A LOmbre Des Jeunes Filles en Fleurs, vol 1 | Page 4

Marcel Proust
ce que la simplicit�� du Swann ��l��gant, n'avait ��t�� chez lui qu'une forme plus raffin��e de la vanit�� et que, comme certains isra��lites, l'ancien ami de mes parents avait pu pr��senter tour �� tour les ��tats successifs par o�� avaient pass�� ceux de sa race, depuis le snobisme le plus na?f et la plus grossi��re goujaterie, jusqu'�� la plus fine politesse. Mais la principale raison, et celle-l�� applicable �� l'humanit�� en g��n��ral, ��tait que nos vertus elles-m��mes ne sont pas quelque chose de libre, de flottant, de quoi nous gardions la disponibilit�� permanente; elles finissent par s'associer si ��troitement dans notre esprit avec les actions �� l'occasion desquelles nous nous sommes fait un devoir de les exercer, que si surgit pour nous une activit�� d'un autre ordre, elle nous prend au d��pourvu et sans que nous ayons seulement l'id��e qu'elle pourrait comporter la mise en uvre de ces m��mes vertus. Swann empress�� avec ces nouvelles relations et les citant avec fiert��, ��tait comme ces grands artistes modestes ou g��n��reux qui, s'ils se mettent �� la fin de leur vie �� se m��ler de cuisine ou de jardinage, ��talent une satisfaction na?ve des louanges qu'on donne �� leurs plats ou �� leurs plates-bandes pour lesquels ils n'admettent pas la critique qu'ils acceptent ais��ment s'il s'agit de leurs chefs-d'uvre; ou bien qui, donnant une de leurs toiles pour rien, ne peuvent en revanche sans mauvaise humeur perdre quarante sous aux dominos.
Quant au Professeur Cottard, on le reverra, longuement, beaucoup plus loin, chez la Patronne, au chateau de la Raspeli��re. Qu'il suffise actuellement, �� son ��gard, de faire observer ceci: pour Swann, �� la rigueur le changement peut surprendre puisqu'il ��tait accompli et non soup?onn�� de moi quand je voyais le p��re de Gilberte aux Champs-Elys��es, o�� d'ailleurs ne m'adressant pas la parole il ne pouvait faire ��talage devant moi de ses relations politiques (il est vrai que s'il l'e?t fait, je ne me fusse peut-��tre pas aper?u tout de suite de sa vanit�� car l'id��e qu'on s'est faite longtemps d'une personne, bouche les yeux et les oreilles; ma m��re pendant trois ans ne distingua pas plus le fard qu'une de ses ni��ces se mettait aux l��vres que s'il e?t ��t�� invisiblement enti��rement dissous dans un liquide; jusqu'au jour o�� une parcelle suppl��mentaire, ou bien quelque autre cause amena le ph��nom��ne appel�� sursaturation; tout le fard non aper?u, cristallisa et ma m��re devant cette d��bauche soudaine de couleurs d��clara, comme on e?t fait �� Combray que c'��tait une honte et cessa presque toute relation avec sa ni��ce). Mais pour Cottard au contraire, l'��poque o�� on l'a vu assister aux d��buts de Swann chez les Verdurin ��tait d��j�� assez lointaine; or les honneurs, les titres officiels viennent avec les ann��es; deuxi��mement, on peut ��tre illettr��, faire des calembours stupides, et poss��der un don particulier, qu'aucune culture g��n��rale ne remplace, comme le don du grand strat��ge ou du grand clinicien. Ce n'est pas seulement en effet comme un praticien obscur, devenu �� la longue, notori��t�� europ��enne, que ses confr��res consid��raient Cottard. Les plus intelligents d'entre les jeunes m��decins d��clar��rent, -- au moins pendant quelques ann��es, car les modes changent ��tant n��es elles-m��mes du besoin de changement, -- que si jamais ils tombaient malades, Cottard ��tait le seul ma?tre auquel ils confieraient leur peau. Sans doute ils pr��f��raient le commerce de certains chefs plus lettr��s, plus artistes, avec lesquels ils pouvaient parler de Nietsche, de Wagner. Quand on faisait de la musique chez Madame Cottard, aux soir��es o�� elle recevait, avec l'espoir qu'il devint un jour doyen de la Facult��, les coll��gues et les ��l��ves de son mari, celui-ci au lieu d'��couter, pr��f��rait jouer aux cartes dans un salon voisin. Mais on vantait la promptitude, la profondeur, la s?ret�� de son coup d'il, de son diagnostic. En troisi��me lieu, en ce qui concerne l'ensemble de fa?ons que le Professeur Cottard montrait �� un homme comme mon p��re, remarquons que la nature que nous faisons para?tre dans la seconde partie de notre vie, n'est pas toujours, si elle l'est souvent, notre nature premi��re d��velopp��e ou fl��trie, grossie ou att��nu��e; elle est quelquefois une nature inverse, un v��ritable v��tement retourn��. Sauf chez les Verdurin qui s'��taient engou��s de lui, l'air h��sitant de Cottard, sa timidit��, son amabilit�� excessives, lui avaient, dans sa jeunesse, valu de perp��tuels brocards. Quel ami charitable lui conseilla l'air glacial? L'importance de sa situation lui rendit plus ais�� de le prendre. Partout, sinon chez les Verdurin o�� il redevenait instinctivement lui-m��me, il se rendit froid, volontiers silencieux, p��remptoire, quand il fallait parler, n'oubliant pas de dire des choses d��sagr��ables. Il put faire l'essai de cette nouvelle attitude devant des clients qui ne l'ayant pas encore vu, n'��taient pas �� m��me de faire des comparaisons, et eussent ��t�� bien ��tonn��s d'apprendre qu'il n'��tait pas un
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