la remontait en bateau avec quelques amis, un coup de vent jeta son chapeau dans la rivière. Mackintosh étendit le bras pour le ressaisir, mais au moment où il le touchait, une gueule effroyable et qui semblait appartenir à quelque tronc d'arbre flottant sur l'eau se referma sur sa main, la saisit et l'entra?na au fond de l'eau.
Cette gueule était celle d'un ca?man qui n'avait pas déjeuné.
On fit d'inutiles efforts pour repêcher Mackintosh et pour le venger; mais la Providence se chargea de chatier le meurtrier.
La longue-vue de l'écossais pendait en bandoulière sur sa poitrine. Soit que le ca?man fut trop vorace ou trop affamé pour bien distinguer ce qu'il avalait, la longue-vue de Mackintosh se mit, à ce qu'il para?t, en travers du gosier de l'amphibie, de manière qu'il ne put ni avaler tout à fait cet infortuné jeune homme, ni remonter du fond de l'eau à la surface pour respirer plus à l'aise, et qu'il mourut victime de sa gloutonnerie. On le retrouva quelques jours après noyé, étendu sur le rivage, et n'ayant pas laché Mackintosh.
?Monsieur, interrompit le président de l'Académie, il me semble que vous vous écartez sensiblement de votre sujet; vous nous aviez promis de nous donner l'histoire de Louison et non pas celle de la longue-vue de monsieur Mackintosh.
--Monsieur le président, répliqua Corcoran avec déférence, je reviens à Louison.?
Il était donc à peu près deux heures de l'après-midi lorsque je fus éveillé tout à coup par des cris horribles. Je me mets sur mon séant, j'arme ma carabine, et j'attends avec patience l'ennemi.
Ces cris étaient poussés par mes deux Malais, qui accouraient tout effrayés, pour chercher un asile sur le chariot.
?Ma?tre! ma?tre! dit l'un des deux, voici le seigneur qui s'avance! Prenez garde!
--Quel seigneur? dis-je.
--Le seigneur tigre!
--Eh bien, il m'épargnera la moitié du chemin. Voyons donc ce terrible seigneur!?
Tout en parlant, je sautai à terre et j'allai à la rencontre de l'ennemi. On ne le voyait pas encore, mais on pouvait deviner son approche à la frayeur et à la fuite de tous les autres animaux. Les singes se hataient de remonter sur les arbres, et du haut de ces observatoires, lui faisaient des grimaces pour le braver. Quelques-uns même, plus hardis, lui jetaient à la tête des noix de cocos. Pour moi, je ne devinai la direction dans laquelle il marchait qu'au bruit des feuilles qu'il foulait et froissait sous ses pieds. Peu à peu, ce bruit se rapprocha de moi, et comme le chemin était à peine assez large pour laisser passer deux chariots, je commen?ai à craindre de l'apercevoir trop tard, et de n'avoir pas le temps de l'ajuster, car l'épaisseur du fourré le cachait entièrement.
Heureusement, je reconnus bient?t qu'il devait passer près de moi, mais sans me voir, et qu'il allait tout simplement boire dans la rivière.
Enfin je l'aper?us, mais seulement de profil. Sa gueule était ensanglantée; il avait l'air satisfait et les jambes écartées, comme un rentier qui va fumer son cigare sur le boulevard des Italiens après un bon déjeuner.
A dix pas de moi, le bruit sec du chien de ma carabine que j'armais parut lui causer quelque inquiétude. Il tourna la tête à demi, m'aper?ut à travers un buisson qui nous séparait et s'arrêta pour réfléchir.
Je le suivais de l'oeil; mais pour le tuer d'un coup, il aurait fallu l'ajuster au front ou au coeur et il s'était posé de trois quarts, comme un tigre de qualité qui fait faire son portrait par le photographe.
Quoi qu'il en soit, la divine Providence m'épargna ce jour-là un meurtre déplorable; car ce tigre, ou plut?t cette tigresse, n'était autre que ma belle et charmante amie, cette douce Louison que vous voyez et qui nous écoute d'une oreille si attentive.
Louison (je puis bien à présent lui donner ce nom) avait déjeuné, comme je vous l'ai dit, et ce fut un grand bonheur pour moi et pour elle. Elle ne pensait qu'à digérer en paix. Aussi, après m'avoir regardé obliquement pendant quelques secondes.... tenez, à peu près comme elle regarde à présent le secrétaire perpétuel....
(Ici le secrétaire changea de place et alla s'asseoir derrière le président.)
Elle continua lentement son chemin et s'avan?a vers la rivière qui coulait à quelques pas de là.
Tout à coup je vis un curieux spectacle. Louison, qui marchait jusque-là d'un air indifférent et superbe, ralentit tout à coup son pas, et, allongeant son beau corps, si long déjà, elle s'avan?a, en rasant le sol et prenant les plus grandes précautions pour n'être ni vue ni entendue, auprès d'un large et long tronc d'arbre qui était étendu sur le sable, au bord de la rivière Mackintosh.
Je marchais derrière elle, la carabine à l'épaule, toujours prêt à tirer, attendant une occasion favorable.
Mais je fus bien étonné. En approchant du tronc d'arbre, je vis qu'il avait des pattes et des écailles qui
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