Andre | Page 5

George Sand
les soupirs ��loign��s des vierges h��bra?ques de Byron r��pondaient �� ces belles voix de la terre, tandis que la grande et pale Clarisse, assise sur la mousse, s'entretenait gravement �� l'��cart avec Julie, et que Virginie enfant jouait avec les brins d'herbe du rivage. Quelquefois un choeur de bacchantes traversait l'air et emportait ironiquement les douces m��lodies. Andr��, pale et tremblant, les voyait passer, fantasques, m��chantes et belles, ��crasant sans piti�� les fleurs du rivage sous leurs pieds nus, effarouchant les tranquilles oiseaux endormis dans les saules, et trempant leurs couronnes de pampres dans les eaux pour les secouer moqueusement �� la figure du jeune r��veur. Andr�� s'��veillait de sa vision triste et d��courag��. Il se reprochait de les avoir trouv��es belles et d'avoir eu envie un instant de suivre leur trace, sem��e de fleurs et de d��bris. Il ��voquait alors ses divins fant?mes, ses types ch��ris de sentiment et de puret��. Il les voyait redescendre vers lui dans leurs longues robes blanches et lui montrer au fond de l'onde une image fugitive qu'il s'effor?ait en vain d'attirer et de saisir.
Cette ombre myst��rieuse et vague qu'il voyait flotter partout, c'��tait son amante inconnue, c'��tait son bonheur futur; mais toutes les r��alit��s diff��raient tellement de sa beaut�� id��ale, qu'il d��sesp��rait souvent de la rencontrer sur la terre, et se mettait �� pleurer en murmurant, dans son angoisse, des paroles incoh��rentes. Son p��re le crut fou bien des fois, et faillit envoyer chercher le m��decin pour l'avoir entendu crier au milieu de la nuit:--O�� es-tu? es-tu n��e seulement? ne suis-je pas venu trop t?t ou trop tard pour te rencontrer sur la terre? Et vingt autres folies que le bonhomme traita de billeves��es des qu'il se fut bien assur�� que son fils n'avait pas attrap�� de coup de soleil dans la journ��e.
Un soir que le jeune homme s'��tait attard�� dans les Pr��s-Girault, c'��tait le nom de sa ch��re retraite, il lui sembla voir passer �� quelque distance une forme r��elle; autant qu'il put la distinguer, c'��tait une taille d��li��e avec une robe blanche. Elle semblait voltiger sur la pointe des joncs, tant elle courait l��g��rement! Cette vision ne dura qu'un instant et disparut derri��re un massif de trembles. Andr�� s'��tait arr��t�� stup��fait, et son coeur battait si fort qu'il lui e?t ��t�� impossible de faire un pas pour la suivre. Quand il en eut retrouv�� la force, il s'aper?ut que la rivi��re, qui coulait �� fleur de terre et formait cent d��tours dans la prairie, le s��parait du massif. Il lui fallut faire beaucoup de chemin pour rencontrer un de ces petits ponts que les gardeurs de troupeaux construisent eux-m��mes avec des branches entrelac��es et de la terre; enfin il atteignit le massif et n'y trouva personne. L'ombre ��tait devenue si ��paisse qu'il ��tait impossible de voir �� dix pas devant soi. Il revint, tout pensif et tout ��mu, s'asseoir devant le souper de son p��re; mais il dormit moins encore que de coutume, et retourna aux Pr��s-Girault le lendemain. Rien n'en troublait la solitude, et il craignit d'��tre devenu assez fou pour qu'une de ses fictions ordinaires lui f?t apparue comme une chose r��elle.
[Illustration: La ma?tresse ouvri��re, plac��e sur une chaise plus ��lev��e que les autres....]
Le jour suivant, �� force d'explorer les bords de la rivi��re, il trouva un petit gant de fil blanc tr��s fin, tricot�� �� l'aiguille avec des points �� jour tr��s artistement travaill��s, et qui semblait avoir servi �� arracher des herbes, car il ��tait tach�� de vert.
Andr�� le prit, le baisa mille fois comme un fou, l'emporta sur son coeur et en devint amoureux, sans songer que le prince Charmant, ��pris d'une pantoufle, n'��tait pas un r��veur beaucoup plus ridicule que lui.
Huit jours s'��taient pass��s sans qu'il trouvat aucune autre trace de cette apparition. Un matin il arriva lentement, comme un homme qui n'esp��re plus, et, s'appuyant contre un arbre, il se mit �� lire un sonnet de P��trarque.
Tout �� coup une petite voix fra?che sortit des roseaux et chanta deux vers d'une vieille romance:
Puis, tout apr��s, je vis dame d'amour Qui marchait doux et venait sur la rive.
Andr�� tressaillit, et, se penchant, il vit �� vingt pas de lui une jeune fille habill��e de blanc, avec un petit chale couleur arbre de Jud��e et un mince chapeau de paille. Elle ��tait debout et semblait absorb��e dans la contemplation d'un bouquet de fleurs des champs qu'elle avait �� la main. Andr�� eut l'id��e de s'��lancer vers elle pour la mieux voir; mais elle vint de son c?t��, et il se sentit tellement intimid�� qu'il se cacha dans les buissons. Elle arriva tout aupr��s de lui sans s'apercevoir de sa pr��sence, et se mit �� chercher d'autres fleurs. Elle erra ainsi pendant pr��s d'un quart d'heure, tant?t s'��loignant, tant?t se rapprochant, explorant tous les brins d'herbe de
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