s'en servir en
Occident que vers le temps de Charlemagne. De plus, comment cet Olopuen aurait-il pu,
en arrivant, se faire entendre dans une Langue qu'on peut à peine apprendre en dix années;
et comment un Empereur eut-il fait tout d'un coup bâtir une Église Chrétienne en faveur
d'un Étranger qui aurait bégayé par interprète une Religion si nouvelle?
Il est donc probable qu'au temps de Charlemagne, la Religion Chrétienne était
absolument inconnue à la Chine.
Je me réserve à jeter les yeux sur Siam, sur le Japon, et sur tout ce qui est situé vers
l'Orient et le Midi, lorsque je serai parvenu au temps où l'industrie des Européens s'est
ouvert un chemin facile à ces extrémités de notre Hémisphère.
DES INDES, DE LA PERSE, DE L'ARABIE ET DU MAHOMÉTISME.
En me ramenant vers l'Europe, je trouve d'abord l'Inde ou l'Indoustan, Contrée un peu
moins vaste que la Chine, et plus connue par les denrées précieuses que l'industrie des
Négociants en a tiré dans tous les temps, que par des relations exactes.
Une chaîne de montagnes peu interrompues, semble en avoir fixé les limites entre la
Chine, la Tartarie et la Perse. Le reste est entouré de mers. Cependant l'Inde en-deçà du
Gange fut longtemps soumise aux Persans, et voilà pourquoi Alexandre, vengeur de la
Grèce et vainqueur de Darius, poussa ses conquêtes jusqu'aux Indes tributaires de son
ennemi. Depuis Alexandre les Indiens avaient vécu dans la liberté et dans la mollesse
qu'inspirent la valeur du climat et la richesse de la terre.
Les Grecs y voyageaient avant Alexandre pour y chercher la Science. C'est là que le
célèbre Pilpay écrivit, il y a 2300 années, ces Fables Morales, traduites dans presque
toutes les Langues du Monde. Le Jeu des Échecs y fut inventé. Les Chiffres dont nous
nous servons, et que les Arabes nous ont apporté vers le temps de Charlemagne, nous
viennent de l'Inde. Peut-être les anciennes Médailles, dont les Curieux Chinois font tant
de cas, sont une preuve que les Arts furent cultivés aux Indes avant d'être connus des
Chinois.
On y a de temps immémorial divisé la route annuelle du Soleil en douze parties. L'année
des Bracmanes et des plus anciens Gymnosophistes commença toujours, quand le Soleil
entrait dans la Constellation qu'ils nomment Moscham, et qui est pour nous le Bélier.
Leurs Semaines furent toujours de sept jours: division que les Grecs ne connurent jamais.
Leurs Jours portent les noms des sept Planètes. Le Jour du Soleil est appelé chez eux
Mitradinam, reste à savoir si ce mot Mitra, qui chez les Perses signifie aussi le Soleil, est
originairement un terme de la Langue des Mages, ou de celle des Sages de l'Inde. Il est
bien difficile de dire, laquelle des deux Nations enseigna l'autre; mais s'il s'agissait de
décider entre les Indes et l'Égypte, je croirais les Sciences bien plus anciennes dans les
Indes. Ma conjecture est fondée sur ce que le terrain des Indes est bien plus aisément
habitable que le terrain voisin du Nil, dont les débordements dûrent longtemps rebuter les
premiers Colons, avant qu'ils eussent dompté ce fleuve en creusant des canaux. Le sol des
Indes est d'ailleurs d'une fertilité bien plus variée, et qui a dû exciter davantage la
curiosité et l'industrie humaine: mais il ne paraît pas que la Science du Gouvernement et
de la Morale y ait été perfectionnée autant que chez les Chinois.
La Superstition y a dès longtemps étouffé les Sciences qu'on y venait apprendre dans les
temps reculés. Les Bonzes et les Bramins,[4] successeurs des Bracmanes[4], y
soutiennent la doctrine de la Métempsycose. Ils y répandent d'ailleurs l'abrutissement
avec l'erreur: ils engagent, quand ils peuvent, les femmes à se brûler sur le corps de leurs
maris morts. Les vastes Côtes de Coromandel sont en proie à ces coutumes affreuses, que
le Gouvernement Mahométan n'a pu encore détruire.
[Note 4: Orthographe originale de l'édition de Jean Neaulme (1753).]
Ces Bramins, qui entretiennent dans le peuple la plus stupide idolâtrie, ont pourtant entre
leurs mains un des plus anciens Livres du Monde, écrit par leurs premiers Sages, dans
lequel on ne reconnaît qu'un seul Être suprême. Ils conservent précieusement ce
témoignage qui les condamne. Ils prêchent des erreurs qui leur sont utiles, et cachent une
vérité qui ne serait que respectable.
Dans ce même Indoustan sur les Côtes de Malabar et de Coromandel, on est surpris de
trouver des Chrétiens établis depuis environ 1200 ans. Ils se nomment les Chrétiens de St.
Thomas. Un Marchand Chrétien de Syrie nommé Mar Thomas (Mar signifie Monsieur) y
établit sa religion avec son commerce. Il y laissa une nombreuse famille, des Facteurs,
des Ouvriers, qui s'étant un peu multipliés, ont depuis douze Siècles conservé la Religion
de Mar Thomas, qu'on n'a pas manqué de prendre ensuite pour St. Thomas l'Apôtre.
Ces
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