Alsace, Lorraine et France rhénane | Page 8

Stéphen Coubé
précaution pour l'avenir.
Cela soit dit pour marquer la différence qui existe entre notre thèse et le raisonnement d'apache du maréchal de Moltke. Mais nous n'avons même pas besoin de recourir à ce droit de représailles: nous en avons un autre plus ancien et plus direct, c'est le droit historique.
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Valeur du droit historique
Les Allemands font sonner très haut ce qu'ils appellent leur droit historique. Ils revendiquent toute terre où ont passé leurs pères. C'est ainsi qu'ils prétendent accaparer notre Bourgogne, notre Aquitaine, notre Normandie, sous prétexte que ces provinces ont été jadis habitées par des peuples d'origine germanique, les Burgondes, les Wisigoths et les Normands. L'empreinte de leur pied sur un sol est pour eux ineffa?able, sacrée, et constitue un droit de propriété.
Or, ce droit historique provenant de l'occupation pure et simple est plus que contestable en lui-même. Il est nul s'il provient d'une invasion criminelle et si cette tare d'origine n'a pas été effacée par la prescription, car il n'est alors que le droit du plus fort. Pour qu'il soit légitime, il faut qu'il soit doublé d'un droit moral déterminé par les circonstances, par exemple le droit du premier occupant ou une cession à l'amiable par celui-ci; il faut aussi que, dans une large mesure, il tienne compte du voeu des habitants. Nous verrons que, sur ce terrain des volontés et des coeurs, l'avantage est encore de notre c?té. Mais le terrain du fait historique brutal, choisi par nos adversaires, ne nous est pas moins favorable.
Il est vrai que les Allemands ont occupé environ pendant sept cents ans l'Alsace et la Lorraine et pendant neuf cents ans le reste de la rive gauche du Rhin. Mais nous pouvons leur opposer une possession historique bien plus longue et bien plus ancienne, une possession que nous pourrions même appeler préhistorique, car elle se perd dans la nuit des temps.
M. René Henry disait dans une conférence publiée par la Revue du Foyer (1er juin 1912): ?Peu m'importent les droits historiques;--_(c'est aller trop loin)_--sur chaque parcelle de l'Europe, miroir où se reflètent des puissances qui passent, se sont succédé bien des droits de cette sorte. Mais pour ceux qui croient à de pareils droits _(il faut en effet y croire)_ ce sont sans doute, comme en matière hypothécaire, les plus anciens qui l'emportent: nous avons les premières hypothèques.?
Les siècles germaniques n'ont pas effacé les siècles gaulois. Ils ont une tare originelle; ils commencent par un attentat à notre droit, et, contre le droit d'un peuple qui n'a cessé de protester, il n'y a pas de prescription, suivant le vieil adage romain: _Quod subreptum erit, ejus rei aeterna auctoritas esto!_
C'est justement ce que va nous démontrer l'étude des vicissitudes politiques par où ont passé ces provinces rhénanes si ardemment convoitées de part et d'autre.
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Le Rhin ?décret de Dieu? (Napoléon).
Mais auparavant il est juste de remarquer que ce droit historique lui-même s'appuie sur un droit plus haut, qui découle de la nature des choses, de la configuration géographique des territoires, de la situation et de la direction du Rhin, dont le caractère, j'allais dire la fonction, de frontière crève les yeux.
Napoléon a écrit: ?_Les frontières des états sont des cha?nes de montagnes ou de grands fleuves ou d'arides et grands déserts. La France est ainsi défendue par le Rhin, l'Italie par la cha?ne des Alpes, l'égypte par les déserts de la Libye, de la Nubie et de l'Arabie_.?
Ces frontières naturelles sont des faits transcendants qui dominent la volonté et les conventions humaines et contre lesquels se brise la politique, quand elle ose les braver. Les limites peuvent être violées pendant quelque temps, mais elles se vengent, semble-t-il, par les conflits que leur violation fait na?tre.
Ce fleuve superbe qui coule du sud au nord entre les terres germaniques et les terres gauloises est une ligne providentiellement tracée, un fossé creusé pour nous séparer de l'Allemagne, de la même manière que la cha?ne des Pyrénées nous sépare de l'Espagne.
Jadis la France a possédé en Espagne la Navarre, tandis que l'Espagne possédait en France la Cerdagne et le Roussillon. C'était une double anomalie, un désordre. Le bon sens politique de la France et de l'Espagne a fini par régulariser cette situation. Tout ce qui est en de?à des Pyrénées est fran?ais; tout ce qui est au delà est espagnol. Les Pyrénées sont le rempart crénelé de neige et de glace qui sépare les deux pays.
Le bon sens exige qu'une démarcation analogue et tout aussi nette existe entre la France et l'Allemagne, et elle ne peut être que la ligne argentée du Rhin. C'est indiqué par la nature, par l'auteur de la nature, par le grand architecte des continents et des nationalités.
Cette fonction du Rhin est si évidente qu'elle a été en réalité la règle incontestée de la politique internationale de l'Occident
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