depuis les temps préhistoriques des Ibères, des Ligures et des vieux Celtes jusqu'à la fin de l'ère carolingienne. à cette époque seulement, l'ambition de l'Allemagne parvint à faire main basse sur la rive occidentale du fleuve. Et voilà près d'un millénaire que cette ambition a tout brouillé et a détruit l'antique et belle harmonie de la carte géographique de l'Europe.
Mais le bon sens politique, comme la conscience de notre droit historique, n'a cessé d'inspirer tous nos hommes d'état depuis dix siècles. Nous rapporterons plus loin leurs revendications. Napoléon les a toutes résumées dans cette phrase lapidaire admirable, que nous avons citée plus haut, où il déclare que ?_la limite du Rhin est un décret de Dieu, comme les Alpes et les Pyrénées_?.
Si les Allemands ne veulent pas admettre ce décret de Dieu, ce dictamen du bon sens, ce verdict de la justice, c'est notre droit et notre devoir de les y soumettre par la force. Leur présence sur la rive celtique du Rhin est un fait anormal, excentrique, une incongruité, une intrusion, une insulte à l'histoire, au droit, à la raison, un défi perpétuel, une menace et un outrage à la France.
Edgar Quinet signalait ce caractère provocateur de l'occupation germanique des provinces cisrhénanes lorsqu'il adressait aux Allemands en 1840 ces paroles éloquentes et douloureuses:
?Vous ne savez que trop bien que notre frontière est non pas affaiblie, mais enlevée, et quelle énorme blessure vous nous avez faite tous ensemble, depuis la Meuse jusqu'aux lignes de Wissembourg! Par là notre flanc est ouvert...
?_Considérez un moment combien la possession de la rive gauche du Rhin a, de votre part, un caractère hostile pour nous. En occupant ce bord vous ne pouvez vous empêcher de para?tre menacer, car vous avez le pied sur notre seuil. Vous êtes chez nous. Vous pourriez pénétrer jusqu'à notre foyer sans rencontrer un seul obstacle, tant le piège a été bien ourdi!_
?Au contraire, lorsque cette rive est à nous, notre position n'est encore que défensive. Nous ne sommes pas debout à votre porte. Le fleuve reste entre nous, et il est si vrai que ces provinces n'entrent pas naturellement et nécessairement dans votre organisation nouvelle que vous n'avez su comment les y rattacher. Quel lien trouvez-vous entre Sarrebourg et Berlin, entre Landau et Munich?...
?_Si, pour obtenir votre amitié, il s'agit de laisser éternellement à vos princes, à vos rois absolus, le pied sur notre gorge et de leur abandonner pour jamais dans Landau, dans Luxembourg, dans Mayence, les clefs de Paris, je suis d'avis, d'une part, que ce n'est pas l'intérêt de votre peuple, de l'autre, que notre devoir est de nous y opposer jusqu'à notre dernier souffle..._?
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Droit et intérêt.
Il y a deux mobiles qui doivent faire agir une nation, son droit et son intérêt. Ils lui indiquent clairement son devoir. Notre droit, nous allons le voir, nous appelle à la rive rhénane où dorment nos a?eux: notre intérêt réclame la frontière qui pourra seule défendre nos descendants.
Si nous ne voulons pas être à la merci d'un coup de main allemand, nous devons nous appuyer solidement au Rhin, occuper la vallée de la Sarre et celle de la Moselle, Trèves, dont la Porte Noire nous appelle, Sarrelouis, Landau, Spire, Worms, Mayence, Coblentz, Bonn, Cologne. Ces places, qui furent pour nous une menace, deviendront notre sécurité.
Pour compléter notre défense, il faudra aussi imposer à l'ennemi la destruction de toutes ses forteresses à une portée de canon sur la rive droite du fleuve, Istein, Vieux-Brisach, Kehl, Rastadt, Ehrenbreitstein, Deutz, et lui interdire d'en élever de nouvelles.
Voilà ce que demande l'intérêt de la France et de l'Europe. Si notre victoire n'est pas complétée par ces mesures de s?reté, elle sera manchote et, peut-être, hélas! sans tête et sans bras, comme la victoire de Samothrace!
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Le voeu des populations.
Le voeu des populations demandant leur réunion à une nation voisine est-il une condition nécessaire et une condition suffisante pour permettre à cette nation de les annexer? Beaucoup d'auteurs estiment qu'il est à la fois l'un et l'autre, c'est-à-dire que d'abord on n'y peut contrevenir sans injustice et qu'ensuite il peut remplacer tous les autres droits.
Il semble bien que le consentement d'un peuple soit nécessaire pour que l'on puisse disposer de lui, quand il s'agit d'un peuple majeur et raisonnable, car si l'on prend par exemple une tribu ou même une nation sauvage, malfaisante, qui n'use de sa force que pour razzier la contrée d'alentour, il parait juste de la museler, de la soumettre à une autorité qui saura la contenir, la mater, jusqu'à ce qu'elle soit assagie, et cela dans l'intérêt même de cette tribu ou nation aussi bien que de ses voisins. Elle est par le fait assimilée à un mineur qui n'a pas encore la plénitude de ses droits et qui a besoin d'un tuteur
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