toujours aussi bonnes que cette ann��e; les enfants, qui entra?nent de nouvelles d��penses, peuvent venir, et la ruine dont tu te ris maintenant te surprendre plus tard. ��coutes je vais te faire une proposition. Je suis veuve, sans enfants, et parfaitement libre de suivre mes volont��s. Dis un mot et je viens demeurer ici. Je ne serai pas un fardeau, car tu sais que j'ai par moi-m��me des moyens suffisants. J'enseignerai �� Genevi��ve la tenue du m��nage si elle a la force ou le d��sir de l'apprendre, et dans tous les cas je prendrai sur moi toute la tache de conduire la maison. Ton bien-��tre, ta bourse et ton bonheur y gagneront. Maintenant, r��fl��chis bien avant de me donner une r��ponse quelconque.
Paul suivit ce conseil. Il croisa ses bras sur la table et y reposa sa t��te, afin de r��fl��chir plus m?rement. Sans doute la prosp��rit�� mat��rielle de l'��tablissement augmenterait notablement par les soins de cette m��nag��re ��conome, mais comment Genevi��ve prendrait-elle cela? c'��tait l�� l'important. Les tinettes de beurre, les meules de fromage s'accumuleraient dans ses caves, la toile et le linge de m��nage dans ses garde-robes, et lorsqu'il reviendrait fatigu��, ��puis��, de ses travaux des champs, il trouverait de bons et succulents repas l'attendant; oui, tout cela lui serait tr��s-agr��able, mais serait-ce la m��me chose pour sa femme qui passerait toutes les heures de son absence �� ��viter la constante surveillance que sa soeur exercerait sur chaque chose et sur chaque personne autour d'elle? Comme elle serait pein��e, mortifi��e de se voir continuellement expos��e �� un frappant contraste avec l'habile et ��nergique madame Chartrand, oblig��e de ressentir aussi am��rement son inf��riorit�� sur tout ce en quoi l'autre excellait. Non, il n'avait pas le droit de compromettre le bonheur de sa femme en permettant l'intrusion d'un tiers dans sa maison. D'un ton bien veillant mais ferme, il r��pondit donc:
--Merci, Fran?oise, pour ta bonne offre qui est, je le sais, l'impulsion d'un coeur tendre et g��n��reux, mais il vaut mieux que nous restions seuls, ma petite Genevi��ve et moi. Nous aurons, je le pr��sume, des embarras comme tous les gens mari��s; mais nous devons essayer de les supporter avec patience. Si Genevi��ve fait d��faut en quelques choses, elle est au moins dou��e d'un doux et affectionn��.
--C'est donc une affaire d��cid��e, Paul?
--Oui. Tu n'es pas fach��e?
--Mais non: penses-tu donc que je n'ai pas plus de jugement que cela? Mais il me faut partir d��s demain, car je ne veux pas souffrir plus longtemps les ��preuves auxquelles mon temp��rament ni ma patience sont continuellement expos��s dans cette maison. Entre l'indiff��rence de Genevi��ve et la honteuse n��gligence de sa servante paresseuse, je serais mise en pi��ces avant quinze jours, emp��ch��e que je serais d'essayer �� mettre les choses en ordre. Quoi! elles m'ont d��j�� presque fait perdre de vue mon pauvre mari et le chagrin l��gitime qu'en veuve bien apprise je dois ressentir de sa mort. Je retourne maintenant dans ma chambre pour y faire quelques pri��res, car j'ai manqu�� les v��pres afin d'avoir cet entretien avec toi.
Et elle sortit.
Paul se laissa aller �� une profonde r��verie d'o�� il fut bient?t tir�� par l'arriv��e de sa femme.
--Viens ici, lui dit-il en l'apercevant.
Et passant son bras autour d'elle, il continua:
--Ma soeur d��sire venir demeurer avec nous; elle prendrait la direction du m��nage. Qu'en dis-tu?
Le pale visage de la jeune femme rougit l��g��rement et ses l��vres trembl��rent; mais reprenant presqu'aussit?t possession d'elle-m��me, elle r��pondit doucement:
--C'est bien, Paul, si tu le d��sires toi-m��me.
--Non, ma petite femme, non! il n'en sera pas ainsi. Je ne permettrai �� personne de s'interposer entre toi et moi; nous nous tirerons d'affaire seuls. J'ai d��j�� dit �� soeur Fran?oise ce qu'il en est, et la responsabilit�� du refus ne retombe que sur moi.
Oh! comme les beaux yeux lustr��s de Genevi��ve surent bien le remercier, pendant que ses mignons petits doigts, pressant doucement sa main, le ramenaient par leur muet langage �� l'affection qu'avaient pu lui faire perdre les remontrances impitoyables de madame Chartrand.
Cette derni��re fut fid��le �� sa d��termination, et le lendemain matin, au moment m��me o�� le soleil commen?ait �� illuminer l'Orient de ses feux, elle montait dans une ��l��gante petite charrette �� ressort dans laquelle son fr��re la ramenait chez elle. Si Paul avait ��prouv�� quelque remords de conscience d'avoir refus�� l'offre si pleine de bonne intention de sa soeur, la vue du visage gras et dodu, des joues pleines et vermeilles de celle-ci qu'il fit int��rieurement contraster avec la fr��le enveloppe et la d��licate figure de sa femme, le r��concilia bient?t avec lui-m��me.
Apr��s le d��part de madame Chartrand, une des deux servantes incapables fut renvoy��e, et on se procura une excellente m��nag��re qui pouvait faire presque toute chose d'une mani��re aussi satisfaisante que la soeur de Paul elle-m��me. Mais h��las! elle avait un caract��re terrible, et sans la
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