situation douloureuse, et lui, le p��re d��sol�� d'avoir ��t�� oblig�� de me laisser faire. Nous semblons deux ��trangers. Et je me tais, aussi, parce que je sens que, si je recommen?ais �� parler, je n'aurais plus dans la bouche les paroles b��tes et endormantes de tout �� l'heure et que je ne pourrais plus trouver que des phrases am��res et des mots m��chants.
Je m'��tais pourtant bien promis de rester calme, depuis le moment o�� j'avais r��solu de m'engager; j'��tais pourtant bien d��cid�� encore, il y a cinq minutes �� peine, �� refouler les col��res sourdes que je sentais gronder en moi. J'avais fait de grands gestes pour ne pas mettre la main dans ma poche o�� je sentais ma feuille de route, j'avais cri�� pour ne pas grincer des dents, j'avais ri parce que les contorsions douloureuses de mon visage et mon rictus de rageur disparaissaient sous la grimace du rire; j'avais imit�� ces conscrits imb��ciles qui chantent pour s'��tourdir et qui ��pinglent �� leur chapeau, chez le mastroquet, en hurlant des chansons patriotiques, le num��ro qu'ils viennent de tirer en tremblant, la larme �� l'oeil, d'une urne plac��e entre deux gendarmes. Et, brusquement, j'ai senti que j'��tais �� bout d'efforts, moi qui n'ai pas bu d'alcool, et que je ne pouvais plus continuer cette com��die qui m'��coeure et qu'on n'a pas prise au s��rieux.
Car mon p��re n'a pas ��t�� ma dupe. Il ne me le dit pas mais je le sens bien. Je le vois, marchant �� six pas de moi, sur la contre-all��e du Cours-la-Reine que nous descendons, la t��te baiss��e, morne, affaiss��e. Il ouvre son parapluie et s'approche de moi.
--Mets-toi �� l'abri; il pleut.
En effet, quelques gouttes d'eau piquent de points bruns la poussi��re grise.
--Oh! bah! ce n'est rien.
--Mais tu n'as pas de parapluie. Ton chapeau va s'ab?mer...
--Qu'est-ce que ?a fait? Je ne le porterai plus demain.
Mon p��re a tourn�� la t��te �� gauche, comme pour regarder quelque chose du c?t�� des Champs-Elys��es, mais pas assez vite pour que je n'aie eu le temps de voir une larme trembler au bord de ses cils.
Cette larme-l�� me remue.
Ah ?a! est-ce que je vais continuer �� garder cet air d'enterrement, cette mine de pleureur aux pompes fun��bres? A quoi ?a me sert-il, au bout du compte, de froncer les sourcils et de me payer une t��te de bourreau de m��lodrame? Ce qui est fait est fait, n'en parlons plus. L'heure des r��criminations est pass��e. Et, bravement, je demande �� mon p��re ce qu'il regarde par l��, �� gauche.
--Moi? Rien, rien...
--Ah! �� propos, figure-toi qu'au bureau de recrutement...
Je lui raconte des histoires quelconques; je lui parle d'un individu qui ne voulait pas ?ter sa chemise pour passer la visite et d'un autre qui avait oubli�� de retirer ses bottes. Je trouve vraiment ces petits incidents tr��s dr?les. J'en ris aux ��clats, je m'en tiens les c?tes. Mon p��re se contente de sourire; un sourire jaune. Il faut pourtant ��tre gai, que diable! Il faut arriver �� lui faire croire que je ne suis pas trop m��content de mon sort, que je pars de bon coeur, que la nouvelle vie que je vais mener ne m'inspire pas la moindre r��pulsion. Je me bats les flancs pour le d��rider; je ridiculise les passants; je me moque d'un marchand de coco qui agite sa cr��celle malgr�� la saison, et d'un monsieur qui, sur une imp��riale d'omnibus, bat la semelle avec rage.
Rien n'y fait. Mes ��clats de rire et mes explosions de ga?t�� ratent comme des fus��es mouill��es dont la baguette retombe piteusement �� terre; et, quand je quitte mon p��re, au bureau des tramways, il me serre les doigts un peu fort dans sa main moite et me dit: ?A demain? avec une voix mouill��e. Je le regarde s'��loigner, vo?t��, appuy�� sur sa canne, triste et las...
--Courcelles! En voiture!
Je grimpe sur l'omnibus. Je vais au parc Monceau, A c?t�� du parc Monceau, tout au moins, o�� habite mon oncle, avec sa femme et sa fille.
Mon oncle, c'est une pompe �� morale. Une pompe �� morale vieux jeu, avec un cylindre apostolique, un piston prud'hommesque, une soupape syst��me Guizot et une soupape syst��me Berquin.
Ma tante, elle, ne moralise pas pour son compte. Mais, lorsque son mari dogmatise, elle approuve. Et ma cousine ratifie.
Que trouvez-vous �� redire �� ?a?--Absolument rien, n'est-ce pas?
Mais moi qui suis en proie �� une irritation croissante, moi dont les nerfs agac��s fr��missent et se contractent, comme les muscles mis �� nu d'un animal sous l'influence d'un courant ��lectrique, �� toutes les paroles de consolation et d'encouragement b��tes qu'on me prodigue depuis deux jours, moi qui sens bouillonner dans mon cerveau une col��re dont je ne m'explique pas la cause mais dont je serais bien aise de me d��charger sur quelqu'un, j'y trouve quelque chose �� redire. Et je suis d��cid��,
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.