mamzelle Suzanne, parce que tu l'aimes.
Jacques rougit jusqu'�� la racine des cheveux; il se dressa d'un bond; un trouble nouveau remplissait son ame, et mille sensations confuses l'animaient. L'��clair avait lui dans sa pens��e, il saisit Claudine par le bras.
--Mon Dieu! qu'as-tu donc? s'��cria Claudine, effray��e du brusque changement qui s'��tait op��r�� dans les traits de son fr��re.
--��coute-moi, ma soeur; tu n'es qu'une petite fille...
--J'aurai quinze ans, viennent les abricots, dit l'enfant.
--Mais, continua Jacques, on dit que les petites filles s'entendent mieux �� ces choses-l�� que les grands gar?ons. Pourquoi m'as-tu dit que j'aimais mamzelle Suzanne? ?a se peut, mais je n'en sais rien.
--Dame! on voit ?a du premier coup d'oeil. Dire comment, je ne le pourrais gu��re; mais je l'ai compris �� plusieurs choses que je ne puis pas t'expliquer, parce que je ne sais par quel bout les prendre. D'abord, tu ne lui parles pas comme aux autres filles que tu connais; et puis tu as les yeux doux comme du miel quand tu la regardes; tu fais de grands tours pour l'��viter, et cependant tu la rencontres toujours, ou bien tu la cherches partout, et quand tu la trouves, tu t'arr��tes tout court, et l'on dirait que tu as envie de te cacher. Enfin, je ne sais ni pourquoi ni comment, mais tu l'aimes.
--C'est vrai, murmura Jacques en lachant le bras de sa soeur, c'est vrai, je l'aime.
Sa voix, en pronon?ant ces mots, si doux au coeur, avait quelque chose de grave et de triste qui ��mut Claudine.
--Eh bien, dit-elle en passant ses jolis bras autour du cou de son fr��re, ne vas-tu pas t'affliger maintenant? Est-ce donc une chose si p��nible d'aimer les gens, qu'il faille prendre cet air malheureux? Voil�� que tu me fais pleurer, �� pr��sent.
La pauvre Claudine essuya le coin de ses yeux avec son tablier, puis, souriant avec la mobilit�� de l'enfance, elle se haussa sur la pointe du pied, et, approchant sa bouche de l'oreille de Jacques, elle reprit:
--Bah! �� ta place, moi je me r��jouirais. Suzanne n'est pas ta soeur! je suis s?re qu'elle t'aime autant que tu l'aimes: tu l'��pouseras.
Jacques embrassa Claudine sur les deux joues.
--Tu es une bonne soeur, lui dit-il; va, maintenant, je sais ce que l'honn��tet�� me commande.
Et Jacques, se d��gageant de l'��treinte de sa soeur, sortit du jardin. Il se rendait tout droit au chateau, lorsqu'au d��tour d'une haie il rencontra M. de Malzonvilliers.
--Je vous cherchais, monsieur, lui dit-il en le saluant.
--Moi? Et qu'as-tu �� me dire, mon gar?on?
--J'ai �� vous parler d'une affaire tr��s importante.
--En v��rit��? Eh bien, parle, je t'��coute.
--Monsieur, j'ai aujourd'hui dix-huit ans et quelques mois, reprit Jacques de l'air grave d'un ambassadeur; je suis un honn��te gar?on qui ai de bons bras et un peu d'instruction; j'aurai un jour deux ou trois mille livres d'un oncle qui est cur�� en Picardie; car pour le bien qui peut me revenir du c?t�� de mon p��re, je suis d��cid�� �� le laisser �� ma soeur Claudine. En cet ��tat, je viens vous demander si vous voulez bien me donner votre fille en mariage.
--En mariage, �� toi! Qu'est-ce que tu me dis donc? s'��cria M. de Malzonvilliers tout ��tourdi.
--Je dis, monsieur, que j'aime Mlle Suzanne; le respect que je vous dois et mon devoir ne me permettent pas de l'en informer avant de vous avoir parl�� de mes sentiments. C'est pourquoi je viens vous prier de m'agr��er pour votre gendre.
Pendant ce discours, Jacques, le chapeau �� la main, un mouchoir roul�� autour du cou et en sarrau de toile grise, ��tait debout au beau milieu du sentier.
--Je n'ai pas besoin de vous dire, ajouta-t-il, que votre consentement me rendra parfaitement heureux, et que je n'aurai plus d'autre d��sir que de reconna?tre toutes vos bont��s par ma conduite et mon d��vouement.
Tout �� coup M. de Malzonvilliers partit d'un grand ��clat de rire. L'��tranget�� de la proposition et le sang-froid avec lequel elle ��tait faite l'avaient d'abord ��tourdi; mais au nouveau discours de Jacques, il ne put s'emp��cher de rire au nez du pauvre gar?on. Tout le sang de Jacques lui monta au visage. Malgr�� les illusions dont se berce la jeunesse, son bon sens natif lui disait tout bas que sa demande ne serait point accueillie, mais sa candide honn��tet�� ne lui permettait pas de croire qu'elle p?t donner mati��re �� plaisanter.
--Ma proposition vous a mis en gaiet��, monsieur, reprit-il avec une ��motion mal contenue. Je ne m'attendais pas, je l'avoue, �� l'honneur de vous causer tant de joie.
--Eh! mon ami, je ne m'attendais pas non plus �� une telle aventure! Vit-on jamais chose pareille? C'est plus amusant qu'une com��die de M. Corneille, parole d'honneur!
Jacques d��chira les bords de son chapeau avec ses doigts, mais il se tut. M. de Malzonvilliers riait toujours. Enfin, n'y tenant plus, il s'assit sur un quartier de pierre au
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.