Aventures du Capitaine Hatteras | Page 6

Jules Verne
qui ne bronchent pas; c'est quelque chose, cela! ainsi donc, pas tant de r��flexions: c'est �� prendre ou �� laisser!?
Et la plupart prenaient.
?Tu comprends bien, ajoutait parfois le ma?tre d'��quipage, je n'ai que l'embarras du choix. Une haute paye; comme on n'en a jamais vu de m��moire de marin, avec la certitude de trouver un joli capital au retour: il y a l�� de quoi all��cher.
--Le fait est, r��pondaient les matelots, que cela est fort tentant! de l'aisance jusqu'�� la fin de ses jours!
--Je ne te dissimulerai point, reprenait Johnson, que la campagne sera longue, p��nible, p��rilleuse; cela est formellement dit dans nos instructions; ainsi, il faut bien savoir �� quoi l'on s'engage; tr��s-probablement �� tenter tout ce qu'il est humainement possible de faire, et peut-��tre plus encore! Donc, si tu ne te sens pas un coeur hardi, un temp��rament �� toute ��preuve, si tu n'as pas le diable au corps, si tu ne te dis pas que tu as vingt chances contre une d'y rester, si tu tiens en un mot �� laisser ta peau dans un endroit plut?t que dans un autre, ici de pr��f��rence �� l��-bas, tourne-moi les talons, et c��de ta place �� un plus hardi comp��re!
--Mais au moins, ma?tre Johnson, reprenait le matelot pouss�� au mur, au moins, vous connaissez le capitaine?
--Le capitaine, c'est Richard Shandon, l'ami, jusqu'�� ce qu'il s'en pr��sente un autre.?
Or, il faut le dire, c'��tait bien la pens��e du commandant; il se laissait facilement aller �� cette id��e, qu'au dernier moment il recevrait ses instructions pr��cises sur le but du voyage, et qu'il demeurerait chef �� bord du Forward. Il se plaisait m��me �� r��pandre cette opinion, soit en causant avec ses officiers, soit en suivant les travaux de construction du brick, dont les premi��res lev��es se dressaient sur les chantiers de Birkenhead, comme les c?tes d'une baleine renvers��e.
Shandon et Johnson s'��taient strictement conform��s �� la recommandation touchant la sant�� des gens de l'��quipage; ceux-ci avaient une mine rassurante, et ils poss��daient un principe de chaleur capable de chauffer la machine du _Forward_; leurs membres ��lastiques, leur teint clair et fleuri les rendaient propres �� r��agir contre des froids intenses. C'��taient des hommes confiants et r��solus, ��nergiques et solidement constitu��s; ils ne jouissaient pas tous d'une vigueur ��gale; Shandon avait m��me h��sit�� �� prendre quelques-uns d'entre eux, tels que les matelots Gripper et Garry, et le harponneur Simpson, qui lui semblaient un peu maigres; mais, au demeurant, la charpente ��tait bonne, le coeur chaud, et leur admission fut sign��e.
Tout cet ��quipage appartenait �� la m��me secte de la religion protestante; dans ces longues campagnes, la pri��re en commun, la lecture de la Bible doit souvent r��unir des esprits divers, et les relever aux heures de d��couragement; il importe donc qu'une dissidence ne puisse pas se produire. Shandon connaissait par exp��rience l'utilit�� de ces pratiques, et leur influence sur le moral d'un ��quipage; aussi sont-elles toujours employ��es �� bord des navires qui vont hiverner dans les mers polaires.
L'��quipage compos��, Shandon et ses deux officiers s'occup��rent des approvisionnements; ils suivirent strictement les instructions du capitaine, instructions nettes, pr��cises, d��taill��es, dans lesquelles les moindres articles se trouvaient port��s en qualit�� et quantit��. Grace aux mandats dont le commandant disposait, chaque article fut pay�� comptant, avec une bonification de 8 pour cent, que Richard porta soigneusement au cr��dit de K.Z.
��quipage, approvisionnements, cargaison, tout se trouvait pr��t en janvier 1860; le Forward prenait d��j�� tournure. Shandon ne passait pas un jour sans se rendre �� Birkenhead.
Le 23 janvier, un matin, suivant son habitude, il se trouvait sur l'une de ces larges barques �� vapeur, qui ont un gouvernail �� chaque extr��mit�� pour ��viter de virer de bord, et font incessamment le service entre les deux rives de la Mersey; il r��gnait alors un de ces brouillards habituels, qui obligent les marins de la rivi��re �� se diriger au moyen de la boussole, bien que leur trajet dure �� peine dix minutes.
Cependant, quelque ��pais que f?t ce brouillard, il ne put emp��cher Shandon de voir un homme de petite taille, assez gros, �� figure fine et r��jouie, au regard aimable, qui s'avan?a vers lui, prit ses deux mains, et les secoua avec une ardeur, une p��tulance, une familiarit�� ?toute m��ridionale,? e?t dit un Fran?ais.
Mais si ce personnage n'��tait pas du Midi, il l'avait ��chapp�� belle; il parlait, il gesticulait avec volubilit��; sa pens��e devait �� tout prix se faire jour au dehors, sous peine de faire ��clater la machine. Ses yeux, petits comme les yeux de l'homme spirituel, sa bouche, grande et mobile, ��taient autant de soupapes de s?ret�� qui lui permettaient de donner passage �� ce trop-plein de lui-m��me; il parlait, il parlait tant et si all��grement, il faut l'avouer, que Shandon n'y pouvait rien comprendre.
Seulement, le second du Forward ne tarda pas �� reconna?tre ce
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