Armand Durand | Page 7

Madame Leprohon
tout cela, fr��re? Oui, je te le dis: tu es sur le grand chemin de la ruine.
--Non, Fran?oise, il n'y a, quant �� cela, aucun danger. Dieu est tr��s-bon pour moi.--En disant cela, Paul ?ta son chapeau en signe de respect.--Ma r��colte a ��t�� cette ann��e beaucoup plus consid��rable que toutes celles que j'ai cueillies jusqu'ici, quoique bien souvent mes greniers aient ��t�� remplis jusqu'au comble. Avec moi tout a prosp��r�� en quantit�� et en qualit��, et grace au ciel, nous ne nous apercevrons pas des pertes qui peuvent se faire sentir dans la laiterie ou la basse-cour.
--Eh! bien, Paul c'est tr��s-heureux que tu jouisses d'une aussi bonne fortune, car tu en as grand besoin... Mais voyons maintenant pour ton propre confort. Ta table--tu ne dois pas m'en vouloir si je te parle aussi franchement, car tu m'as permis de te dire tout ce que j'ai sur le coeur--ta table est j'en suis certaine, la plus mal fournie de toutes celles de la paroisse.
--Mais, ch��re soeur, nous avons eu derni��rement de tr��s-bons pat��s et d'excellentes tartes, il me semble.
--Ah! fr��re, tu peux bien para?tre embarrass�� et regarder le fourneau de ta pipe en disant cela; quoique tu fasses, tu ne me donneras pas le change. En deux ou trois occasions diff��rentes, j'ai vu la petite fille de la veuve Lapointe passer dans la cour portant ces tartines et ces pat��s. En fait de cuisine, rien d'aussi app��tissant ne peut plus ��tre pr��par�� ici, �� moins que je rel��ve mes manches et que je me mette moi-m��me �� l'oeuvre.
Le pauvre Paul se trouva consid��rablement d��concert��, car il ��tait all�� secr��tement trouver la veuve Lapointe et l'avait pay��e d'avance pour la confection de ces friandises, esp��rant que l'oeil exerc�� de sa soeur croirait qu'elles ��taient de facture domestique. Il se mit donc �� fumer plus fort et sans souffler mot, pendant que l'impitoyable madame Chartrand continuait:
--Regardes le jardin: il ne peut ��tre compar�� qu'�� celui d'un fain��ant, tant il est rempli de mauvaises herbes et de chardons, et cependant je vois deux grandes paresseuses de servantes qui ne font que flaner ici. Notre m��re n'avait qu'une domestique, et de son temps ce m��me jardin faisait l'admiration de toute la paroisse par son magnifique ��talage de l��gumes, de fruits et m��me de fleurs. Je ne vois, non plus aucune trace de toile ou de linge de m��nage comme chaque femme d'un Durand avait toujours ��t�� capable d'en faire pour son mari et ses enfants... Veux-tu me dire ce que fait ou ce que peut faire Genevi��ve?
Une vive rougeur s'��tait graduellement r��pandue sur le visage hal�� de Durand; enfin, frappant la table d'un grand coup de poing:
--Fran?oise, s'��cria-t-il, ceci est mon affaire et ne regarde que moi, entends-tu? et n'��tait la promesse que je t'ai faite de te laisser parler, tu n'aurais assur��ment pu dire tout ce que tu viens de d��biter.
--Je le sais, r��pliqua philosophiquement madame Chartrand; mais comme tu m'as donn�� ta parole que tu m'��couterais jusqu'au bout, je te la rappelle. Ai-je dit des choses qui ne soient aussi vraies que l'��vangile m��me? Ai-je calomni�� Genevi��ve en quoi que ce soit?
--Si je suis satisfait de ma femme, qui est-ce qui a le droit de la trouver en faute? demanda-t-il en haussant davantage la voix.
--Tu n'as pas besoin de te facher contre moi, Paul. Je vois que tu cherches dune querelle, mais je ne satisferai pas ton d��sir. C'est toujours comme cela avec vous autres, hommes: quand votre cause est mauvaise, vous tachez invariablement de l'am��liorer par des paroles vives et beaucoup de tapage. Maintenant, je dirai tout ce que j'ai �� dire, quant m��me tu ferais deux fois plus de bruit. Dieu sait qu'il n'y a dans mon coeur aucun mauvais sentiment �� l'��gard de ta femme, et c'est pour son bien ainsi que pour le tien que je parle aussi ouvertement. Personne plus que moi ne s'est r��joui en apprenant ton mariage, parce que je pensais que ce serait l�� ton bonheur.
--Ainsi en a-t-il ��t��, Fran?oise, et je suis aussi heureux qu'un roi. Aussi bien je n'ai pas l'intention de nous rendre malheureux, ma pauvre petite femme et moi, en lui demandant de faire ce qui est au-dessus de ses forces. Elle n'est pas faite pour les travaux durs et fatigants, pas plus que le petit oiseau qui gazouille dans l'orme qu'il y a l�� devant la maison. De plus, elle est jeune et elle apprendra.
Madame Chartrand pensa int��rieurement qu'en effet des femmes aussi jeunes et aussi d��licates que Genevi��ve ��taient souvent devenues de bonnes m��nag��res, mais elle garda cette r��flexion pour elle-m��me et reprit:
--Je ne veux pas blamer ta femme pour son ignorance �� conduire un m��nage, mais ne penses-tu as qu'elle ferait bien de commencer de suite �� l'apprendre? Il se pourrait que tes moissons ne seraient pas
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