rejoignait par un autre escalier. Tandis qu'on la d��barrassait de ses v��tements mouill��s, elle pensa avec une nettet�� absolue, comme si une voix ��trang��re e?t prononc�� les mots �� son oreille: ?Cela ne se fera pas, Maurice restera pr��s de moi... certainement!?
***
...La glace triple de l'armoire anglaise mirait de la jeune femme ses ��paules d��couvertes, ses bras nus, sa silhouette rajeunie par les jupons courts et le d��colletage du corset. Avec la blancheur sans rides, sans macules, les courbes solides de ses ��paules, certes elle ��tait infiniment d��sirable et charmante. Nagu��re assez insoucieuse de sa beaut��, elle s'en occupait aujourd'hui pour Maurice, parce qu'elle souhaitait dans ses yeux la flamme de contentement qu'allumait la vue d'une robe heureuse, d'une coiffure r��ussie, parce qu'elle voulait entendre ces mots �� mi-voix, quand il s'asseyait pr��s d'elle �� table: ?Vous ��tes jolie?; parce qu'elle ��tait femme apr��s tout, encore que sans coquetterie, sans souci de plaire aux indiff��rents. La femme en trouble d'amour est une fianc��e; la nature entend qu'elle se pare, qu'elle se couronne pour l'union prochaine.
***
--Quelle robe Madame mettra-t-elle pour d?ner?
--Ma robe de grenadine noire, Mary.
Elle portait surtout ces deux nuances, mauve ou noir. Chavannes, le couturier, pr��tendait que les couleurs trop claires la grossissaient. Quant �� Maurice, expert en toilettes f��minines, il professait l'horreur des nuances vives dans les appartements demi-obscurs, sous la lumi��re rare de Paris.
Lorsqu'elle fut pr��te, la jupe agraf��e, le corsage ��pingl��, elle renvoya Mary; un instant elle s'agenouilla sur le, prie-Dieu, au chevet de son lit; et l��, ralli��e par un puissant appel de sa conscience, elle demanda franchement �� Dieu la grace d'��tre forte et de faire tout son devoir. Elle prit heure avec soi-m��me: ?Ce sera apr��s le d?ner, quand Esquier s'en va et que mon mari dort sur son fauteuil...?
Mais une voix appelait, d'en bas, une voix de fillette au timbre musical et grave:
--Mary!
--Mademoiselle?
--Est-ce que Madame est rentr��e?
--Oui, mademoiselle, elle descend.
C'��tait Claire Esquier. Mme Surg��re avait oubli��, dans la tourmente de cette apr��s-midi, qu'aujourd'hui, jour de sortie chez les dames de Sion, Claire devait d?ner et coucher �� la maison. La pr��sence de la jeune fille lui fit plaisir, comme si son innocence devait la fortifier. Brusquement, la porte s'ouvrit; Mme Surg��re vit dans la glace la triple image de Claire, trois jeunes filles identiques, v��tues de cet uniforme sombre dont les couvents se plaisent �� endeuiller la jeunesse.
Claire ��tait grande, moins que Julie cependant, ��troite de taille et d'attaches, point encore dessin��e tout �� fait de la gorge et des hanches. Elle gardait un air de printemps, une sorte de grace pu��rile par la minceur des bras, du cou, par l'extraordinaire fra?cheur de la peau. On la trouvait plut?t ��trange que jolie, la peau trop blanche, les cheveux trop noirs, les yeux si obscurs que l'iris mangeait toute la pupille, la bouche rouge et les dents bleuatres comme l'ivoire mince. Elle semblait �� la fois d��licate et muscl��e, volontaire et timide.
Elle dit de sa voix singuli��re:
--Je ne vous d��range pas?
--Mais non. Entre, petite.
Mme Surg��re se retourna et embrassa Claire.
Elle aimait bien la fille d'Esquier, son plus cher ami, le t��moin de sa vie intime depuis son mariage. Quand Esquier devint veuf, Claire atteignait cinq ans. Julie, qui passionn��ment et vainement avait r��v�� d'��tre m��re, d��pensa sur Claire tous les tr��sors de tendresse que son coeur tenait en r��serve. L'enfant lui rendit son affection, mais elle n'avait pas le go?t d'��tre caress��e et se d��robait d'instinct. C'��tait une de ces pu��riles histoires qui amusent deux g��n��rations dans une famille, qu'��tant petite, quand des ��trangers l'embrassaient, elle s'en allait apr��s dans un coin du salon et s'essuyait furtivement les joues... Aujourd'hui, grande fille, �� dix-sept ans, elle ne s'essuyait plus les joues, mais elle restait d'apparence s��rieuse, concentr��e, parlant peu, jalouse de sa pens��e, comme int��ress��e par un r��ve int��rieur, par un secret o�� elle ne souhaitait point de participant.
En ce moment, attentive, elle regardait Julie.
--Comme vous ��tes belle! dit-elle.
--Tu trouves?
Mme Surg��re se regarda et pensa:
?Elle a raison, je suis belle.?
Sur ses joues, en larmes tout �� l'heure, s'��tait pos�� de nouveau ce masque que l'habitude mondaine met aux plus sinc��res, ce masque n��cessaire qui ne laisse rien transpara?tre de l'int��rieure physionomie de l'ame, ni chagrin, ni peur, ni tendresse, rien.
--Et toi aussi, tu es belle, fit-elle en parcourant la jeune fille du regard. Pour rester jolie, ainsi fagot��e...
L'enfant rougit.
--Tu seras ravissante quand nous t'habillerons. Toujours pour f��vrier la sortie d��finitive?
--Pour le commencement de mars... oui.
--Cela te fait plaisir?
Elle eut une moue incertaine. Bien vrai, sondant son coeur, elle n'y rencontrait aucun d��sir pr��cis. Combien de jeunes filles renonceraient volontiers �� conna?tre le monde, pour ne pas quitter le cher asile de leur enfance! Claire apercevait seulement, en cette sortie du couvent, un moyen de voir plus souvent quelqu'un qu'elle avait �� la fois
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