pas pour le mettre à exécution.?
?Il s'agit, dit-il, de bien peu de chose; seulement d'une petite promenade aérienne. Prenez les enfléchures du grand mat sous le vent, et montez jusqu'aux barres de perroquet; restez-y pendant deux ou trois heures, si vous n'avez pas peur; et lorsque vous descendrez vous serez entièrement aguerri, et complétement délivré du mal de mer.?
Je ne comprenais pas pourquoi il fallait monter plut?t sous le vent; mais le malicieux lieutenant savait bien, lui, que j'aurais eu beaucoup plus de difficultés que si j'étais monté au vent. Je le remerciai cependant d'avoir bien voulu me donner son secret, et je commen?ai mon ascension.
Je n'étais pas encore rendu à la grande hune, que deux matelots, beaucoup plus lestes que moi, me saisirent chacun par un bras, et m'amarrèrent dans les enfléchures. Je leur demandai si leur intention était de m'empêcher de me guérir du mal de mer.
?Non s?rement, me dirent-ils; mais toute personne qui monte pour la première fois au mat doit payer son tribut; et si vous nous promettez de nous donner un pourboire, nous vous laisserons librement continuer votre promenade.?
J'avais trop grande hate de me guérir pour les refuser; et, après leur avoir donné ma parole que leur pourboire ne serait pas moindre d'une pièce de cinq francs, ils me laissèrent en liberté.
Malgré tout le danger que court celui qui se livre pour la première fois, par un gros temps, à un pareil exercice, j'arrivai aux barres de perroquet, et je m'y cramponnai le mieux qu'il me fut possible.
Si les premiers balancements de la Victorine avaient produit sur moi ce malaise précurseur du mal de mer, ceux, dix fois plus forts, que j'éprouvais en haut du mat m'eurent bient?t rendu tout à fait malade, et à tel point, que je ne con?ois pas que j'eusse le courage de passer trois mortelles heures dans des angoisses et une agonie continuelles.
Mais j'étais de si bonne foi, j'avais tellement peur que par lacheté l'expérience que je faisais ne manquat son effet, que ce ne fut qu'après trois heures que, le corps brisé, l'estomac complétement vide, et le coeur toujours sur les lèvres, je descendis.
Je n'en pouvais plus, et j'allai me coucher. La position horizontale, le mouvement du navire, qui n'était plus à comparer à celui que je venais d'éprouver, me remirent un peu; je m'endormis, et ne me réveillai que le lendemain, tourmenté par un dévorant appétit. Un copieux déjeuner me restaura complétement.
Depuis lors, dans tous mes voyages, jamais je n'ai ressenti le mal de mer. Dois-je ce bienfait à mes trois heures passées sur les barres de perroquet? Cela peut être; en tous cas, je ne voudrais conseiller à personne d'en faire l'expérience.
La première terre que nous découvr?mes fut, sur la c?te d'Afrique, les ?les Canaries. Nous v?mes au-dessus des nuages le pic de Ténériffe, et passames si près de l'?le de Feu, que pendant quelque temps nous nous trouvames dans une atmosphère aussi parfumée qu'elle pourrait l'être au milieu d'un bois d'orangers en fleurs.
Tout l'équipage était en parfaite santé. Nous jouissions d'un temps et d'un climat superbes: chacun de nous s'était créé des occupations, et, malgré la monotonie qui règne toujours à bord d'un navire en pleine mer, les journées s'écoulaient rapidement.
Une seule chose me tourmentait, c'était mon frère. Son modeste grade de pilotin l'obligeait d'exécuter des travaux pénibles et souvent dangereux. J'aurais voulu les partager avec lui, si le capitaine me l'e?t permis; mais à bord d'un navire la discipline exige que chacun garde son rang et sa position.
Mon frère, d'un caractère gai, courageux, et d'une capacité au-dessus de son age, avait un si grand désir de devenir un bon marin, que rien ne lui co?tait pour atteindre ce but.
Nous arrivames au passage de l'équateur. La cérémonie du baptême, qui a été décrite trop souvent pour en ennuyer mes lecteurs, se célébra à bord de la Victorine avec toute la pompe possible. Le bonhomme la Ligne, en grand costume, nous fit sa visite. Chaque néophyte re?ut le baptême, et pronon?a le serment exigé par les marins liés par la foi conjugale.
Nous passames, trop rapidement pour que je m'y arrête, l'?le de l'Ascension et le cap de Bonne-Espérance, si connus.
La Victorine, après un voyage heureux, mouilla dans le Port-Louis.
Le lendemain, je descendis à terre: j'avais hate de parcourir une ville située à trois mille lieues de ma patrie, et qui, selon l'idée que je m'étais formée, devait entièrement différer de nos cités d'Europe.
Je fus, je l'avoue, bien désappointé.
Le Port-Louis, capitale de l'?le Maurice, me fit l'effet d'une de nos villes de France; j'y retrouvai à peu près les mêmes costumes, les mêmes usages, les mêmes hommes, à cela près de quelques nègres esclaves qui singeaient les blancs, et de quelques métisses qui jouaient les grandes dames.
On y donnait des bals, on y jouait l'opéra, et l'on s'y
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