demi-couronne de
plus sur votre compte, si vous regardez seulement le garçon; fait payer
plus cher si vous dînez en ville que si vous dîniez à l'hôtel: drôles de
gens, vraiment.»
M. Winkle s'approcha de M. Pickwick et lui dit quelques paroles à
l'oreille. Un chuchotement passa de M. Pickwick à M. Snodgrass, de M.
Snodgrass à M. Tupman, et des signes d'assentiment ayant été échangés,
M. Pickwick s'adressa ainsi à l'étranger.
«Vous nous avez rendu ce matin un important service, monsieur.
Permettez-moi de vous offrir une légère marque de notre
reconnaissance, en vous priant de nous faire l'honneur de dîner avec
nous.
--Grand plaisir. Ne me permettrai pas de dire mon goût; volaille rôtie et
champignons, excellente chose; quelle heure?
--Voyons, répondit M. Pickwick, en tirant sa montre. Il est maintenant
près de trois heures. A cinq heures, si vous voulez.
--Convient parfaitement; cinq heures précises, jusqu'alors prenez soin
de vous.»
Ainsi parla l'étranger, et il souleva de quelques pouces son chapeau à
bords retroussés, le replaça négligemment sur le coin de l'oreille,
traversa la cour d'un air délibéré, et tourna dans la grande rue, ayant
toujours hors de sa poche la moitié du paquet de papier gris.
«Évidemment un grand voyageur dans divers climats et un profond
observateur des hommes et des choses, dit M. Pickwick.
--J'aimerais à voir son poëme, reprit M. Snodgrass.
--Et moi je voudrais avoir vu son chien,» ajouta M. Winkle.
M. Tupman ne parla point, mais il pensa a doña Christina, à l'acide
prussique, à la fontaine, et ses yeux se remplirent de larmes.
Après avoir retenu une salle à manger particulière, examiné les lits,
commandé le dîner, nos voyageurs sortirent pour observer la ville et les
environs.
Nous avons lu soigneusement les notes de M. Pickwick sur les quatre
villes de Stroud, Rochester, Chatham et Brompton, et nous n'avons pas
trouvé que ses opinions différassent matériellement de celles des autres
savants qui ont parcouru les mêmes lieux. On peut résumer ainsi sa
description.
Les principales productions de ces villes paraissent être des soldats, des
matelote, des juifs, de la craie, des crevettes, des officiers et des
employés de la marine. Les principales marchandises étalées dans les
rues sont des denrées pour la marine, du caramel, des pommes, des
poissons plats et des huîtres. Les rues ont un air vivant et animé, qui
provient principalement de la bonne humeur des militaires. Quand ces
vaillants hommes, sous l'influence d'un excès de gaieté et de spiritueux,
font, en chantant, des zigzags dans les rues, ils offrent un spectacle
vraiment délicieux pour un esprit philanthropique, surtout si nous
considérons quel amusement innocent et peu cher ils fournissent à tous
les enfants de la ville, qui les suivent en plaisantent avec eux. Rien
(ajouta M. Pickwick), rien n'égale leur bonne humeur. La veille de mon
arrivée, l'un d'eux avait été grossièrement insulté dans une auberge. La
fille avait refusé de le laisser boire davantage. Sur quoi, et par pur
badinage, le soldat tira sa baïonnette et blessa la servante à l'épaule:
cependant, le lendemain, ce brave garçon se rendit dès le matin à
l'auberge, et fut le premier à promettre de ne conserver aucun
ressentiment, et d'oublier ce qui s'était passé.
«La consommation de tabac doit être très-grande dans cette ville,
continue M. Pickwick; et l'odeur de ce végétal, répandue dans toutes les
rues, doit être étonnamment délicieuse pour ceux qui aiment à fumer.
Un voyageur superficiel critiquerait peut-être les boues qui
caractérisent leur viabilité, mais elles offrent, au contraire, un véritable
sujet de jouissance à ceux qui y découvrent un indice de mouvement et
de prospérité commerciale.»
Cinq heures précises amenèrent à la fois le dîner et l'étranger. Il s'était
débarrassé de son paquet de papier gris, mais il n'avait fait aucun
changement dans son costume et déployait toujours sa loquacité
accoutumée.
«Qu'est-ce que cela? demanda-t-il, comme le garçon ôtait une des
cloches d'argent. Des soles! ha! fameux poisson; toutes soles viennent
de Londres. Les entrepreneurs de diligences poussent aux dîners
politiques pour avoir le transport des soles; des paniers par douzaines;
ils savent bien ce qu'ils font. Eh! eh! Un verre de vin avec moi,
monsieur.
--Avec plaisir,» répondit M. Pickwick. Et l'étranger prit du vin, d'abord
avec lui, puis avec M. Snodgrass, puis avec M. Tupman, puis avec M.
Winkle, puis enfin avec la société collectivement; et le tout sans cesser
un seul instant de discourir.
«Diable de bacchanale sur l'escalier! Banquettes qu'on monte,
charpentiers qui descendent, lampes, verres, harpe. Qu'y a-t-il donc,
garçon?
--Un bal, monsieur.
--Un bal par souscription?
--Non, monsieur. Monsieur, un bal public au bénéfice des pauvres,
monsieur.
--Monsieur, dit M. Tupman avec un vif intérêt, savez-vous si les
femmes sont bien dans cette ville?
--Superbes, magnifiques. Kent, monsieur; tout le monde connaît le
comté de Kent, célèbre pour ses pommes, ses cerises,
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