d'une hauteur de trente pieds. Pour plus de s?reté, il mit le gros éléphant Scindiah en embuscade sous les fenêtres. La jalousie qui animait Scindiah contre Louison (tous deux se disputaient les bonnes graces de Sita) répondait à Corcoran de sa fidélité.
Rien ne saurait peindre l'indignation de Louison, quand elle se vit enfermée et traitée en prisonnière de guerre. Elle rugissait si terriblement, que le palais en trembla sur sa base, et que les habitants de Bhagavapour se cachèrent dans leurs caves.
Corcoran l'entendit et en eut pitié. Sita même implora la grace de Louison, et ses principaux serviteurs, qui craignaient d'être mis en pièces par la redoutable tigresse, se jetèrent aux pieds du ma?tre pour demander sa liberté.
?Maharajah, dit Ali, seigneur du Bundelkund et de Goualier, cousin germain du soleil et de la lune, neveu des étoiles, favori du tout-puissant Indra qui éclaire les mondes, daigne ordonner que Louison soit relachée, ou nous sommes perdus.?
Mais Corcoran était de ces hommes qui ne reviennent jamais sur leurs résolutions. Sa tête avait la solidité du fer, et sa volonté l'inflexibilité du granit. Il refusa donc absolument de rendre la liberté à Louison.
[Illustration: Elle rugissait si terriblement que le palais en trembla. (Page 34.)]
Celle-ci, cependant, ne perdait pas courage. Voyant que personne ne viendrait la délivrer, elle bondit tout à coup d'un élan furieux, enfon?a l'une des fenêtres de la salle et, toute sanglante, allait prendre la fuite.
Mais un grave accident la retint. Trop pressée de sauter par la fenêtre pour mesurer son élan, elle était tombée, non pas sur le gazon, mais sur le dos de l'éléphant Scindiah, qui était justement chargé d'empêcher toute escapade. Il ne pouvait rien arriver de plus malheureux à la pauvre Louison.
Outre que Scindiah ne l'aimait pas, elle tomba si malencontreusement, elle si adroite en toutes choses, qu'elle se sentit glisser du dos de l'éléphant jusqu'à terre, et par instinct, de peur de se casser le nez, enfon?a ses griffes acérées dans les épaules de Scindiah. Par ce moyen elle se retint en équilibre, et un autre saut l'aurait mise à terre; mais Scindiah la guettait.
Au moment où elle allait s'élancer, l'éléphant la saisit délicatement par le cou avec sa trompe, l'enleva comme une plume, la balan?a trois fois dans les airs, comme un habile frondeur brandit sa fronde, et la rejeta dans la grande salle du palais.
Corcoran, qui observait cette scène en silence, ne put s'empêcher de rire du tour et de l'adresse de Scindiah. Mais ce rire redoubla la rage de Louison. A peine retombée sur ses pattes, elle reprit son élan, essayant cette fois d'éviter la dangereuse trompe de Scindiah.
Inutile effort! Scindiah l'attrapa au passage, comme une hirondelle attrape les mouches au vol, la posa délicatement à terre sans la lacher ni lui faire aucun mal, la souleva lentement pour la regarder, comme s'il avait eu son lorgnon, et tout d'un coup, quoiqu'elle se débattit avec une fureur indescriptible, la rejeta de nouveau dans la grande salle du palais.
Le jeu devenait dangereux et commen?ait à passer la plaisanterie. Corcoran le sentit, et il allait intervenir pour empêcher un combat où Louison, malgré tout son esprit et son courage, n'avait pas le beau r?le, lorsque l'affaire changea subitement de face par l'arrivée d'un nouveau combattant.
Le grand tigre de la veille était arrivé au rendez-vous une demi-heure plus t?t qu'à l'ordinaire. Il entendit tout à coup les rugissements de Louison et les grondements moqueurs de Scindiah. Inquiet, il s'élan?a d'un bond sur le mur du parc, vit de loin ce qui se passait, et s'avan?a en rampant vers le gros éléphant, qui, tout occupé de son jeu, ne s'attendait pas à livrer un nouveau combat.
Mal lui en prit, car Louison, qui de la fenêtre guettait l'arrivée du tigre, ne l'eut pas plus t?t aper?u qu'elle se prépara de nouveau à le rejoindre.
Elle lui donna du regard le signal de l'attaque et tandis que Scindiah, suivant sa tactique ordinaire, avan?ait sa trompe pour l'attraper au passage, il sentit tout à coup une douleur aigu?. Le tigre, profitant de ce que Scindiah avait le dos tourné, s'était élancé sur lui sans être vu, et il lui déchirait la queue avec ses griffes. Scindiah se retourna et voulut saisir son ennemi avec sa trompe; mais Louison, plus prompte que la pensée, profitant de l'occasion, sauta légèrement sur son dos, de là à terre et prit la fuite. Le grand tigre, content d'avoir fait diversion, et délivré sa soeur, ne se soucia plus de la queue de l'éléphant et, ne pensant plus qu'à éviter sa trompe, s'empressa d'imiter l'exemple de Louison.
Déjà tous deux avaient gagné le mur du parc et allaient sauter de l'autre c?té, quand Scindiah, honteux d'avoir été trompé, et trop lourd pour rattraper les fugitifs, saisit avec sa trompe une grosse pierre et la lan?a sur le
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.