battait en duel comme à Paris, et peut-être plus qu'à Paris.
Les hautes montagnes de Piterbott, le Pouce, et les fruits, étaient seuls différents; on y mangeait cependant des pêches qui, pour le go?t, ne différaient en rien de celles d'Europe.
Après six mois passés à Maurice et à Bourbon, la Victorine remit à la voile.
Trois mois après, elle rentrait dans le golfe de Gascogne, et bient?t nous découvr?mes la terre de France, où j'allais enfin retrouver les personnes dont je m'étais séparé si péniblement.
Là, si mon départ m'avait fait éprouver les sensations douloureuses que j'ai si faiblement décrites, mon arrivée m'en fit supporter sans doute une de moins longue durée, mais peut-être plus cruelle et plus poignante.
Nous approchions à vue d'oeil de notre destination, et dans quelques heures nous allions être au port. Mais avec quelle lenteur marchait la Victorine! Que les minutes me paraissaient longues! J'étais agité par une impatience, par un mouvement fébrile indéfinissable, et surexcité sans doute par les mortelles inquiétudes où je me trouvais. Pendant mon séjour à Maurice, je n'avais re?u qu'une seule fois des nouvelles de ma famille. Depuis lors, six mois s'étaient écoulés: trouverai je tout le monde à mon arrivée, ou n'aurai-je point à déplorer d'affreux malheurs? Telles étaient mes pensées, tels étaient mes tourments, lorsque la Victorine laissa tomber l'ancre dans le port de Saint-Nazaire, à l'entrée de la Loire.
Là, dans une agitation toujours croissante, il me fallut attendre la visite de la douane et rester en proie à mes mortelles inquiétudes, perdre toute une nuit qui fut employée à remonter le fleuve jusqu'à Nantes, où enfin je débarquai.
J'aurais voulu courir, voler chez un parent dont la demeure était la plus rapprochée du lieu de mon débarquement; mais je tremblais comme la feuille, et mon agitation était si grande, que mes jambes, si agiles à cette époque, me refusaient le service; je marchais en chancelant, et la tête me tournait comme si j'avais été ivre. Sur ma route, je rencontrai un de mes oncles. Je me précipitai dans ses bras sans pouvoir prononcer un seul mot; puis, tout à coup je m'en éloignai de quelques pas et le regardai fixement pour examiner sa physionomie, car je n'osais pas l'interroger. Il me comprit, et en souriant il me dit:
?Tout le monde t'attend avec impatience.?
Jamais de plus douces paroles n'avaient résonné à mes oreilles, et il s'opéra en moi un changement subit. Mes jambes avaient recouvré leur force et leur agilité, ma tête ne tournait plus.
Un instant après, j'embrassais ma bonne mère et mes soeurs. Mes deux frères a?nés étaient absents. Henri était à quelques lieues de Nantes, dans une petite ville de Bretagne; et Robert s'était établi à Porto-Rico, où il exer?ait la médecine.
Je n'ai point voulu fatiguer mon lecteur par la narration de tout ce qui me fut particulier pendant un séjour de six mois aux ?les Maurice et Bourbon, et donner des détails sur des pays trop connus et trop souvent décrits par tous nos voyageurs.
Maintenant j'indiquerai très-sommairement les deux autres voyages qui suivirent celui-ci, pour arriver brièvement aux Philippines.
Je restai un mois à terre, entouré de l'affection de ma mère et de mes soeurs; malgré leurs soins assidus, l'ennui ne tarda pas à s'emparer de moi.
Je fis un second voyage à Maurice, et ensuite un troisième aux Philippines.
Je passai trois mois dans le port de Cavite, temps tout à fait insuffisant pour m'initier aux coutumes et aux usages de ce pays, qui me paraissait si différent de tout ce que j'avais vu jusqu'alors, mais assez cependant pour apprécier l'admirable et belle végétation que j'avais déjà remarquée à Sumatra et à Java, et entendu raconter, par les naturels, mille anecdotes sur des races de sauvages qui habitent l'intérieur des montagnes.
Tous ces récits et cette belle et riche nature enflammaient mon imagination et me faisaient vivement désirer d'avoir mon entière liberté, pour parcourir un pays qui avait déjà pour moi tant d'attraits et de merveilles.
De retour en France, je ne rêvais plus qu'à faire un second voyage à Manille.
L'occasion ne tarda pas à se présenter. Un trois-mats fut annoncé pour les Philippines; j'obtins facilement à m'y embarquer comme médecin.
Je me séparai alors de mon pauvre frère Prudent. Nous nous f?mes nos derniers adieux;--nous ne devions plus nous revoir.
Enfin, après avoir passé six fois le cap de Bonne-Espérance, j'entrepris ce quatrième voyage, qui devait m'éloigner pour vingt ans de ma patrie.
Le 9 octobre 1819, je m'embarquai sur le Cultivateur, vieux trois-mats à moitié pourri, commandé par un vieux capitaine qui n'avait pas navigué depuis de longues années.
Ainsi, vieux capitaine et vieux navire, telles étaient les conditions dans lesquelles j'entrepris ce voyage; je dois ajouter que j'avais obtenu une augmentation de solde.
Nous relachames à Bourbon; nous parcour?mes toute la c?te de Sumatra, une partie de Java, les ?les du détroit de la Sonde, celles
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