dans ces jeux que j'adore, du sentiment délicieux de mon amour!... est-ce bien vous qui me l'ordonnez?... ah! qu'ai-je donc fait pour mériter un tel sort?... moi renoncer au charme de vous posséder un jour! mais non ... vous ne me le dites pas. Mon malheur accro?t mon inquiétude; il nourrit encore les chimères que vos paroles consolantes cherchent à rendre moins affreuses; il ne faut que du tems dites-vous; du tems, Aline!... oh ciel! songez-vous quel il est, celui que l'on passe, loin de ce qu'on aime?... où l'on ne peut plus entendre sa voix, où l'on ne jouit plus de ses regards; n'est-ce pas ordonner à un homme d'exister en se séparant de son ame?... J'étais prévenu de ce coup fatal, Déterville m'y avait préparé ... mais j'ignorais que les choses fussent si avancées, et sur-tout que votre père exigerait que je ne vous visse plus.... Et qui donc a pu l'instruire de nos secrets? Ah! peut-on se cacher quand on aime? S'il a dérobé nos regards, il aura surpris notre amour ... que ferai-je, hélas! pendant cette terrible absence ... que voulez-vous que je devienne? au moins si j'avais pu vous voir encore une fois ... une seule fois avant cette funeste séparation!... si j'avais pu vous dire combien je vous aime ... il me semble que je ne vous l'ai jamais dit ... oh non, je ne vous l'ai jamais dit, comme je l'éprouve ... et comment aurai-je réussi? quel mot aurait pu rendre ce feu divin qui me dévore? Tant?t anéanti par la force même de ce sentiment qui m'absorbe ... tant?t br?lé par vos regards ... mon ame éprouvait, sans pouvoir peindre; toutes les expressions me paraissaient trop faibles ... et maintenant je me désole, d'avoir tant perdu d'occasions ou de les avoir si mal employées. Comme je vais les déplorer ces momens si courts et si doux! Aline, Aline, croyez-vous donc que je puisse vivre sans les retrouver? Et cependant vous pleurerez ... votre ame sera noyée dans la douleur, et je n'en pourrai partager les angoisses!... Qu'il ne se fasse pas au moins, ce cruel hymen.... Je regarde ce que vous dites comme un serment qu'il ne se consommera jamais ... le barbare, il vous sacrifie ... et à quoi? ... à son ambition, à son intérêt ... et il ose encore trouver des sophismes pour appuyer ses affreux systèmes!... L'amour, dit-il, ne fait pas le bonheur dans les noeuds de l'hymen, et que sont-ils donc ces noeuds, quand l'amour ne les forme pas? Un pacte mercenaire et vil, un trafic honteux de fortunes et de noms, qui n'encha?nant que les personnes, laissent les coeurs à tout le désordre du désespoir et du dépit. Que deviennent alors ces biens qu'on a recherchés? Les ménage-t-on pour des enfans qui ne sont plus que le fruit du hasard ou de l'intérêt? On les dissipe, on les perd plus promptement encore qu'ils ne se sont acquis, et le besoin que chacun des deux a de secouer la cha?ne qui le presse, ouvre l'ab?me épouvantable qui les engloutit en un jour. Où se trouve donc alors et le profit et le bonheur de ces mariages de convenance, puisque ces mêmes fortunes, qui en ont formé les noeuds, s'anéantissent ou pour les relacher ou pour les dissoudre?
Mais se flatter de rappeler votre père à des opinions raisonnables, c'est entreprendre de faire remonter un fleuve à sa source. Indépendamment des préjugés de son état, préjugés cruellement odieux sans doute, il a encore ceux (passez-moi le terme) d'une tête étroite et d'un coeur froid, et l'erreur est trop chère à ces sortes de gens pour espérer de les en faire revenir.
Que madame de Blamont est respectable dans tout ceci ... et combien je l'adore! quelle conduite, quelle sagesse! quel amour pour vous! adorez-la cette mère tendre, vous n'êtes formée que de son sang.... Il est impossible, il est moralement impossible qu'une seule goutte de celui de cet homme cruel puisse couler dans vos veines.... Tendre et divine amie de mon coeur, que j'aime à m'imaginer quelques-fois que vous n'avez re?u l'existence dans le sein de cette mère adorable que par le souffle de la divinité; la mythologie des Grecs n'admettait-elle pas ces sortes d'existences? Ne les avons-nous pas re?ues dans nos opinions religieuses? Mais il e?t fallu un miracle.... Et pour qui, grand Dieu! pour qui la nature en fera-t-elle, si ce n'est pas pour mon Aline.... N'en est-elle pas un elle-même?... Laissez-la moi, cette opinion, ma divine amie, elle me console.... Elle ajoute, ce me semble, encore au culte que je vous dois.... Oui, Aline ... oui, vous êtes fille d'un dieu, ou plut?t vous êtes un dieu vous-même, et c'est par vos regards que la nature entière re?oit l'existence; vous purifiez tout ce qui vous touche, vous
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