--Je ne sais pas.
J'y r��fl��chirai encore. J'arriverai peut-��tre �� le savoir.
II
Voil�� six mois que je suis �� Nantes, canonnier de deuxi��me classe au 41e d'artillerie. Six mois ?t��s de soixante, restent cinquante-quatre.
--?a commence �� se tirer, dit mon camarade de lit, un Bordelais qui s'est engag�� aussi, un cochon vendu comme moi.
--C'est ��gal, c'est encore rudement long.
--De quoi? de quoi? s'��crie un conducteur de la classe 76, un gros gar?on qui va ��tre lib��r�� du service dans quelques jours et qui hurle: La classe! toute la journ��e.--De quoi? On trouve le temps long? on s'emb��te? Est-ce qu'on a ��t�� te chercher, dis donc, pour t'amener au r��giment? Est-ce que tu n'y es pas venu tout seul? Il faut avoir un sacr�� toupet pour se plaindre de ce qu'on a demand��! Pourquoi t'es-tu engag��, alors? Pourquoi n'es-tu pas rest�� chez toi?
Alors, dans la chambr��e, des rires ��clatent, des ricanements grincent.
--La planche �� pain ��tait tomb��e.
--Le four ��tait d��moli.
--Il avait mis sa soupi��re au Mont-de-Pi��t��.
Ah! je les connais par coeur, ces vieilles railleries r��gimentaires, ces plaisanteries toujours les m��mes, qui me froissaient si fort, qui me faisaient si mal au coeur, les premiers jours. Maintenant encore, peut-��tre, elles me chatouillent d��sagr��ablement, mais elles ne me font plus monter le rouge au visage et ne me donnent plus l'envie de me jeter sur les blagueurs et de leur fermer la bouche �� coups de poings, au risque de me rendre ridicule et d'ameuter contre moi la haine et le m��pris. Je comprends qu'ils ont le droit de me regarder de haut, eux qui n'ont rejoint le r��giment qu'au moment o�� les Pandores leur ont apport�� leurs feuilles de route, eux qui sont arriv��s au corps en rechignant, comme des chiens qu'on fouette, malgr�� les rubans de leurs chapeaux et leurs chansons mouill��es d'eau-de-vie. Je ne leur en veux plus, quand ils me font sentir, m��me un peu lourdement, leur m��pris de paysans ou d'ouvriers oblig��s de quitter la charrue ou le marteau pour empoigner un fusil, quand ils me jettent au nez leur commis��ration d��daigneuse--que je commence �� trouver l��gitime--pour les propres-��-rien incapables de faire oeuvre de leurs dix doigts et r��duits, aussit?t qu'ils s'aper?oivent
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