A LOmbre Des Jeunes Filles en Fleurs, vol 1 | Page 7

Marcel Proust
modestie, venait de ce qu'elle mettait les choses qui la concernaient au-dessous, et par cons��quent en dehors des autres. La r��ponse qu'elle trouvait que l'ami de mon p��re avait eu tant de m��rite �� nous adresser rapidement parce qu'il ��crivait par jour beaucoup de lettres, elle l'exceptait de ce grand nombre de lettres dont ce n'��tait que l'une; de m��me elle ne consid��rait pas qu'un d?ner chez nous f?t pour M. de Norpois un des actes innombrables de sa vie sociale: elle ne songeait pas que l'Ambassadeur avait ��t�� habitu�� autrefois dans la diplomatie �� consid��rer les d?ners en ville comme faisant partie de ses fonctions et �� y d��ployer une grace inv��t��r��e dont c'e?t ��t�� trop lui demander de se d��partir par extraordinaire quand il venait chez nous.
Le premier d?ner que M. de Norpois fit �� la maison, une ann��e o�� je jouais encore aux Champs-��lys��es, est rest�� dans ma m��moire, parce que l'apr��s-midi de ce m��me jour fut celui o�� j'allai enfin entendre la Berma, en ?matin��e?, dans Ph��dre, et aussi parce qu'en causant avec M. de Norpois je me rendis compte tout d'un coup, et d'une fa?on nouvelle, combien les sentiments ��veill��s en moi par tout ce qui concernait Gilberte Swann et ses parents diff��raient de ceux que cette m��me famille faisait ��prouver �� n'importe quelle autre personne.
Ce fut sans doute en remarquant l'abattement o�� me plongeait l'approche des vacances du jour de l'an pendant lesquelles, comme elle me l'avait annonc�� elle-m��me, je ne devais pas voir Gilberte, qu'un jour, pour me distraire, ma m��re me dit: ?Si tu as encore le m��me grand d��sir d'entendre la Berma, je crois que ton p��re permettrait peut-��tre que tu y ailles: ta grand'm��re pourrait t'y emmener.? Mais c'��tait parce que M. de Norpois lui avait dit qu'il devrait me laisser entendre la Berma, que c'��tait, pour un jeune homme, un souvenir �� garder, que mon p��re, jusque-l�� si hostile �� ce que j'allasse perdre mon temps �� risquer de prendre du mal pour ce qu'il appelait, au grand scandale de ma grand'm��re, des inutilit��s, n'��tait plus loin de consid��rer cette soir��e pr��conis��e par l'ambassadeur comme faisant vaguement partie d'un ensemble de recettes pr��cieuses pour la r��ussite d'une brillante carri��re. Ma grand'm��re qui, en renon?ant pour moi au profit que, selon elle, j'aurais trouv�� �� entendre la Berma, avait fait un gros sacrifice �� l'int��r��t de ma sant��, s'��tonnait que celui-ci dev?nt n��gligeable sur une seule parole de M. de Norpois. Mettant ses esp��rances invincibles de rationaliste dans le r��gime de grand air et de coucher de bonne heure qui m'avait ��t�� prescrit, elle d��plorait comme un d��sastre cette infraction que j'allais y faire et, sur un ton navr��, disait: ?Comme vous ��tes l��ger? �� mon p��re qui, furieux, r��pondait: ? -- Comment, c'est vous maintenant qui ne voulez pas qu'il y aille! c'est un peu fort, vous qui nous r��p��tiez tout le temps que cela pouvait lui ��tre utile.?
Mais M. de Norpois avait chang�� sur un point bien plus important pour moi, les intentions de mon p��re. Celui-ci avait toujours d��sir�� que je fusse diplomate, et je ne pouvais supporter l'id��e que m��me si je devais rester quelque temps attach�� au minist��re, je risquasse d'��tre envoy�� un jour comme ambassadeur dans des capitales que Gilberte n'habiterait pas. J'aurais pr��f��r�� revenir aux projets litt��raires que j'avais autrefois form��s et abandonn��s au cours de mes promenades du c?t�� de Guermantes. Mais mon p��re avait fait une constante opposition �� ce que je me destinasse �� la carri��re des lettres qu'il estimait fort inf��rieure �� la diplomatie, lui refusant m��me le nom de carri��re, jusqu'au jour o�� M. de Norpois, qui n'aimait pas beaucoup les agents diplomatiques de nouvelles couches lui avait assur�� qu'on pouvait, comme ��crivain, s'attirer autant de consid��ration, exercer autant d'action et garder plus d'ind��pendance que dans les ambassades.
-- H�� bien! je ne l'aurais pas cru, le p��re Norpois n'est pas du tout oppos�� �� l'id��e que tu fasses de la litt��rature, m'avait dit mon p��re. Et comme assez influent lui-m��me, il croyait qu'il n'y avait rien qui ne s'arrangeat, ne trouvat sa solution favorable dans la conversation des gens importants: ?Je le ram��nerai d?ner un de ces soirs en sortant de la Commission. Tu causeras un peu avec lui pour qu'il puisse t'appr��cier. ��cris quelque chose de bien que tu puisses lui montrer; il est tr��s li�� avec le directeur de la Revue des Deux-Mondes, il t'y fera entrer, il r��glera cela, c'est un vieux malin; et, ma foi, il a l'air de trouver que la diplomatie, aujourd'hui!...?
Le bonheur que j'aurais �� ne pas ��tre s��par�� de Gilberte me rendait d��sireux mais non capable d'��crire une belle chose qui p?t ��tre montr��e �� M. de Norpois. Apr��s quelques pages pr��liminaires, l'ennui me faisant tomber la plume des mains,
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