Zadig | Page 9

Voltaire
S. A. monseigneur le prince de***_. B.
Il produisit ensuite un jeune homme qui, ��tant ��perdument ��pris d'une fille qu'il allait ��pouser, l'avait c��d��e �� un ami pr��s d'expirer d'amour pour elle, et qui avait encore pay�� la dot en c��dant la fille.
Ensuite il fit para?tre un soldat qui, dans la guerre d'Hyrcanie, avait donn�� encore un plus grand exemple de g��n��rosit��. Des soldats ennemis lui enlevaient sa ma?tresse, et il la d��fendait contre eux: on vint lui dire que d'autres Hyrcaniens enlevaient sa m��re �� quelques pas de l��: il quitta en pleurant sa ma?tresse, et courut d��livrer sa m��re: il retourna ensuite vers celle qu'il aimait, et la trouva expirante. Il voulut se tuer; sa m��re lui remontra qu'elle n'avait que lui pour tout secours, et il eut le courage de souffrir la vie.
Les juges penchaient pour ce soldat. Le roi prit la parole, et dit: Son action et celles des autres sont belles, mais elles ne m'��tonnent point; hier Zadig en a fait une qui m'a ��tonn��. J'avais disgraci�� depuis quelques jours mon ministre et mon favori Coreb. Je plaignais de lui avec violence, et tous mes courtisans m'assuraient que j'��tais trop doux; c'��tait �� qui me dirait le plus de mal de Coreb. Je demandai �� Zadig ce qu'il en pensait, et il osa en dire du bien. J'avoue que j'ai vu, dans nos histoires, des exemples qu'on a pay�� de son bien une erreur, qu'on a c��d�� sa ma?tresse qu'on a pr��f��r�� une m��re �� l'objet de son amour; mais je n'ai jamais lu qu'un courtisan ait parl�� avantageusement d'un ministre disgraci�� contre qui son souverain ��tait en col��re. Je donne vingt mille pi��ces d'or �� chacun de ceux dont on vient de r��citer les actions g��n��reuses; mais je donne la coupe �� Zadig.
Sire, lui dit-il, c'est votre majest�� seule qui m��rite la coupe, c'est elle qui a fait l'action la plus inou?e, puisque ��tant roi vous ne vous ��tes point fach�� contre votre esclave, lorsqu'il contredisait votre passion. On admira le roi et Zadig. Le juge qui avait donn�� son bien, l'amant qui avait mari�� sa ma?tresse �� son ami, le soldat qui avait pr��f��r�� le salut de sa m��re �� celui de sa ma?tresse, re?urent les pr��sents du monarque: ils virent leurs noms ��crits dans le livre des g��n��reux. Zadig eut la coupe. Le roi acquit la r��putation d'un bon prince, qu'il ne garda pas long-temps. Ce jour fut consacr�� par des f��tes plus longues que la loi ne le portait. La m��moire s'en conserve encore dans l'Asie. Zadig disait: Je suis donc enfin heureux! Mais il se trompait.

CHAPITRE VI.
Le ministre.
Le roi avait perdu son premier ministre. Il choisit Zadig pour remplir cette place. Toutes les belles dames de Babylone applaudirent �� ce choix, car depuis la fondation de l'empire il n'y avait jamais eu de ministre si jeune. Tous les courtisans furent fach��s; l'Envieux en eut un crachement de sang, et le nez lui enfla prodigieusement. Zadig ayant remerci�� le roi et la reine, alla remercier aussi le perroquet: Bel oiseau, lui dit-il, c'est vous qui m'avez sauv�� la vie, et qui m'avez fait premier ministre: la chienne et le cheval de leurs majest��s m'avaient fait beaucoup de mal, mais vous m'avez fait du bien. Voil�� donc de quoi d��pendent les destins des hommes! Mais, ajouta-t-il, un bonheur si ��trange sera peut-��tre bient?t ��vanoui. Le perroquet r��pondit, Oui. Ce mot frappe Zadig. Cependant, comme il ��tait bon physicien, et qu'il ne croyait pas que les perroquets fussent proph��tes, il se rassura bient?t; il se mit �� exercer son minist��re de son mieux.
Il fit sentir �� tout le monde le pouvoir sacr�� des lois, et ne fit sentir �� personne le poids de sa dignit��. Il ne g��na point les voix du divan, et chaque vizir pouvait avoir un avis sans lui d��plaire. Quand il jugeait une affaire, ce n'��tait pas lui qui jugeait, c'��tait la loi; mais quand elle ��tait trop s��v��re, il la temp��rait; et quand on manquait de lois, son ��quit�� en fesait qu'on aurait prises pour celles de Zoroastre.
C'est de lui que les nations tiennent ce grand principe, Qu'il vaut mieux hasarder de sauver un coupable que de condamner un innocent. Il croyait que les lois ��taient faites pour secourir les citoyens autant que pour les intimider. Son principal talent ��tait de d��m��ler la v��rit��, que tous les hommes cherchent �� obscurcir. D��s les premiers jours de son administration il mit ce grand talent en usage. Un fameux n��gociant de Babylone ��tait mort aux Indes; il avait fait ses h��ritiers ses deux fils par portions ��gales, apr��s avoir mari�� leur soeur, et il laissait un pr��sent de trente mille pi��ces d'or �� celui de ses deux fils qui serait jug�� l'aimer davantage. L'a?n�� lui batit un tombeau, le second augmenta
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