lAutomne dune femme | Page 2

Marcel Prévost
de la B��atrice de Rosetti, et le visage lev�� vers les lumi��res fixes du choeur. Comme �� l'ordinaire, l'hostie brillait au centre des tiges d'or irradi��es, et deux statues de l'immobilit��, �� genoux sur la derni��re marche, en velours bleu ceintur�� d'or, fixaient sur elle des yeux d'extase.
La pluie avait dissous les derni��res paleurs du jour; le fond de la chapelle plongeait dans l'ombre. Une converse sortit de la sacristie; elle tenait dans sa main une hampe �� feu: d'un pas de velours elle glissa de pilier en pilier, allumant furtivement le gaz des lampes. La derni��re allum��e, juste au-dessus de cette femme qui priait, la surprit, lui fit brusquement lever la t��te. Son regard rencontra les yeux de la converse; elles ��chang��rent un sourire discret de connaissance. Du m��me pas velout��, la soeur s'��loignait, gagnait les marches du choeur; l'autre essaya de prier encore, mais la clart�� subite avait chass�� le recueillement avec l'obscurit��. Vainement la p��nitente voulut renouer le fil rompu de sa pri��re; elle y renon?a et demeura quelque temps �� r��fl��chir, les yeux vagues, la figure bien ��clair��e par le globe d��poli du pilier voisin.
***
L'��l��gance heureuse de sa toilette, l'art de d��corer sa beaut��, la rev��taient de la grace un peu impersonnelle des Parisiennes du monde; et sous cette patine, l'age vrai de la femme disparaissait. Pourtant, si ce n'��tait pas une femme tr��s jeune, c'��tait assur��ment une jeune femme, m��me en de?�� du sens indulgent que Paris accorde �� ces mots. Les cheveux, qu'une imperceptible capote, faite de pervenches entrelac��es autour d'un caduc��e d'or, couvrait �� peine, avaient une franche couleur de jeunesse, chatains tr��s clairs, m��l��s de m��ches dor��es ou rouill��es. La voilette, teint��e de brun, estompait un visage doux, aux lignes pleines, un peu grasses, ��voquant par les contours, sinon par la couleur, ces faces d'Italiennes, �� l'ovale large, au fin menton, aux l��vres courtes et ��paisses, au nez droit, au front bas: le visage des vierges qui puisent l'eau des citernes �� Albano ou �� Nemi. Comme il ne faisait point froid dans la chapelle, la jeune femme avait laiss�� retomber son manteau sur le dossier du banc: sa posture dessinait toute sa forme, riche et d��finitive. Le cou d��couvert, parfaitement blanc, rejoignait la nuque sous des frisons cuivr��s, et le menton par une courbe un peu amollie, qu'on devinait plus affin��e nagu��re, avant l'enflouement d'un embonpoint l��ger. Elle portait une robe unie de foulard prune, et comme corsage une simple chemisette pareille, orn��e aux basques, au cou et aux manches, de dentelle noire. La chemisette drapait la ligne m��diane du dos, l'entre-deux des seins, les bras, et moulait, dans une ceinture noire, la taille singuli��rement ��troite pour l'��panouissement des hanches.
Telle qu'elle ��tait l��, il e?t fallu un visiteur bien distrait ou bien fervent pour passer pr��s d'elle sans lui accorder un regard. Elle ��tait la beaut�� f��minine achev��e, que les ann��es ��chues, ont constamment perfectionn��e, rempla?ant par une affirmation du type ce qui disparaissait en charme ind��cis de jeunesse, en grace de bouton. Mais les yeux surtout attachaient les yeux. L'ame y ��tait pour ainsi dire affleurante, �� la surface des prunelles ind��finissables, presque bleues, point bleues pourtant, de cette couleur pas nomm��e qu'ont certains m��taux lorsqu'on les coupe.
Oui, toute l'ame de cette femme en pri��re ��tait r��fl��chie dans les yeux, d��voil��s maintenant, qu'elle levait vers l'Invisible, vers le doux Ami des inqui��tes, des d��sorient��es, des d��sol��es: Dieu paternel aux amoureuses, qu'elles se plaisent �� imaginer, suivant le mot des saints livres, le plus beau �� la fois et le plus tendre des enfants des hommes. Dans ces yeux brillait une clart�� d'innocence extraordinaire, illuminant le visage jusqu'�� lui donner l'expression juv��nile, ignorante, ��tonn��e des petites filles qu'on voit sortir de l'��cole, vers l'heure de midi, bavardant et se tenant par la main. Il y vivait aussi une tendresse d��bordante, le besoin passionn�� de prot��ger, d'aimer, de r��pandre son coeur en aum?ne.
La converse, ayant allum�� tous les globes de la chapelle, s'agenouilla devant l'autel et y pria quelque temps dans une humble attitude. Puis elle salua le tabernacle et regagna la sacristie. Le bruit de la porte referm��e s'exag��ra dans le silence de la chapelle: il r��veilla la p��nitente de son hypnose. Elle se leva, rajusta son manteau et se dirigea �� son tour vers la sacristie. C'��tait une pi��ce lambriss��e de bois clair qui ressemblait �� une lingerie; la converse s'y trouvait encore occup��e �� examiner des rochets d'enfants de choeur; elle lui sourit d'un sourire de bienvenue plus franc que tout �� l'heure, qu'autorisait la moindre saintet�� du lieu: car pour les religieuses, il est une hi��rarchie, m��me de sourires.
--Bonjour, soeur Zyte. L'abb�� Huguet est-il chez lui?
La soeur chuchota, comme au confessionnal:
--Je pense... J'ai vu rentrer M. l'aum?nier il y a trois quarts d'heure, et je ne l'ai pas
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