Aventures extraordinaires dun savant russe | Page 3

Georges le et Henri de Graffigny Faure
couraient le long des murs, laiss��rent s'��crouler par leurs glaces bris��es des montagnes de volumes.
Puis un silence profond se fit, que ne troublait m��me plus le tic-tac monotone de l'horloge arr��t��e par la secousse. La jeune fille s'��tait dress��e tout d'une pi��ce, comme mue par un ressort; mais une fois debout, elle ��tait demeur��e immobile, les deux mains appuy��es au dossier du fauteuil, plut?t ��tonn��e que v��ritablement effray��e, les sourcils un peu fronc��s et les paupi��res demi-closes, dans l'attitude d'une personne qui cherche �� se rendre compte.
[Illustration]
--Ce pauvre p��re, murmura-t-elle enfin avec un sourire, il finira par nous faire sauter pour de bon...
Et soudain, secouant ses ��paules que venait geler un courant d'air froid passant par les vitres bris��es, elle fit quelques pas, s'approcha d'une table et frappa sur un timbre.
Un domestique, v��tu de la chemise de laine rouge des moujiks avec son pantalon de cotonnade enfonc�� dans des demi-bottes, entra aussit?t.
--Wassili, commanda la jeune fille en ��tendant la main vers la fen��tre, il faudrait aviser �� r��parer cela.
--C'est le batiouschka (petit p��re) qui a encore fait des siennes, grommela-t-il entre ses dents.
Puis apercevant tous les d��bris qui jonchaient le sol, il leva les bras au ciel dans un geste ��pouvant��.
--Ah! bonne sainte Vierge! exclama-t-il d'une voix que l'��motion ��tranglait, que va dire le batiouschka?... son beau t��lescope!... ses photographies!... ses lentilles!... ses lunettes!... ses livres!...
Wassili ��tait tomb�� �� genoux et se tra?nait �� quatre pattes sur le tapis, s'arr��tant �� chaque d��sastre qu'il rencontrait pour se livrer �� de nouvelles lamentations.
--Wassili!... fit la jeune fille avec impatience, vite cette fen��tre... il fait un froid de loup, ici...
Le domestique se releva et sortit en courant.
Comme il venait de dispara?tre, une porte s'ouvrit et un nouveau personnage se pr��cipita comme une bombe dans la pi��ce.
C'��tait un petit vieillard, ne paraissant pas plus d'une soixantaine d'ann��es, vif, alerte, avec un visage blanc et rose, d'une allure poupine, tout aur��ol�� d'une chevelure grise et cr��pel��e, laissant apercevoir au sommet de la t��te le crane poli et brillant comme de l'ivoire.
[Illustration]
Ce que l'on pouvait voir de ses v��tements, qu'un immense tablier de cuir recouvrait presque enti��rement, ��tait tout macul��, rong��, d��chiquet�� par les acides et les produits chimiques.
Ses mains, ses bras eux-m��mes, nus jusqu'aux coudes, avaient la peau br?l��e en maints endroits.
D'une main il tenait un masque de verre fort ��pais, recouvert d'un grillage en fils d'acier aux mailles serr��es, de l'autre il brandissait un tube en m��tal tout noirci par la d��flagration d'un explosif puissant.
--Ah! S��l��na! S��l��na!... s'��cria-t-il en courant �� sa fille, j'ai trouv��!...
Et le vieillard baisa �� plusieurs reprises le front que la jeune fille lui tendait. Puis lui mettant sous les yeux le tube qu'il tenait �� la main et posant son doigt sur une ��troite fissure qui se dessinait dans toute la longueur:
--Vois... dit-il d'un ton vibrant, la formule est trouv��e... et personne au monde ne me le contestera... un gramme,--tu entends bien--un gramme seulement de cette mati��re explosive enflamm�� par une ��tincelle et dilat�� par une chaleur de quatre cent cinquante degr��s, d��veloppe dix m��tres cubes de gaz... Comprends-tu, S��l��na?... dix m��tres cubes de gaz!... dans un fusil ordinaire, je supprime la cartouche et ne laisse qu'une rondelle grande tout au plus comme une pi��ce d'argent... et sais-tu ce que produit la d��flagration de cette simple rondelle?... Non! eh bien! elle donne �� une balle de platine pesant cent grammes une vitesse initiale de deux mille m��tres par seconde et la projette �� seize kilom��tres...
[Illustration]
La jeune fille joignit les mains et ouvrit la bouche pour r��pondre; mais le vieillard ne lui en laissa pas le temps.
--Comprends-tu quelle r��volution dans la balistique?... enfonc��s tous les explosifs connus, depuis la poudre �� canon jusqu'�� la dynamite, la roburite et m��me la m��linite!...
Il agita son tube d'un air terrible.
--Avec un kilogramme de ceci, vois-tu bien, S��l��na, je me charge d'envoyer dans les nuages la ville de Saint-P��tersbourg, et avec quelques tonnes on ferait ��clater, par morceaux, la terre qui nous porte.
[Illustration]
Et, le visage radieux, les yeux ��tincelants, il se mit �� arpenter la pi��ce de toute la grandeur de ses petites jambes.
Puis tout �� coup, il s'arr��ta net devant sa fille.
--Et sais-tu, exclama-t-il, comment je vais l'appeler, ma poudre?... Je veux que tu en sois la marraine et je la baptise S��l��nite.
La jeune fille eut un geste d'horreur.
--Que je donne mon nom �� une chose aussi ��pouvantable! s'��cria-t-elle, jamais... jamais...
Et elle ajouta d'un ton de reproche:
--Eh quoi! mon p��re, est-ce bien �� l'art de d��truire vos semblables que vous consacrez tant de veilles et tant d'efforts?
Le petit vieillard bondit, comme froiss�� par les paroles de sa fille.
--Est-ce bien toi qui parles ainsi, S��l��na?.. demanda-t-il; comment peux-tu me supposer capable?... sois tranquille; si je veux donner ton nom �� une aussi terrible substance que celle que je suis parvenu �� combiner, ce
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