Biribi | Page 6

Georges Darien
ferme r��solution de t'y bien conduire; sois respectueux et ob��issant �� l'��gard de tes chefs; le r��giment est une grande famille dont le p��re est le colonel et dont la m��re est la France. Quels que soient les ordres qu'on te donne, ne les examine pas, ne les critique jamais; ex��cute-les les yeux ferm��s...
?a ne doit pas toujours ��tre commode.
--Le plus bel avenir s'ouvre devant toi. Tu peux te faire en peu de temps une position magnifique... Tout soldat, a dit Napol��on, porte...
--Oui, la giberne... le baton de mar��chal...
--C'est ?a! c'est ?a! Moque-toi un peu des paroles d'un grand homme!... D'ailleurs, mon ami, tout ce que je t'ai dit, c'est dans ton int��r��t. Tourne bien, tourne mal, ?a ne peut rien nous faire, au fond. Nous d��shonorer, ?a, tu ne le peux pas: nous ne portons pas le m��me nom que toi. La charit�� chr��tienne nous ordonne de faire des voeux pour toi et de te donner de bons pr��ceptes; quant au reste, ?a nous est ��gal...
C'est curieux, je m'en doutais presque.
--Tache de monter vite de grade en grade. C'est le meilleur moyen d'avoir un avancement rapide. Surtout, ��vite les mauvaises compagnies; il y a partout des gens avec lesquels il ne faut se lier �� aucun prix. Si tu es dispos�� �� te bien conduire, �� faire la joie de ta famille et l'honneur de ton pays, tu ne les fr��quenteras point, tu les laisseras de c?t��. Du reste, vous ne pourriez pas vous accorder longtemps; le vice n'a jamais fait bon m��nage avec la vertu.
?a doit ��tre vrai, mais ?a ne me semble pas neuf. Je pense avoir lu autrefois, dans Lhomond, cet exemple ��tonnant: ?La vertu et le vice sont contraires,? virtus et vitium sunt contraria.
Tout le monde vient de se lever. Je crois la petite s��ance termin��e et je me l��ve comme les autres. Ma tante me promet, en me quittant, de me faire cadeau de mon premier uniforme, quand je serai nomm�� officier. Ma cousine m'offrira un sabre,--un beau sabre.
D��cid��ment, elles n'ont pas l'air de croire outre mesure �� mon avenir.
Mon oncle ne me promet rien, mais, en me reconduisant jusqu'�� la porte, il me donne quelque chose... Un conseil, un dernier conseil.
--Quand tu auras des galons, mon ami... Souviens-toi bien de ce que je vais te dire, grave-le dans ta m��moire.
--Oui, mon oncle.
--Quand tu auras des galons,--sois s��v��re, mais juste.
Il ferme la porte.
Je descends l'escalier furieux. Furieux surtout contre moi. Quoi! j'��tais d��cid��, en entrant dans cette maison, �� ne pas me laisser d��biter trois mots de cette sempiternelle th��orie de la vertu et des moeurs qui me d��go?te et m'assomme! J'��tais r��solu �� interrompre brutalement la coul��e de cette avalanche moralisatrice qui vous engloutit sous ses phrases glac��es! J'��tais d��termin�� �� rompre avec ��clat, avec insolence m��me--une insolence qui aurait ��t�� de la franchise--plut?t que de permettre �� mon oncle de me tenir encore une fois ce langage qui n'est pas son langage �� lui seul, mais qui est celui de tous les gens qui pensent comme lui, qui voient comme lui, qui pensent faux et qui voient faux--des gens que je m��prise d��j�� et que, je le sens bien, je finirai par ha?r. Et je n'ai pas trouv�� une phrase pour lui r��pondre, pas un mot pour l'arr��ter! Est-ce que j'ai manqu�� de courage? Est-ce que, encore cette fois-ci, j'ai capitul�� devant sa morale b��te? Est-ce que je suis un imb��cile? Non. La v��rit��, c'est que je ne savais quoi lui r��pondre. Je ne savais pas. Je ne suis pas un imb��cile, je suis un ignorant. Je sentais qu'il y avait bien des r��pliques �� lui faire cependant, bien des objections �� lui opposer, mais je ne trouvais rien, rien.
Rien, �� part peut-��tre des railleries sur la forme grotesque de leurs th��ories, sur la sottise dans laquelle ils d��layent leurs pauvres vieilles id��es, arlequins centenaires cuits toujours �� la m��me sauce; rien �� part des moqueries sur la figure ext��rieure, gothique et mani��r��e, de leurs pr��ceptes faux qu'ils ��talent dogmatiquement. Et, si j'avais ri de la couche de ridicule dont ils badigeonnent leur f��rocit�� ��go?ste, si j'avais raill�� la forme absurde qui s'enroule autour de leur vanit�� venimeuse comme les capsules molles et sans saveur autour de l'amertume des m��dicaments, ils m'auraient trait��--pour de bon--de mauvais plaisant, de sans-coeur, de farceur qui ne respecte rien, qui n'a pas de consid��ration pour les choses s��rieuses.
Ils auraient eu raison. Ce qu'il faut, ce ne sont pas les coups d'��pingle de la moquerie, les coups de canif de la blague, dans ce voile de b��tise qu'ils ont tendu--peut-��tre expr��s--devant leur m��chancet�� doucereuse. C'est le coup de couteau brutal qui cr��verait la cotte de mailles faite de tous les lieux communs et de toutes les banalit��s cousus pi��ce �� pi��ce dont ils couvrent leur morale ��troite
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