Aline et Valcour, tome II | Page 7

D.A.F. de Sade
que ce puisse ��tre; sc��l��rat, r��pondis-je, hors de moi, il en doit dire et penser le plus grand mal, quand il y trouve le droit des gens et l'hospitalit�� aussi cruellement viol��s.... Nous ignorons ce que vous voulez dire, r��pondit l'alguasil; mais ayez pour agr��able de remonter dans votre gondole, et de vous rendre sur-le-champ prisonnier dans votre auberge, jusqu'�� ce que la r��publique ait ordonn�� de vous.
Mes efforts devenaient inutiles, et ma col��re impuissante; je n'avais plus pour moi que des pleurs, qui n'attendrissaient personne, et des cris qui se perdaient dans l'air. On m'entra?ne. Quatre de ces vils fripons m'escortent, me conduisent dans ma chambre, me consignent �� Antonio, et vont rendre compte de leur sc��l��ratesse.
C'est ici o�� les paroles manquent au tableau de ma situation! Et comment vous rendre, en effet, ce que j'��prouvai, ce que je devins, quand je revis cet appartement, duquel je venais de sortir, depuis quelques heures, libre et avec ma L��onore, et dans lequel je rentrais prisonnier, et sans elle. Un sentiment p��nible et sombre succ��da bient?t �� ma rage ... Je jetai les yeux sur le lit de mon amante, sur ses robes, sur ses ajustemens, sur sa toilette; mes pleurs coulaient avec abondance, en m'approchant de ces diff��rentes choses. Quelquefois, je les observais avec le calme de la stupidit��. L'instant d'apr��s, je me pr��cipitais dessus avec le d��lire de l'��garement.... La voil��, me disais-je, elle est ici.... Elle repose.... Elle va s'habiller.... Je l'entends; mais tromp�� par une cruelle illusion, qui ne faisait qu'irriter mon chagrin, je me roulais au milieu de la chambre; j'arrosais le plancher de mes larmes, et faisais retentir la vo?te de mes cris. O L��onore! L��onore! c'en est donc fait, je ne te verrai plus.... Puis, sortant, comme un furieux, je m'��lan?ais sur Antonio, je le conjurais d'abr��ger ma vie; je l'attendrissais par ma douleur; je l'effrayais par mon d��sespoir.
Cet homme, avec l'air de la bonne foi, me conjura de me calmer; je rejetai d'abord ses consolations: l'��tat dans lequel j'��tais permettait-il de rien entendre.... Je consentis enfin �� l'��couter.--Soyez pleinement en repos sur ce qui vous regarde, me dit-il d'abord; je ne pr��vois qu'un ordre de vous retirer dans vingt-quatre heures des terres de la r��publique, elle n'agira s?rement pas plus s��v��rement avec vous.--Eh! Que m'importe ce que je deviendrai; c'est L��onore que je veux, c'est elle que je vous demande.--Ne vous imaginez pas qu'elle soit �� Venise; le malheur dont elle est victime est arriv�� �� plusieurs autres ��trang��res, et m��me �� des femmes de la ville: il se glisse souvent dans le canal des barques turques; elles se d��guisent, on ne les reconna?t point; elles enl��vent des proies pour le serrail, et quelques pr��cautions que prenne la r��publique, il est impossible d'emp��cher cette piraterie. Ne doutez point que ce ne soit l�� le malheur de votre L��onore: la veuve du jardin de Malamoco n'est point coupable, nous la connaissons tous pour une honn��te femme; elle vous plaignait de bonne foi, et peut-��tre que, sans votre emportement, vous en eussiez appris davantage. Ces isles, continuellement remplies d'��trangers, le sont ��galement d'espions, que la R��publique y entretien; vous avez tenu des propos, voil�� la seule raison de vos arr��ts.--Ces arr��ts ne sont pas naturels, et votre gouvernement sait bien ce qu'est devenue celle que j'aime; ? mon ami! faites-l�� moi rendre, et mon sang est �� vous.--Soyez franc, est-ce une fille enlev��e en France? Si cela est, ce qui vient de se faire pourrait bien ��tre l'ouvrage des deux Cours; cette circonstance changerait absolument la face des choses.... Et me voyant balbutier:--Ne me cachez rien, poursuit Antonio, apprenez-moi ce qui en est, je vole �� l'instant m'informer; soyez certain qu'�� mon retour je vous apprendrai si votre femme a ��t�� enlev��e par ordre pu par surprise.--Eh bien! r��pondis-je avec cette noble candeur de la jeunesse, qui, toute honorable qu'elle est, ne sert pourtant qu'�� nous faire tomber dans tous les pi��ges qu'il pla?t au crime de nous tendre.... Eh bien! je vous l'avoue, elle est ma femme, mais �� l'ins?u de nos parens.--Il suffit, me dit Antonio, dans moins d'une heure vous saurez tout.... Ne sortez point, cela gaterait vos affaires, cela vous priverait des ��claircissemens que vous avez droit d'esp��rer. Mon homme part et ne tarde pas �� repara?tre.
On ne se doute point, me dit-il, du myst��re de votre intrigue; l'Ambassadeur ne sait rien, et notre R��publique nullement fond��e �� avoir les yeux sur votre conduite, vous aurait laiss�� toute votre vie tranquille sans vos blasph��mes sur son gouvernement; L��onore est donc s?rement enlev��e par une barque turque; elle ��tait guett��e depuis un mois; il y avait dans le canal six petits batimens arm��s qui l'escort��rent, et qui sont d��j�� �� plus de vingt lieues en mer. Nos gens ont couru, ils ont
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