A se tordre | Page 4

Alphonse Allais
tout, a saupoudr�� les bords de la Seine d��un nombre appr��ciable de joyeux mastroquets, humecteurs jamais las des gosiers dess��ch��s.
Raoul et ses hommes absorb��rent des flots de ce petit argenteuil qui vous ��voque bien mieux l��id��e du saphir que du rubis, et qui vous entre dans l��estomac comme un tire-bouchon.
On arrivait aux fortifications.
-- Pas de blagues, maintenant! commande Montcocasse plein de dignit��, nous voil�� en ville.
Et les artilleurs, subitement envahis par le sentiment du devoir, s��appliqu��rent �� prendre des attitudes d��coratives, en rapport avec la mission qu��ils accomplissaient.
Le canon lui-m��me, une bonne pi��ce de Bange de 90, sembla redoubler de gravit��.
�� la hauteur du pont Royal, Raoul se souvint qu��il avait tout pr��s, dans le faubourg Saint-germain, une brave tante qu��il avait d��sol��e par ses jeunes d��bordements.
-- C��est le moment, se dit-il, de lui montrer que je suis arriv�� �� quelque chose.
Au grand galop, avec l����pouvantable tumulte de bronze sur les pav��s de la rue de l��Universit��, on arriva devant le vieil h?tel de la douairi��re de Montcocasse.
Tout le monde ��tait aux fen��tres, la douairi��re comme les autres.
Raoul fit caracoler son cheval, mit le sabre au clair, et, saisissant son k��pi comme il e?t fait de quelque feutre empanach��, il salua sa tante ahurie -- tels les preux, sans anc��tres -- et disparut, lui, ses hommes et son canon, comme en r��ve.
La petite troupe, toujours au galop, enfila la rue de Vaugirard, et l��on se trouva bient?t �� l��Od��on.
Justement, il y avait un encombrement. Un omnibus Panth��on -- Place Courcelles jonchait le sol, un essieu bris��.
Toutes les petites femmes de la Brasserie M��dicis ��taient sur la porte, ravies de l��accident.
Raoul, qui avait ��t�� l��un de leurs meilleurs clients, fut reconnu tout de suite:
-- Raoul! oh�� Raoul! Descends donc de ton cheval, h�� feignant!
Sans ��tre pour cela un feignant, Raoul descendit de son cheval, et ne crut pas devoir passer si pr��s du M��dicis sans offrir une tourn��e �� ces dames.
Avec la solidarit�� charmante des dames du Quartier latin, Nana conseilla fortement �� Raoul d��aller voir Camille, au Furet. ?a lui ferait bien plaisir.
Effectivement, cela fit grand plaisir �� Camille de voir son ami Raoul en si bel attirail.
-- Va donc dire bonjour �� Palmyre, au Coucou. ?a lui fera bien plaisir.
On alla dire bonjour �� Palmyre, laquelle envoya Raoul dire bonjour �� Ren��e, au Pantagruel.
Docile et tapageur, le bon canon suivait l��orgie, l��air un peu ��tonn�� du r?le insolite qu��on le for?ait �� jouer.
Les petites femmes se faisaient expliquer le m��canisme de l��engin meurtrier, et m��me Blanche, du D��Harcourt, eut �� ce propos une r��flexion que devraient bien m��diter les monarques belliqueux:
-- Faut-il que les hommes soient b��tes de fabriquer des machines comme ?a, pour se tuer�� comme si on ne claquait pas assez vite tout seul!
De bocks en fines champagnes, de fines champagnes en absinthes anisettes, d��absinthes en bitters, on arriva tout doucement �� sept heures du soir.
Il ��tait trop tard pour rentrer. On d?na au Quartier latin, et on y passa la soir��e.
Les sergents de ville commen?aient �� s��inqui��ter de ce bruyant canon et de ces chevaux fumants qu��on rencontrait dans toutes les rues �� des allures inqui��tantes.
Mais que voulez-vous que la police fasse contre l��artillerie?
Au petit jour, Raoul, ses hommes et son canon faisaient une entr��e modeste dans le fort de Vincennes.
Au risque d��affliger le lecteur sensible, j��ajouterai que le pauvre Raoul fut cass�� de son grade et condamn�� �� quelques semaines de prison.
�� la suite de cette aventure, compl��tement d��go?t�� de l��artillerie, il obtint de passer dans un r��giment de spahis, dont il devint tout de suite le plus brillant ornement.
UN MOYEN COMME UN AUTRE
-- Il y avait une fois un oncle et un neveu.
-- Lequel qu����tait l��oncle?
-- Comment, lequel? C����tait le plus gros, parbleu!
-- C��est donc gros, les oncles?
-- Souvent.
-- Pourtant, mon oncle Henri n��est pas gros.
-- Ton oncle Henri n��est pas gros parce qu��il est artiste.
-- C��est donc pas gros, les artistes?
-- Tu m��emb��tes�� Si tu m��interromps tout le temps, je ne pourrai pas continuer mon histoire.
-- Je ne vais plus t��interrompre, va.
-- Il y avait une fois un oncle et un neveu. L��oncle ��tait tr��s riche, tr��s riche��
-- Combien qu��il avait d��argent?
-- Dix-sept cents milliards de rente, et puis des maisons, des voitures, des campagnes��
-- Et des chevaux?
-- Parbleu! puisqu��il avait des voitures.
-- Des bateaux? Est-ce qu��il avait des bateaux?
-- Oui, quatorze.
-- �� vapeur?
-- Il y en avait trois �� vapeur, les autres ��taient �� voiles.
-- Et son neveu, est-ce qu��il allait sur les bateaux?
-- Fiche-moi la paix! Tu m��emp��ches de te raconter l��histoire.
-- Raconte-la, va, je ne vais plus t��emp��cher.
-- Le neveu, lui, n��avait pas le sou, et ?a l��emb��tait ��norm��ment��
-- Pourquoi que son oncle lui en donnait pas?
-- Parce que son oncle ��tait un vieil avare qui aimait garder tout son argent pour lui. Seulement, comme le neveu ��tait le seul
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