Aventures merveilleuses mais authentiques du capitaine Corcoran | Page 4

Alfred Assollant
l'animal s'élan?a par-dessus la tête des académiciens et vint tomber aux pieds du capitaine Corcoran.
?Eh bien! Louison, eh bien! ma chère! dit le capitaine, vous faites du bruit dans l'antichambre, vous dérangez la société! C'est fort mal; couchez-vous! Si vous continuez, je ne vous mènerai plus dans le monde.?
Cette menace parut causer une terrible frayeur à Louison.

II
Comment l'Académie des sciences (de Lyon) fit connaissance avec Louison.
Mais quelle que f?t l'émotion de Louison lorsque le capitaine Corcoran l'eut menacée de ne plus la conduire dans le monde, à coup s?r cette émotion n'approchait pas de celle dont furent saisis les membres de l'illustre Académie des sciences (de Lyon). Et si l'on veut bien réfléchir que leur profession habituelle étant d'être savants et non de jongler avec les tigres du Bengale, peut-être ne leur saura-t-on pas mauvais gré d'avoir eu leur part de faiblesse humaine.
Leur première pensée fut de regarder du c?té de la porte et de se précipiter dans la salle voisine, d'où ils comptaient gagner l'antichambre qui aboutit à un bel escalier par où l'on descend dans la rue.
Là, il ne leur serait pas difficile de gagner du terrain, car un bon fantassin, lorsqu'il ne porte sur son dos ni vivres ni bagages, peut faire aisément douze kilomètres à l'heure.
Or, l'académicien le plus éloigné de son domicile n'avait guère plus d'un kilomètre ou deux à mesurer avant d'arriver au but, c'est-à-dire au coin de sa cheminée. Il avait donc de grandes chances d'échapper en quelques minutes à la société de Louison.
Quelque long que semble ce raisonnement lorsqu'on l'écrit sur le papier, il fut fait avec une rapidité si grande et si unanime, qu'en un clin d'oeil tous les académiciens se levèrent et voulurent prendre la fuite.
Le président lui-même, bien qu'en toute circonstance il d?t donner l'exemple, et qu'en celle-ci il e?t montré tout le zèle imaginable, n'arriva pourtant que le dix-neuvième à la porte d'entrée brisée par le choc de Louison.
Mais personne ne s'avisa de franchir le seuil. Louison, qui s'ennuyait d'être enfermée, devina leur dessein, et voulut, elle aussi, prendre l'air.
En un clin d'oeil et d'un bond elle passa pour la deuxième fois par-dessus leurs têtes et tomba justement devant M. le secrétaire perpétuel, qui se hatait de sortir le premier. Cet homme vénérable fit un pas en arrière, et en aurait fait volontiers plusieurs autres, si les pieds de ceux qui le suivaient n'avaient été un obstacle insurmontable.
A la vérité, quand on vit que Louison servait d'avant-garde, tout le monde se hata de reculer, et le secrétaire perpétuel fut dégagé. Sa perruque seule eut quelques faux plis.
Cependant Louison, toute joyeuse, avait pris le grand trot et se promenait dans la salle d'attente comme un jeune lévrier qui va partir pour la chasse. Elle regardait les académiciens avec des yeux vifs et pleins de malice, et paraissait attendre les ordres du capitaine Corcoran.
L'Académie fut fort indécise. Sortir n'était pas s?r à cause des caprices de Louison. Rester était moins s?r encore.
On se groupait, on se pelotonnait dans un coin de la salle. On entassait fauteuils sur fauteuils pour former une barricade.
Enfin le président, qui était un homme sage, ainsi qu'on a pu en juger par ses discours, émit tout haut l'avis que le capitaine Corcoran ferait honneur et plaisir à tous les membres présents de l'honorable assemblée, s'il consentait à ?filer par le chemin le plus direct et le plus court.?
Bien que le mot filer ne f?t pas très-parlementaire, Corcoran ne s'en offensa point, sachant bien qu'il est des minutes où l'on n'a pas le temps de choisir ses mots.
?Messieurs, dit-il, je regrette bien vivement que....
--Ne regrettez rien, au nom de Dieu! et partez! s'écria le secrétaire perpétuel. Je ne sais ce que votre Louison regarde en moi, mais elle me donne froid dans le dos.?
Effectivement, Louison était fort intriguée. Dans la confusion de la mêlée, M. le secrétaire avait, sans y prendre garde, laisser glisser sa perruque sur son épaule droite; de sorte que le crane paraissait tout nu aux yeux de Louison, et ce spectacle nouveau l'étonnait beaucoup.
Corcoran s'en aper?ut, et, sans dire un mot, il montra le chemin à Louison et s'avan?a vers la seconde porte d'entrée.
Mais cette porte était solidement barricadée en dehors. Et, pour comble de malheur, comme elle était en bronze, Corcoran lui-même n'aurait pu l'ébranler. Cependant il fit un effort et donna un tel coup d'épaule, que la porte et la muraille tremblèrent et que la maison tout entière en parut ébranlée. Il allait en donner un second, mais le président l'arrêta.
?Ce serait bien pire, dit-il, si vous faisiez tomber la maison sur nos têtes.
--Que faire? dit alors le capitaine.... Ah! je vois un moyen.... Nous allons passer par la fenêtre, Louison et moi.?
[Illustration: M. le secrétaire avait laissé glisser sa perruque. (Page 18.)]
Le président eut un mouvement de générosité.
?Capitaine, dit-il, prenez
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 62
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.