Andre | Page 3

George Sand
e?t voulu voyager, changer d'atmosph��re et d'habitudes, essayer toutes les choses inconnues, jeter en dehors l'activit�� qu'il croyait sentir en lui, contenter enfin cette avidit�� vague et f��brile qui exag��rait l'avenir �� ses yeux.
Mais son p��re s'y opposa. Ce joyeux et loyal butor avait sur son fils un avantage immense, celui de vouloir. Si le savoir e?t d��velopp�� et dirig�� cette facult�� chez le marquis de Morand, il f?t devenu peut-��tre un caract��re ��minent; mais, n�� dans les jours de l'anarchie, abandonn�� ou cach�� parmi des paysans, il avait ��t�� ��lev�� par eux et comme eux. La bonne et saine logique dont il ��tait dou�� lui avait appris �� se contenter de sa destin��e et �� s'y renfermer; la force de sa volont��, la persistance de son ��nergie, l'avaient conduit �� en tirer le meilleur parti possible. Son courage roide et brutal for?ait �� l'estime sociale ceux qui, du reste, lui prodiguaient le m��pris intellectuel. Son ent��tement ferme, et quelquefois rev��tu d'une certaine dignit�� patriarcale, avait rendu les volont��s souples autour de lui; et si la lumi��re de l'esprit, qui jaillit de la discussion, demeurait ��touff��e par la pratique de ce despotisme paternel, du moins l'ordre et la bonne harmonie domestique y trouvaient des garanties de dur��e.
Andr�� tenait peut-��tre de sa m��re, qui ��tait morte jeune et ch��tive, une insurmontable langueur de caract��re, une inertie triste et molle, un grand effroi de ces r��criminations et de ces le?ons dures dont les hommes peu cultiv��s sont prodigues envers leurs enfants. Il poss��dait une sensibilit�� na?ve, une tendresse de coeur qui le rendaient craintif et repentant devant les reproches m��me injustes. Il avait toute l'ardeur de la force pour souhaiter et pour essayer la r��bellion, mais il ��tait inhabile �� la r��sistance. Sa bont�� naturelle l'emp��chait d'aller en avant. Il s'arr��tait pour demander �� sa conscience timor��e s'il avait le droit d'agir ainsi, et, durant ce combat, les volont��s ext��rieures brisaient la sienne. En un mot, le plus grand charme de son naturel ��tait son plus grand d��faut; la cha?ne d'airain de sa volont�� devait toujours se briser �� cause d'un anneau d'or qui s'y trouvait.
Rien au monde ne pouvait contrarier et m��me offenser le marquis de Morand comme les inclinations studieuses de son fils. ��go?ste et resserr�� dans sa logique naturelle, il s'��tait dit que les vieux sont faits pour gouverner les jeunes, et que rien ne nuit plus �� la s?ret�� des gouvernements que l'esprit d'examen. S'il avait accord�� un instituteur �� son fils, ce n'��tait pas pour le satisfaire, mais pour le placer au niveau de ses contemporains. Il avait bien compris que d'autres auraient sur lui l'avantage d'une certaine morgue scolastique s'il le laissait dans l'ignorance, et il avait pris ce grand parti pour prouver qu'il ��tait un aussi riche et magnifique personnage que tel ou tel de ses voisins. M. Forez fut donc le seul objet de luxe qu'il admit dans la maison, �� la condition toutefois, bien signifi��e au survenant, d'aider de tout son pouvoir �� l'autocratie paternelle; et le pr��cepteur intimid�� tint rigoureusement sa promesse.
Il trouva cette tache facile �� remplir avec un temp��rament doux et maniable comme celui du jeune Andr��; et le marquis, n'ayant pas rencontr�� de r��sistance dans tout le cours de cette d��l��gation de pouvoir, ne fut pas trop choqu�� des progr��s de son fils. Mais lorsque M. Forez se fut retir��, le jeune homme devint un peu plus difficile �� contenir, et le marquis, ��pouvant��, se mit �� chercher s��rieusement le moyen de l'encha?ner �� son pays natal. Il savait bien que toute sa puissance serait inutile le jour o�� Andr�� quitterait le toit paternel; car l'esprit de r��volte ��tait en lui, et s'il ��tait encore retenu, grace �� sa timidit�� naturelle, par un froncement de sourcil et par une inflexion dure dans la voix de son p��re, il ��tait ��vident que les motifs d'ind��pendance ne manqueraient pas du moment o�� il n'y aurait plus d'explications orageuses �� affronter.
Ce n'est pas que le marquis craign?t de le voir tomber dans les d��sordres de son age. Il savait que son temp��rament ne l'y portait pas; et m��me il e?t d��sir��, en bon vivant et en homme ��clair�� qu'il se piquait d'��tre, trouver un peu moins de rigidit�� dans les principes de cette jeune conscience. Il rougissait de d��pit quand on lui disait que son fils avait l'air d'une demoiselle. Nous ne voudrions pas affirmer qu'il n'y e?t pas aussi au fond de son coeur, malgr�� la bonne opinion qu'il avait de lui-m��me, un certain sentiment de son inf��riorit�� qui bouleversait toutes ses id��es sur la pr����minence paternelle.
Il ne craignait pas non plus que, par go?t pour les raffinements de la civilisation, son fils ne l'entra?nat �� de grandes d��penses au dehors. Ce go?t ne pouvait ��tre ��clos dans la t��te inexp��riment��e
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