Mon drame prenait une ampleur, un relief, une splendeur inou?s. Mon don d'invention s'��tait tout �� coup d��cupl��. C'��tait comme si un ��tre nouveau s'��tait ��veill�� en moi pour me dicter des pens��es magnifiques. Et je me sentais indiciblement fier du g��nie dont je venais de prendre conscience en cette explosion de mon ame.
Tout �� coup, ce fut comme si un mur de glace se dressait pour faire obstacle �� ma course dans l'Id��al. La f��te ��blouissante allum��e dans mon cerveau s'��teignit comme une bougie qu'on souffle. Je m'interrompis au milieu d'une phrase. Plus de mots, plus d'id��es! Je restai h��b��t��, balbutiant, pendant que Guaita ne cessait pas de m'observer froidement.
-- Eh bien, dit-il, qu'attendez-vous?... Continuez, vous m'int��ressez beaucoup.
-- Je ne trouve plus rien r��pondis-je.
Un mouvement de d��sespoir me saisit, car il me semblait que je ne trouverais plus jamais rien!
-- Ah! C'est fini, m'��criai-je, mon drame vivait devant moi; maintenant, il est mort. Et je sens que je ne me rappellerai m��me plus un seul des vers que je viens d'improviser d'une fa?on si surprenante.
-- Si, reprit Guaita, vous vous rappellerez tout. Et je m'en vais vous dire comment...
Ici Dubus s'arr��ta net. Tr��s ��tonn��, je l'invitai �� poursuivre. Mais il s'y refusa obstin��ment. Il all��gua, pour motif de son silence, que Guaita lui avait fait promettre de garder le secret sur le philtre qui faisait d��border dans les ames les sources d'un g��nie surhumain.
-- Mais, conclut-il, il ne tient qu'�� toi de le conna?tre. Viens chez de Guaita. Il d��sire beaucoup te voir et il a fort insist�� pour que je t'am��ne �� lui.
Je ne dis pas non, r��pondis-je, car je flaire l�� du nouveau et, n'est-ce pas, comme Baudelaire, nous plongerions volontiers
Au fond de l'inconnu pour trouver du nouveau!...
-- Certes, reprit Dubus; quant �� moi, le sphinx m'a livr�� son ��nigme, d��sormais j'incarne Apollonius de Tyane. Son essence divine vit en moi. Mon ame a conquis des ailes et elle monte dans l'infini, car Guaita m'en a livr�� la clef...
* * * * *
Je ne me doutais pas alors de quelle nature ��tait le philtre, qui, loin de lui ouvrir les portes de l'infini, devait tr��s vite faire descendre mon ami au s��pulcre par une spirale d'horreur et d'abjection.
Toutefois, �� la r��flexion, je r��solus d'abord de ne pas aller chez de Guaita. Ma raison me faisait pressentir qu'il y avait l�� un danger.
Je ne craignais pas pour mon ame, car je n'avais pas la foi et il m'importait peu que l'��glise m?t ses fid��les en garde contre l'occultisme. Mais je redoutais une influence virulente sur mon imagination et ma sensibilit��. Il y avait bien du louche dans ce que j'avais appris d��j�� par le docteur E... Aussi, je me m��fiais.
Mais ensuite je me rem��morai les termes dont Dubus s'��tait servi pour me peindre la puissance de cr��ation po��tique qui avait germ�� en lui au contact du th��osophe. Le d��sir grandit en moi de conna?tre des joies analogues.
-- Qui sait, me dis-je, si ce personnage -- peut-��tre inoffensif, apr��s tout -- ne saura pas m'inculquer cette ��nergique confiance en soi-m��me dont j'ai v��rifi�� les effets sur Dubus? Et puis Dubus, emball�� comme il l'est, par nature, a sans doute exag��r��. Je puis toujours aller chez de Guaita en observateur attentionn�� �� mettre les choses au point. C'est tentant!
Ce dernier pr��texte me d��cida. Cependant, j'y insiste, tandis que je me rendais chez de Guaita, en compagnie de Dubus, je sentais que j'avais tort. Ma conscience me murmurait que je faisais mal; mais sans l'��couter, je me for?ais �� mal faire.
Dans le plus p��n��trant de ses contes: le D��mon de la perversit��, Edgar Poe, ce voyant, a d��crit, d'une fa?on incisive, cet ��tat d'ame. Il a montr�� comment telles circonstances se produisent o�� celui que ne garde pas la pri��re court �� sa perte, le sachant et ne voulant pas r��agir...
Le rez-de-chauss��e o�� habitait de Guaita se trouvait dans une rue tranquille et voisine de l'avenue Trudaine. Chemin faisant, j'interrogeai de nouveau Dubus sur cette ?clef de l'infini? dont il gardait si jalousement le secret. Il se d��roba par des phrases ��vasives. Ce soir-l��, du reste, il ��tait taciturne et semblait poss��d�� d'une id��e fixe.
Quand nous e?mes sonn��, de Guaita lui-m��me vint nous ouvrir, une lampe �� la main. Les paroles de pr��sentation et d'accueil ��chang��es, il nous fit entrer dans son cabinet de travail. Cette pi��ce ��tait enti��rement tendue d'��toffe rouge au plafond comme aux murs. Une grande glace, d'une limpidit�� parfaite, surmontait la chemin��e. Au-dessus du bureau, charg�� de livres et de papiers, une belle gravure reproduisait le Saint Jean-Baptiste de Vinci et son sourire ��nigmatique. Comme meubles, quelques fauteuils moelleux et un large divan oriental qui r��gnait tout le long d'une des parois.
Tout en causant, j'��tudiais de Guaita. De taille moyenne, le corps envelopp�� d'une robe de chambre
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