Me les ont-ils assez jet��s au nez, ces deux mots, tout en les susurrant d'une voix doucereuse et beno?te de cagot mielleux qui ne demande qu'�� disculper et qui fait la part des choses! Ont-ils jamais manqu�� une occasion de me les coller sur le visage, ainsi qu'un stigmate, d��votement, onctueusement, comme ils se collent �� eux-m��mes de la cendre sur le front, le lendemain du mardi gras? Et j'��tais assez b��te pour en rougir, assez mou pour avoir honte, assez lache pour ne pas la d��fendre, cette religion dont les dogmes pourtant me font rire et dont je ferais bon march�� si je ne sentais pas, derri��re son rituel vieilli et ses doctrines surann��es, deux grandes choses pour le triomphe desquelles elle a su trouver des confesseurs qui ont ��t�� des pr��curseurs et des martyrs qui ont ��t�� des h��ros: la v��rit�� et la libert��.
Est-ce que cette fois encore?... H��las! oui, cette fois encore, je me contente de baisser la t��te.
Et la morale montait toujours!... Mon oncle a gliss�� l��g��rement sur mon enfance: il s'est appesanti sur mon adolescence et m'a reproch�� de n'avoir jamais eu de prix de th��me grec. Il en est maintenant �� ma jeunesse. Il ne comprend d��cid��ment pas que je n'aie pu arriver �� m'entendre avec mes parents et que j'aie d��sert�� le toit paternel. Il veut bien avouer que je n'ai peut-��tre pas eu tous les torts, au d��but...
--Mais enfin, que les parents fassent ceci ou cela, les enfants n'ont pas �� s'en plaindre...
Pourquoi pas?
--Les enfants ne doivent jamais s'occuper des affaires des parents...
M��me quand elles les regardent directement?
--Tu devais tout supporter en silence. Les enfants sont faits pour ?a. D'ailleurs, lorsqu'il se passait chez toi des choses qui ne te plaisaient point, il y avait un moyen bien simple de ne pas s'en apercevoir. C'��tait de faire l'aveugle.
L'aveugle?... Je ne sais pas jouer de la clarinette.
J'ai laiss�� ��chapper ?a--tout haut.--Mon oncle se l��ve, furieux.
--Comment, malheureux! tu plaisantes! tu oses plaisanter avec les choses s��rieuses! Mais tu n'as donc de respect pour rien? Tu te moques donc de tout? Tu n'as donc plus ni ame, ni coeur, ni conscience, ni... rien?... Ah! cette manie de d��nigrement! Le mal du si��cle! Cette manie de raisonner envers et contre tout!... Ah! elle te co?tera cher, cette manie-l��!... Quand tu seras soldat, je te conseille, mon ami, de continuer �� discuter avec ton insolence habituelle. Sais-tu ce qu'on te fera, si tu raisonnes, si tu es insolent? hein? le sais-tu?
--Non, mon oncle.
--On te passera par les armes.
--On t'ex��cutera, dit ma tante.
--On te fusillera, dit ma cousine.
J'en ai la chair de poule; et mon oncle, qui a produit son effet, continue son r��quisitoire.
--Depuis, qu'as-tu fait? Tu as pass��, je crois, deux mois dans un bureau. Au bout de ces deux mois, tu as jug�� �� propos de gifler un sous-chef et l'on t'a flanqu�� dehors. Continue �� appliquer ce petit syst��me-l�� dans l'arm��e, et ce ne sera pas dehors qu'on te mettra, ce sera dedans.
Ma tante et ma cousine ��clatent de rire. Je ris aussi, en me for?ant un peu--je me chatouille la paume de la main avec le petit doigt. Que voulez-vous? Mon oncle a soixante ans; son r��pertoire de jeux de mots est bien vieux, c'est vrai; mais on ne peut vraiment pas lui demander d'apprendre par coeur, �� son age, le nouveau recueil des coq-��-l'ane et des calembours, augment�� d'une pr��face en vers. Je me mets �� sa place, je sais tr��s bien que, lorsque j'aurai soixante ans et que je dirai, par exemple: ?Ce qui est plus fort qu'un Turc, c'est deux Turcs,? j'��prouverai un grand plaisir �� voir s'esclaffer mes auditeurs.
Mon rire a d��rid�� mon oncle. Il fait un geste vague de commis��ration indulgente.
--Depuis ce temps, comment as-tu v��cu? Je l'ignore et ne veux pas le savoir. A quoi t'es-tu occup��? A ��crire. Des b��tises. Tu as fait des vers--on me les a montr��s. Des vers abominables, dans lesquels tu appelles m?ssieur Thiers ?G��ronte assassin? et Gambetta ?Cromwell de carton? et ?diminutif de Mirabeau.? Sais-tu pourquoi, seulement?
Je fais signe que non. Je ne sais pas pourquoi.
Mon oncle hausse les ��paules.
--Je m'en doutais!
--J'en ��tais s?re, fait ma tante.
--Convaincue! appuie ma cousine.
--Tu es parti de chez ton p��re. Tu as d? mener une vie mis��rable, manger dans d'ignobles gargotes, coucher dans des repaires infames...
Ma cousine se bouche les yeux.
--D'ailleurs, tes v��tements en disent long...
--A propos, fait ma tante, nous te retiendrions bien �� d?ner, mais, tu sais, c'est aujourd'hui vendredi; nous faisons maigre et, comme tu es protestant...
Je suis protestant, en effet, mais je crois que, pour le moment, ce sont mes habits qui protestent.
--En effet, dit mon oncle, il faut respecter toutes les convictions. ?'a toujours ��t�� mon avis. Eh bien! mon ami, puisque tu vas entrer dans une nouvelle carri��re, prends la
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