d'Andr��; et d'ailleurs le marquis avait pour point d'honneur d'aller, en fait d'argent, au-devant de toutes les fantaisies de ce fils opprim�� et ch��ri. C'est ce qui faisait dire �� toute la province qu'il n'��tait pas au monde de jeune homme plus heureux et mieux trait�� que l'h��ritier des Morand; mais qu'il jouissait d'une mauvaise sant�� et qu'il ��tait dou�� d'un caract��re morose. S'il vivait, disait-on, il ne vaudrait jamais son p��re.
M. de Morand craignait qu'entra?n�� par les s��ductions d'un monde plus brillant, son fils ne secouat enti��rement le joug, et que non-seulement il ne rev?nt plus partager sa vie, mais qu'il s'avisat encore de vendre sa maison h��r��ditaire et d'ali��ner ses rentes seigneuriales. Quoique le marquis se f?t quelque peu entach�� de lib��ralisme dans la soci��t�� des chasseurs et des buveurs roturiers qu'il appelait �� sa table, il tenait secr��tement �� ses titres, �� sa gentilhommerie, et n'affectait le d��dain de ces vanit��s que dans l'esp��rance de leur donner plus de lustre aux yeux des petits. Lorsqu'il rentrait le soir apr��s la chasse, il entendait, avec un certain orgueil, l'amble serr�� de sa petite jument retentir sous la herse d��labr��e de son chateau; lorsque du sommet d'une colline bois��e il comptait sur ses doigts, d'un air recueilli, la valeur de chacun des arbres d'��lite marqu��s pour la cogn��e, il jetait un regard d'amour sur ses tourelles �� demi cach��es dans la cime des bois, et son front s'��claircissait comme au retour d'une douce pens��e.
II.
Au profond ennui qui rongeait Andr��, l'attente d'une femme selon son coeur venait, depuis quelque temps, m��ler des souffrances et des douceurs plus ��tranges. Il est �� croire que rien d'impur n'aurait pu germer dans cette ame neuve, rien de laid se poser dans cette jeune imagination, et que sa p��ri enfin ��tait belle comme le jour. Autrement se serait-il pris �� pleurer si souvent en songeant �� elle? l'aurait-il appel��e avec tant d'instances et de doux reproches, l'ingrate qui ne voulait pas descendre du ciel dans ses bras? serait-il rest�� si tard le soir �� l'attendre dans les pr��s humides de ros��e? se serait-il ��veill�� si matin pour voir lever le soleil, comme si un de ses rayons allait f��conder les vapeurs de la terre et en faire sortir un ange d'amour r��serv�� �� ses embrassements?
On le voyait partir pour la chasse, mais revenir sans gibier. Son fusil lui servait de pr��texte et de contenance; grace �� ce talisman, le jeune po?te traversait la campagne et bravait les rencontres, sans danger d'��tre pris pour un fou; il cachait son sentiment le plus cher avec un volume de roman dans la poche de sa blouse; puis, s'asseyant en silence dans les taillis, gardiens du myst��re, il s'entretenait de longues heures avec Jean-Jacques ou Grandisson, tandis que les li��vres trottaient amicalement autour de lui et que les grives babillaient au-dessus de sa t��te, comme de bonnes voisines qui se font part de leurs affaires.
A mesure que les vagues inqui��tudes de la jeunesse se dirigeaient vers un but appr��ciable �� l'esprit sinon �� la vue du solitaire Andr��, sa tristesse augmentait; mais l'esp��rance se d��veloppait avec le d��sir; et le jeune homme, jusque-l�� morose et nonchalant, commen?ait �� sentir la pl��nitude de la vie. Son p��re tirait bon augure de l'activit�� des jambes du chasseur, mais il ne pr��voyait pas que cette humeur vagabonde aurait pu changer Andr�� en hirondelle si la voix d'une femme l'e?t appel�� d'un bout de la terre �� l'autre.
Andr�� ��tait donc devenu un marcheur intr��pide, sinon un heureux chasseur. Il ne trouvait pas de solitude assez recul��e, pas de lande assez d��serte, pas de colline assez perdue dans les verts horizons, pour fuir le bruit des m��tairies et le mouvement des cultivateurs. Afin d'��tre moins troubl�� dans ses lectures, il faisait chaque jour plusieurs lieues �� travers champs, et la nuit le surprenait souvent avant qu'il e?t song�� �� reprendre le chemin du logis.
Il y avait �� trois lieues du chateau de Morand une gorge inhabit��e o�� la rivi��re coulait silencieusement entre deux marges de la plus riche verdure. Ce lieu, quoique assez voisin de la petite ville de L..., n'��tait gu��re fr��quent�� que par les bergeronnettes et les merles d'eau; les terres avoisinantes ��taient s��v��rement gard��es contre les braconniers et les p��cheurs; Andr�� seul, en qualit�� de chasseur inoffensif, ne donnait aucun ombrage au garde et pouvait s'enfoncer �� loisir dans cette solitude Charmante.
[Illustration: Son fusil lui servait de pr��texte et de contenance.]
C'est l�� qu'il avait fait ses plus ch��res lectures et ses plus doux r��ves. Il y avait ��voqu�� les ombres de ses h��ro?nes de roman. Les chastes cr��ations de Walter Scott, Alice, Rebecca, Diana, Catherine, ��taient venues souvent chanter dans les roseaux des choeurs d��licieux qu'interrompait parfois le g��missement douloureux et col��re de la petite Fenella. Du sein des nuages,
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