Aline et Valcour, tome II | Page 8

D.A.F. de Sade
vu, mais il leur a ��t�� impossible de les atteindre. On va venir vous apporter les ordres du Gouvernement, ob��issez-y; calmez-vous, et croyez que j'ai fait pour vous tout ce qui pouvait d��pendre de moi.
A peine Antonio eut-il effectivement cess�� de me donner ces cruelles lumi��res, que je vis entrer ce m��me chef des Sbires qui m'avait arr��t��; il me signifia l'ordre de partir d��s le lendemain au matin; il m'ajouta que, sans la raison que j'avais effectivement de me plaindre, on n'en aurait pas agi avec autant de douceur; qu'on voulait bien pour ma consolation me certifier que cet enl��vement ne s'��tait point fait par aucun malfaiteur de la R��publique, mais uniquement par des barques des Dardanelles qui se glissaient ainsi dans la mer adriatique, sans qu'il f?t possible d'arr��ter leurs d��sordres, quelques pr��cautions que l'on p?t prendre.... Le compliment fait, mon homme se retira, en me priant de lui donner quelques sequins pour l'honn��tet�� qu'il avait eue de ne me consigner que dans mon h?tel, pendant qu'il pouvait me conduire en prison.
J'��tais infiniment plus tent��, je l'avoue, d'��craser ce coquin, que de lui donner pour boire, et j'allai le faire sans doute, quand Antonio me devinant, s'approcha de moi, et me conjura de satisfaire cet homme. Je le fis, et chacun s'��tant retir��, je me replongeai dans l'affreux d��sespoir qui d��chirait mon ame.... A peine pouvais-je r��fl��chir, jamais un dessein constant ne parvenait �� fixer mon imagination; il s'en pr��sentait vingt ��-la-fois, mais aussit?t rejet��s que con?us, ils faisaient �� l'instant place �� mille autres dont l'ex��cution ��tait impossible. Il faut avoir connu une telle situation pour en juger, et plus d'��loquence que moi pour la peindre. Enfin, je m'arr��tai au projet de suivre L��onore, de de la devancer si je pouvais �� Constantinople, de la payer de tout mon bien au barbare qui me la ravissait, et de la soustraire au prix de mon sang, s'il le fallait, �� l'affreux sort qui lui ��tait destin��. Je chargeai Antonio de me fr��ter une felouque; je cong��diai la femme que nous avions amen��, et la r��compensai sur le serment qu'elle me fit que je n'aurais jamais rien �� craindre de son indiscr��tion.
La felouque se trouva pr��te le lendemain au matin, et vous jugez si c'est avec joie que je m'��loignai de ces perfides bords. J'avais 15 hommes d'��quipage, le vent ��tait bon; le surlendemain, de bonne heure, nous aper??mes la pointe de la fameuse citadelle de Corfou, fr��re rivale de Gibraltar, et peut-��tre aussi imprenable que cette c��l��bre clef de l'Europe[3]; le cinqui��me jour nous doublames le Cap de Mor��e, nous entrames dans l'Archipel, et le septi��me au soir, nous touchames Pera.
Aucun batiment, except�� quelques barques de p��cheurs de Dalmatie, ne s'��tait offert �� nous durant la travers��e; nos yeux avaient eu beau se tourner de toutes parts, rien d'int��ressant ne les avait fix��s.... Elle a trop d'avance, me disais-je, il y a long-tems qu'elle est arriv��e.... O ciel! elle est d��j�� dans les bras d'un monstre que je redoute ... je ne parviendrai jamais �� l'en arracher.
Le Comte de Fierval ��tait pour lors Ambassadeur de notre Cour �� la Porte; je n'avais aucune liaison avec lui; en euss��-je eu d'ailleurs, aurai-je os�� me d��couvrir? C'��tait pourtant le seul ��tre que je pusse implorer dans mes malheurs, le seul dont je pusse tirer quelqu'��claircissement: je fus le trouver, et lui laissant voir ma douleur, ne lui cachant aucune circonstance de mon aventure, ne lui d��guisant que mon nom et celui de ma femme, je le conjurai d'avoir quelque piti�� de mes maux, et de vouloir bien m'��tre utile, ou par ses actions, ou par ses conseils.
Le Comte m'��couta avec toute l'honn��tet��, avec tout l'int��r��t que je devais attendre d'un homme de ce caract��re.... Votre situation est affreuse, me dit-il; si vous ��tiez en ��tat de recevoir un conseil sage, je vous donnerais celui de retourner en France, de faire votre paix avec vos parens, et de leur apprendre le malheur ��pouvantable qui vous est arriv��.--Et le puis-je, Monsieur, lui dis-je; puis-je exister o�� ne sera pas ma L��onore! Il faut que je la retrouve, ou que je meure.--Eh bien! me dit le Comte, je vais faire pour vous tout ce que je pourrai ... peut-��tre plus que ne devrait me le permettre ma place.... Avez-vous un portrait de L��onore?--En voici un assez ressemblant, autant au moins qu'il est possible �� l'art d'atteindre �� ce que la nature a de plus parfait.--Donnez-le moi: demain matin �� cette m��me heure, je vous dirai si votre femme est dans le serrail. Le Sultan m'honore de ses bont��s: je lui peindrai le d��sespoir d'un homme de ma nation; il me dira s'il poss��de ou non cette femme; mais r��fl��chissez-y bien, peut-��tre allez-vous accro?tre votre malheur: s'il l'a, je ne vous r��ponds pas qu'il
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