absolument d��cid��, �� ne pas me laisser faire de morale et �� jeter plut?t par-dessus bord, comme un chargement inutile, tous les sentiments affectueux--tous!--qui m'unissent �� cette branche respectable de ma famille.
Je brusque les choses. J'entre chez mon oncle en criant:
--Je viens de m'engager!
J'��pie en m��me temps sur sa physionomie les signes de la stup��faction, les marques de l'��tonnement; et, comme il va assur��ment tomber �� la renverse, je me reproche de ne pas m'��tre assur��, avant de pousser mon exclamation, s'il avait un fauteuil derri��re lui.
Mais il ne tombe pas. Il me r��pond tr��s tranquillement:
--Ah! tu viens de t'engager.
Il r��p��te ma phrase, tout simplement, en y ajoutant une interjection, une toute petite interjection.
Est-ce que ?a ne le surprendrait pas, par hasard?
Pas le moins du monde, car il ajoute:
--?a ne m'��tonne pas de toi.
Il me fait signe de m'asseoir, s'assied lui-m��me, croise les jambes et continue en se frottant les mains:
--?a ne m'��tonne pas de toi, car je t'ai toujours regard�� comme relativement intelligent. Relativement, bien entendu, car, �� notre ��poque, il y a tant d'hommes de talent! Tu as eu assez d'esprit pour comprendre que l'existence que tu m��nes depuis ta sortie du coll��ge ne pouvait pas toujours durer. Qu'avais-tu derri��re toi depuis deux ans? Une vie de fain��ant, honteuse et indigne. Qu'avais-tu devant toi? Mazas. Parfaitement, Mazas. Tu as beau hocher la t��te, les enfants qui d��sob��issent �� leurs parents, ne suivent pas les bons exemples et n'��coutent pas les bons conseils finissent toujours �� Mazas. Si tu avais cinq ans de moins, je dirais la Roquette, mais tu as dix-neuf ans. Je ne veux pas r��criminer, te faire des reproches que tu as pourtant bien m��rit��s; je ne te parlerai pas de ton ingratitude envers nous que tu ne venais pas voir une fois tous les six mois, de ton indiff��rence �� l'��gard de ta tante �� qui tu ne daignais m��me pas envoyer un bouquet pour sa f��te. Nous qui avons toujours ��t�� si bons pour toi! qui t'avons toujours donn�� de si bons avis, absolument comme si tu avais ��t�� notre fils! nous qui te donnions tous les jours notre exemple! nous qui... Tiens, je vais profiter de ce que nous sommes seuls pour te le dire: la semaine derni��re, ta cousine a fait dire une messe �� ton intention... pour que vous tourniez bien, Monsieur...
Il se l��ve, se prom��ne de long en large et s'��crie en roulant au plafond des yeux de poisson frit:
--Dieu, qui voit le fond des coeurs, l'a sans doute exauc��e!
C'est bien possible, mais je ne serais pas fach�� de placer un mot.
--Mon oncle...
--Mais, malheureux! tu as donc oubli�� jusqu'aux lois fondamentales de la politesse? Tu ne sais donc plus qu'il est inconvenant de couper la parole aux personnes qui... qui... Tu verras, quand tu seras soldat, si tu interrompras impun��ment tes chefs! Ah! tu en as besoin, vois-tu, de manger de la vache enrag��e!
Ma tante, qui vient d'entrer avec ma cousine, a surpris ces derni��res paroles. Elle s'approche de moi.
--Tu t'es engag��? Tu vas ��tre soldat? Eh bien! entre nous, mon ami, ?a ne te fera pas de mal de manger de la vache enrag��e.
--?a lui fera m��me beaucoup de bien, appuie ma cousine, avec un petit air convaincu.
J'esquisse un geste de d��n��gation, mais mon oncle me jette un regard furieux. Cette fois, c'est bien entendu, j'ai besoin de manger de la vache enrag��e. Je n'ai plus qu'�� me figurer que c'est un traitement �� suivre, voil�� tout. D'ailleurs, ?a doit me faire beaucoup de bien.
--Tu as toujours eu un caract��re ex��crable, continue mon oncle. D��s l'age le plus tendre, tu faisais tourner le lait de ta nourrice...
--C'est une horreur, dit ma tante.
--Une abomination! dit ma cousine.
Mais sa m��re lui lance un coup d'oeil de travers. Une jeune fille ne doit pas faire semblant de savoir que les nourrices ont du lait. C'est tr��s inconvenant.
Mon oncle veut clore l'incident.
--Tes instincts pervers, s'��crie-t-il, se sont d��velopp��s avec l'age!...
Et il ��num��re les queues de lapins que j'ai tir��es, les hannetons que j'ai fait r?tir, les mouches que j'ai ��cartel��es. Ah! ?a ne l'��tonne pas, que je me sois, plus tard, si mal conduit �� l'��gard de mes parents! Quand on prend, si jeune, l'habitude de faire du mal aux b��tes....
Ma tante intervient:
--Mon ami, mon ami!...
--C'est vrai, fait mon oncle qui s'aper?oit que la passion l'��gare. C'est vrai! Ce petit malheureux allait me faire dire des choses!... Je suis r��ellement boulevers��... Une conduite aussi d��plorable!...
--Ce n'est pas tout �� fait sa faute, mon ami; tu sais bien que sa religion...
--En effet, ajoute ma cousine, tu sais bien, papa, que les protestants...
Je m'y attendais. C'est l'excuse hypocrite dont ils affectent de couvrir ce qu'ils appellent mes fautes, excuse qui n'est en r��alit��, pour eux, qu'un outrage avec lequel ils me souffl��tent. Sa religion! Protestant!
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