revers du sentier.
--Vous aurez tout le loisir de rire apr��s, reprit Jacques, mais c'est �� pr��sent le moment de me r��pondre; vous ne sauriez deviner, monsieur, ce qui se passe dans mon coeur depuis que je sais que j'aime Mlle Suzanne. J'attends.
--Ah ?��! mon gar?on, es-tu fou? r��pondit le traitant en s'essuyant les yeux.
--Un fou ne vient pas honn��tement demander la main d'une jeune personne �� son p��re.
--C'est donc s��rieusement que tu parles?
--Tr��s s��rieusement.
--Tais-toi, et surtout ne me regarde pas avec cet air de berger malheureux, ou tu vas me faire rire �� m'��touffer, et je te pr��viens que ce serait abuser de ma position; je suis tr��s fatigu��, mon ami.
--Aussi n'est-ce point mon intention; je d��sire seulement savoir quels sont vos sentiments.
--Va-t'en au diable avec mes sentiments! Ai-je donc le temps de m'amuser aux sornettes qui trottent par la t��te d'un ma?tre fou! Voyez donc la belle alliance! la fille de M. Malzonvilliers avec le fils de Guillaume Grinedal le fauconnier!
--Raillez-vous de moi tant qu'il vous plaira, monsieur, je ne m'en offenserai pas, s'��cria Jacques vivement; mais gardez-vous de toucher au nom de mon p��re, car aussi bien qu'il y a un Dieu au ciel, si quelqu'un l'insultait, f?t-ce le p��re de Suzanne, je me vengerais.
--Et que ferais-tu, dr?le?
--Je l'��tranglerais!
Et Jacques leva au-dessus de sa t��te deux mains de force �� joindre lestement l'effet �� la menace. M. de Malzonvilliers se dressa brusquement et porta la main �� son cou; il lui semblait sentir d��j�� les doigts de Jacques se nouer derri��re sa nuque. Mais Jacques abaissa subitement ses bras, et de sa violente ��motion il ne lui resta qu'une grande paleur sur le visage.
--Je vous demande pardon de mon emportement, reprit-il; jamais je n'aurais d? oublier les bienfaits dont vous avez combl�� ma famille; cette col��re est la faute de ma jeunesse et non de mon coeur; oubliez-la, monsieur. Vous ne m'en voudriez peut-��tre pas, si vous saviez combien je souffre depuis que j'aime. Je ne vis que pour Mlle Suzanne, et je sens bien que je ne puis pas l'obtenir. Mais si pour la m��riter il me fallait entreprendre quelque chose d'impossible, dites-le-moi, et, avec l'aide de Dieu, il me semble que j'y parviendrais. Parlez, monsieur, que faut-il que je tente? Quoi que ce soit, je suis pr��t �� ob��ir, et si je ne r��ussis pas, j'y laisserai mon corps.
Il y a toujours dans l'expression d'un sentiment vrai un accent qui ��meut; les larmes ��taient venues aux yeux de Jacques, et son attitude exprimait �� la fois l'angoisse et la r��signation; M. de Malzonvilliers ��tait au fond un bon homme; la vanit�� avait obscurci son jugement sans gater son coeur; il se sentit touch�� et tendit la main �� Jacques.
--Il ne faut point te d��soler, mon ami, lui dit-il, ni prendre les choses avec cette vivacit��. Tu aimes, dis-tu! Il n'y a pas si longtemps que j'aimais encore; mais je ne me souviens gu��re de ce que j'aimais �� dix-huit ans. Tu oublieras comme j'ai oubli��, et tu ne t'en porteras pas plus mal.
Jacques secoua la t��te tristement.
--Oui! oui! on dit toujours comme ?a, continua le traitant. Eh! mon Dieu, �� ton age, je me croyais d��j�� dans la rivi��re parce que j'avais perdu l'objet de ma premi��re flamme! Mais, bah! j'en ai perdu bien d'autres depuis! Parlons raison, mon gar?on; tu m'entendras, car tu as du bon sens. Plusieurs gentilshommes du pays me demandent la main de Suzanne. Puis-je, en conscience, te pr��f��rer, toi qui n'as rien, ni ��tat, ni fortune, et les repousser, eux qui ont tout cela?
Jacques baissa la t��te, et une larme tomba sur la poussi��re du sentier.
--Parbleu! si tu ��tais riche et noble, reprit M. de Malzonvilliers, je ne voudrais pas d'autre gendre que toi!
--Si j'��tais riche et noble? s'��cria Jacques.
--Oui, vraiment.
--Eh bien, monsieur, je m'efforcerai de gagner fortune et noblesse.
--��coute donc, mon ami, ces choses-l�� ne viennent pas tr��s vite. Je ne te promets pas d'attendre.
Jacques h��sita un instant; puis, levant les yeux au ciel, il reprit:
--A la garde de Dieu, monsieur, je me presserai le plus que je pourrai.
--Pauvre gar?on! murmura M. de Malzonvilliers tandis que Jacques s'��loignait, c'est vraiment dommage qu'il ne soit pas marquis ou tout au moins millionnaire.
Jacques se dirigea d'un pas lent, mais ferme, vers un c?t�� du parc de Malzonvilliers, o�� Suzanne avait coutume de se promener �� cette heure-l��, un livre ou quelque ouvrage d'aiguille �� la main. Il l'aborda r��solument et lui raconta l'entretien qu'il venait d'avoir avec son p��re; sa voix ��tait tremblante, mais son regard assur��. Suzanne s'��tait sentie rougir au premier mot de Jacques; mais, bient?t remise de son trouble, elle avait attach�� sur son jeune amant ce regard clair et serein qui rayonnait comme une ��toile au fond de ses yeux bleus.
--Votre p��re ne m'a point laiss�� d'esp��rance, mademoiselle,
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