Aventures Extraordinaires dun Savant Russe; III. Les Planètes Géantes et les Comète | Page 6

Georges le et Henri de Graffigny Faure
vieux savant attachait sur
lui, l'ingénieur ajouta:
--Il désire mesurer la hauteur du soleil, pour être fixé sur la latitude.
Le visage d'Ossipoff se dérida, comme toutes les fois qu'il était admis à
constater les connaissances scientifiques de son futur gendre.
--C'est très bien, dit-il en tendant à Fricoulet la lunette demandée.
L'ingénieur revint vers le jeune comte en lui disant, assez haut pour être
entendu du vieillard:
--Voici ce que tu désires.
Gontran prit machinalement l'instrument.
--Qu'est-ce que tu yeux que je fasse de cela? demanda-t-il à voix basse.
--Que tu mesures le soleil, répondit Fricoulet sur le même ton.
--Comment cela?
--Vise le Soleil avec la lunette, et l'angle formé par l'instrument et par
l'horizontale te donnera la hauteur du Soleil... tout simplement.
Docilement, le jeune comte braqua l'instrument sur l'astre du jour,
pendant que Fricoulet, sans en rien laisser paraître, prenait les mesures

nécessaires.
Enfin, il lui murmura à l'oreille:
--La hauteur du Soleil est de 65 degrés.
--C'est donc par le 65e degré de latitude que nous nous trouvons, fit
Gontran.
L'ingénieur eut un tressaut formidable.
--Malheureux, dit-il, tu veux donc te faire étrangler par le digne
monsieur Ossipoff.
M. de Flammermont fixa un regard tellement ahuri sur son ami, que
celui-ci ne put s'empêcher de sourire.
--Voici notre situation exacte, dit-il: 20 degrés de latitude sud et 30
degrés de longitude ouest... en prenant, comme point de repère, le
méridien de la Ville-Lumière... Si tu veux communiquer ces résultats à
M. Ossipoff, cela lui fera certainement plaisir, en même temps que cela
te permettra de faire parade de tes connaissances scientifiques.
Gontran accueillit la moquerie de son ami par un haussement d'épaules;
il allait cependant se diriger vers le vieillard, lorsque, se ravisant, il
demanda:
--S'il lui prenait fantaisie de me questionner au sujet de ce que je pense
de la situation?
[Illustration]
--Tu lui répondrais que le vent souffle du Nord et que le Soleil semble
indiquer que nous dérivons vers le Sud-Est.
--Alors, je puis dire hardiment que nous aborderons vers cette terre de
Noachis dont tu parlais tout à l'heure.
--Absolument... à moins d'accidents imprévus.

--Et vous avez bien raison d'ajouter cela, monsieur Fricoulet, déclara
Farenheit qui arrivait derrière les jeunes gens.
Tous les deux, d'un même mouvement, se retournèrent et poussèrent un
cri de surprise.
Le visage de l'Américain exprimait une violente émotion, ses lèvres
tremblaient et, sous les sourcils épais, hérissés, les yeux brillaient d'un
éclat singulier.
--Qu'avez-vous, sir Jonathan, fit M. de Flammermont, et que signifient
les paroles que vous venez de prononcer?
--Cela signifie que, si cela continue de la sorte, nous n'aurons bientôt
plus rien sous la plante des pieds pour nous porter jusqu'à cette terre
promise.
Fricoulet regarda l'Américain d'un air qui signifiait clairement qu'il
commençait à concevoir des doutes sérieux sur le bon équilibre de sa
cervelle.
[Illustration]
Quant à Gontran, il demanda:
--Si cela continue, venez-vous de dire..., de quoi parlez-vous?
--De l'île sur laquelle nous sommes et qui va diminuant de surface.
Les yeux du comte s'arrondirent, il considéra Farenheit un moment,
puis, se penchant à l'oreille de Fricoulet:
--Je crois que le pauvre homme devient fou, murmura-t-il.
--C'est également mon avis, répondit l'ingénieur sur le même ton.
Ensuite, s'adressant à l'Américain:
--Alors, fit-il, l'île neigeuse diminue?

--On dirait qu'elle fond.
--Nous serions sur un iceberg que cela pourrait s'admettre; mais des
pierres, des roches et de la terre, cela ne fond pas.
--Non,... mais ça s'effrite.
--Et sur quoi vous basez-vous pour parler ainsi?
--Tout à l'heure, lorsque m'a pris ce singulier malaise que vous m'avez
conseillé de combattre par une promenade hygiénique, j'ai marché
jusqu'à ce que j'aie fait le tour complet de l'île.
--Nous savons cela,... nous vous avons vu.
--Mais ce que vous ne savez pas... c'est que, tout en marchant, je
comptais mes enjambées.
--C'est la preuve d'un esprit méticuleux, fit plaisamment M. de
Flammermont... et combien d'enjambées vous a donné ce tour complet
de l'île neigeuse?
--Cinq cent vingt enjambées... plus deux de mes pieds, le talon de l'un
mis à la pointe de l'autre.
[Illustration: Les Terriens finirent par se trouver serrés, coude à coude,
sur une sorte de promontoire.]
--Eh bien?
--Comme vous l'avez vu également, j'ai fait un second tour; par
curiosité, j'ai compté comme la première fois et...
--Vous avez trouvé moins d'enjambées?
--Non, j'ai trouvé le même nombre... cinq cents.
--Alors, qu'est-ce qui vous inquiète?

--Ce sont mes deux pieds qui manquent.
Fricoulet éclata de rire.
[Illustration]
--En vérité! s'écria-t-il, voilà bien de quoi vous mettre la cervelle à
l'envers! Vous ayez fait les enjambées plus longues au second tour
qu'au premier,... voilà tout.
Farenheit secoua gravement la tête.
--Monsieur Fricoulet, déclara-t-il, avant d'entreprendre le commerce
des suifs, j'étais arpenteur dans le Far-West; c'est moi qui ai mesuré la
plupart des terrains occupés actuellement, dans le

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