Belle-Rose | Page 9

Amédée Achard
dit Jacques apr��s qu'il eut termin�� son r��cit; cependant je suis d��termin�� �� tout entreprendre pour vous m��riter. Me le permettez-vous?
--M'aimez-vous, Jacques? reprit la jeune fille de cette voix vibrante et douce qui sonnait comme le cristal.
--Si je vous aime! Je donnerais ma vie pour ma soeur Claudine; mais, mademoiselle, il me semble, et que Dieu me pardonne ce blasph��me, que je donnerais le salut de mon ame pour vous!
--Je serai donc votre femme un jour, mon ami, reprit Suzanne en tendant sa main �� Jacques, qui sentit son coeur se fondre �� ces mots. Nous sommes bien jeunes tous deux, presque deux enfants, ajouta-t-elle avec un sourire, mais Dieu nous viendra en aide.
--J'ai le coeur fort! s'��cria Jacques; ? mademoiselle, je vous gagnerai!
--J'y compte, et moi je vous promets de n'��tre jamais qu'�� vous!
Jacques voulut baiser la main de Suzanne; mais Suzanne lui ouvrit ses bras, et les deux enfants s'embrass��rent. Tous deux ��taient �� la fois graves et ing��nus. Ils croyaient �� leur coeur.
--Allez et m��ritez-moi, reprit Suzanne, les joues humides et rougissantes; moi, je vous attendrai en priant Dieu.
Ils ��chang��rent un dernier serment et se s��par��rent.
Jacques reprit le chemin de la maisonnette, s��rieux, mais non plus triste. Il fit tout de suite part �� Guillaume Grinedal de ce qui s'��tait pass�� dans la journ��e.
--Nous nous aimons, ajouta-t-il, et nous nous marierons.
Le p��re regarda les hirondelles qui fuyaient au loin dans le ciel bleu.
--Serments d'amoureux! dit-il en hochant sa t��te chauve. Mais qu'ils durent ou qu'ils passent, il n'importe, mon fils, il faut partir.
--C'��tait mon intention, r��pondit Jacques.
Le p��re et le fils se serr��rent la main.
--La fille appartient au p��re, reprit Guillaume Grinedal; M. de Malzonvilliers a ��t�� bon pour nous, il ne faut pas qu'il t'accuse d'avoir voulu semer le d��sordre dans sa maison. Tu partiras demain sans chercher �� revoir Suzanne.
Jacques h��sita.
--Il le faut, r��p��ta le vieillard.
--Je partirai, dit le fils; je partirai sans la revoir.
Vers le soir, �� l'heure accoutum��e, on s'assit autour de la table. Le d?ner fut silencieux. Jacques ne mangeait pas, et le refrain des chansons qu'il avait l'habitude de fredonner mourait sur ses l��vres. Claudine ne voulait pas parler, de peur d'��clater en sanglots; elle se d��tournait parfois pour s'essuyer les yeux. Jacques et Guillaume s'effor?aient de para?tre calmes, mais les morceaux qu'ils portaient �� la bouche, ils les reposaient intacts sur leur assiette. Apr��s la veill��e, le p��re embrassa ses trois enfants; il retint Jacques plus longtemps sur son coeur.
--Va dormir, lui dit-il; mais auparavant, demande �� Dieu du courage pour la vie qui, demain, commence pour toi.
Le p��re se retira, et les trois enfants se prirent �� pleurer; ni l'un ni l'autre n'avait la force d'exprimer son chagrin, et chacun d'eux trouvait moins de paroles �� dire que de baisers �� donner. Vers la pointe du jour, la famille se r��unit au seuil de la porte. Jacques avait chauss�� de gros souliers et des gu��tres; une ceinture de cuir serrait sa blouse de toile autour de sa taille; un petit havresac pendait sur ses ��paules et sa main ��tait arm��e d'un fort baton de houx. Pierre et Claudine sanglotaient. Jacques ��tait un peu pale, mais son regard avait repris toute son assurance et sa fermet��.
--O�� vas-tu, mon fils? dit le p��re.
D��j��, �� cette ��poque, Paris ��tait la ville magique, le centre radieux qui sollicitait toutes les intelligences actives, les esprits audacieux, les imaginations inqui��tes. Jacques n'avait pas un instant song�� aux d��tails du parti extr��me qu'il avait choisi, cependant, �� la question de son p��re, il r��pondit sans h��siter:
--A Paris.
--C'est une grande ville, pleine de p��rils et de surprises. Beaucoup y sont arriv��s pauvres comme toi, qui en sont partis riches; mais mieux vaut en sortir mis��rable que d'y laisser l'honn��tet��. Que Dieu te b��nisse, mon fils.
Jacques s'agenouilla entre son fr��re et sa soeur, et Guillaume posa ses mains tremblantes sur le jeune front de son premier-n��. Apr��s qu'il se fut relev��, le p��re voulut glisser dans la main de Jacques une bourse o�� brillait de l'or, mais Jacques la lui rendit:
--Gardez cet or, lui dit-il; c'est la dot de Claudine; j'ai des bras, et dans mon havresac cinquante livres que j'ai gagn��es.
Le p��re n'insista pas; mais, tirant de son sein un bijou attach�� �� un ruban, il le passa au cou de Jacques.
--Le reconnais-tu, Jacques? lui dit-il; c'est le m��daillon perdu par l'��tranger, il y a cinq ans. Tu l'as bien gagn��, garde-le donc; si tu retrouves le gentilhomme auquel il appartient, tu le lui rendras, et peut-��tre se rappellera-t-il l'hospitalit�� de notre toit. Embrassons-nous maintenant, et que Dieu te conduise.
Jacques embrassa d'abord Guillaume et Pierre; Claudine ��tait rest��e un peu en arri��re; quand ce fut �� son tour, elle sauta au cou de Jacques.
--Je t'embrasse pour moi, d'abord, lui dit-elle tout bas, si bas, que sa voix
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