Belle-Rose | Page 6

Amédée Achard
le cachet, et s'approchant de la fen��tre, il lut rapidement �� la clart�� d'une lampe.
--C'est bien, mon enfant. Si quelque jour nous nous rencontrons, moi vieillard, toi homme, dans quelque situation que nous nous trouvions l'un et l'autre, tu pourras en appeler �� l'h?te de Guillaume Grinedal; il se souviendra.
Au point du jour, l'��tranger sauta sur la selle de Phoebus, qui avait oubli��, entre une liti��re fra?che et deux boisseaux d'avoine, les fatigues de la soir��e. L'��tranger portait un costume de paysan de l'Artois.
--Adieu, Guillaume, dit-il au fauconnier en lui tendant la main; je ne vous offre rien: votre hospitalit�� est de celles qui ne se payent pas, et je craindrais de vous offenser en vous donnant de l'or. Prenez ma main, et serrez-la sans crainte. Sous quelque habit que je me cache, c'est, je vous le jure, la main d'un loyal gentilhomme. Quant �� toi, mon ami Jacques, conserve ce coeur honn��te et ce courage d��termin��, et la fortune te viendra en aide: si Dieu me pr��te vie, je le prierai pour qu'il me fournisse l'occasion de te secourir comme tu m'as secouru.
Les grands yeux noirs de Jacques regardaient l'��tranger tout brillants d'une joie fi��re. Avec son ��paule difforme et sa poitrine contrefaite, le faux marchand d'Arras lui semblait plus noble et plus imposant que tous les officiers du roi qu'il avait encore vus. Quand il lui prit la main, le coeur de Jacques battit �� coups rapides, et lorsque, pressant les flancs de Phoebus, l'inconnu s'��loigna au galop, longtemps le p��re et le fils le suivirent du regard, ��mus et silencieux. Au moment o�� ils rentraient au jardin, le pied de Jacques fit rouler un objet brillant tomb�� sur le sable. C'��tait un m��daillon en or guilloch��.
--Voyez, mon p��re, dit l'enfant; l'��tranger l'aura sans doute perdu.
--Garde-le, mon fils; c'est peut-��tre la Providence qui te l'envoie.

II
LES PREMI��RES LARMES
Le souvenir de cette aventure resta dans la m��moire de Jacques. Le temps put en affaiblir les d��tails, mais l'ensemble demeura comme un point lumineux au fond de son coeur. Depuis le jour, de sa rencontre avec l'��tranger, il prit un go?t plus vif aux choses de la guerre. Lorsqu'un escadron passait sur la route, banni��re au vent et trompette en t��te, il courait �� sa suite aussi loin que ses jambes le pouvaient porter et fredonnait les fanfares pendant toute une semaine. Parfois aussi il lui arrivait d'enr��gimenter les enfants du faubourg et de se livrer avec eux �� un grand simulacre de bataille ou �� quelque imitation de si��ge, qui finissait toujours par de furieuses m��l��es o�� ses bras faisaient merveille; tout enfant qu'il ��tait, il se montrait d��j�� d'une adresse surprenante dans le maniement des armes, ��p��e, sabre, hache, pique, dague, pistolet ou mousqueton. Les mots du marchand d'Arras: _Si jamais tu t'enr?les, tu feras ton chemin_, bourdonnaient toujours �� ses oreilles; mais nous devons ajouter qu'il n'y avait pas d'exercice, de revue, de combat et d'assaut que Jacques n'abandonnat volontiers pour suivre Mlle de Malzonvilliers, quand elle allait avec Claudine chercher des fraises dans les bois. Dans ces occasions, qui se renouvelaient tous les jours, le petit g��n��ral soupirait de tout son coeur et demeurait tout interdit lorsque la main de Suzanne rencontrait sa main. La petite fille le faisait aller et venir �� son gr��, mais avec tant de grace naturelle et d'un air si charmant, que Jacques serait parti pour le bout du monde sans d��lib��rer, sur un signe de ses yeux bleus.
Les ann��es se passaient donc entre les ��tudes, les batailles et les promenades. On ��tait en ce temps-l�� au milieu des troubles et des guerres, on n'entendait parler que de villes attaqu��es, de camps surpris, d'exp��ditions meurtri��res. Le cardinal Mazarin et le parti du roi luttaient contre le parlement, les princes et l'Espagnol. M. de Cond�� tenait la campagne, tant?t vainqueur, tant?t vaincu; mais jusqu'alors la ville de Saint-Omer, prot��g��e par une bonne garnison, n'avait pas eu �� souffrir des d��pr��dations de l'ennemi. Jacques serait parti depuis longtemps, s'il n'avait ��t�� retenu par le charme qu'il ��prouvait �� vivre aupr��s de Mlle de Malzonvilliers. Ce sentiment ��tait d'autant plus imp��rieux, qu'il ne s'en rendait pas compte. Le hasard, ce grand architecte de l'avenir, lui fit lire dans son propre coeur. Un jour qu'il ��tait assis dans un coin du jardin, la t��te pench��e, et roulant une dague entre ses doigts, sa soeur Claudine vint tout doucement lui frapper sur l'��paule. Jacques tressaillit.
--A quoi penses-tu? dit l'espi��gle.
--Je n'en sais rien.
--Veux-tu que je te le dise, moi? Tu penses �� mamzelle Suzanne.
--Pourquoi �� elle plut?t qu'�� une autre? s'��cria Jacques un peu confus.
--Parce que Suzanne est Suzanne.
--Belle raison!
--Tr��s bonne, reprit l'enfant dont un malin sourire entr'ouvrit les l��vres vermeilles. Oh! je me comprends!
--Alors, explique-toi.
--Tiens, Jacques, ajouta Claudine en prenant un grand air s��rieux, tu penses ��
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