Zadig | Page 3

Voltaire
avait appris, dans le premier livre de Zoroastre, que l'amour-propre est un ballon gonfl�� de vent, dont il sort des temp��tes quand on lui a fait une piq?re. Zadig surtout ne se vantait pas de m��priser les femmes et de les subjuguer. Il ��tait g��n��reux; il ne craignait point d'obliger des ingrats, suivant ce grand pr��cepte de Zoroastre, _Quand tu manges, donne �� manger aux chiens, dussent-ils te mordre_. Il ��tait aussi sage qu'on peut l'��tre; car il cherchait �� vivre avec des sages. Instruit dans les sciences des anciens Chald��ens, il n'ignorait pas les principes physiques de la nature, tels qu'on les connaissait alors, et savait de la m��taphysique ce qu'on en a su dans tous les ages, c'est-��-dire fort peu de chose. Il ��tait fermement persuad�� que l'ann��e ��tait de trois cent soixante et cinq jours et un quart, malgr�� la nouvelle philosophie de son temps, et que le soleil ��tait au centre du monde; et quand les principaux mages lui disaient, avec une hauteur insultante, qu'il avait de mauvais sentiments, et que c'��tait ��tre ennemi de l'��tat que de croire que le soleil tournait sur lui-m��me, et que l'ann��e avait douze mois, il se taisait sans col��re et sans d��dain.
Zadig, avec de grandes richesses, et par cons��quent avec des amis, ayant de la sant��, une figure aimable, un esprit juste et mod��r��, un coeur sinc��re et noble, crut qu'il pouvait ��tre heureux. Il devait se marier �� S��mire, que sa beaut��, sa naissance et sa fortune rendaient le premier parti de Babylone. Il avait pour elle un attachement solide et vertueux, et S��mire l'aimait avec passion. Ils touchaient au moment fortun�� qui allait les unir, lorsque, se promenant ensemble vers une porte de Babylone, sous les palmiers qui ornaient le rivage de l'Euphrate, ils virent venir �� eux des hommes arm��s de sabres et de fl��ches. C'��taient les satellites du jeune Orcan, neveu d'un ministre, �� qui les courtisans de son oncle avaient fait accroire que tout lui ��tait permis. Il n'avait aucune des graces ni des vertus de Zadig; mais, croyant valoir beaucoup mieux, il ��tait d��sesp��r�� de n'��tre pas pr��f��r��. Cette jalousie, qui ne venait que de sa vanit��, lui fit penser qu'il aimait ��perdument S��mire. Il voulait l'enlever. Les ravisseurs la saisirent, et dans les emportements de leur violence ils la bless��rent, et firent couler le sang d'une personne dont la vue aurait attendri les tigres du mont Ima��s. Elle per?ait le ciel de ses plaintes. Elle s'��criait, Mon cher ��poux! on m'arrache �� ce que j'adore. Elle n'��tait point occup��e de son danger; elle ne pensait qu'�� son cher Zadig. Celui-ci, dans le m��me temps, la d��fendait avec toute la force que donnent la valeur et l'amour. Aid�� seulement de deux esclaves, il mit les ravisseurs en fuite, et ramena chez elle S��mire ��vanouie et sanglante, qui en ouvrant les yeux vit son lib��rateur. Elle lui dit: O Zadig! je vous aimais comme mon ��poux, je vous aime comme celui �� qui je dois l'honneur et la vie. Jamais il n'y eut un coeur plus p��n��tr�� que celui de S��mire; jamais bouche plus ravissante n'exprima des sentiments plus touchants par ces paroles de feu qu'inspirent le sentiment du plus grand des bienfaits et le transport le plus tendre de l'amour le plus l��gitime. Sa blessure ��tait l��g��re; elle gu��rit bient?t. Zadig ��tait bless�� plus dangereusement; un coup de fl��che re?u pr��s de l'oeil lui avait fait une plaie profonde. S��mire ne demandait aux dieux que la gu��rison de son amant. Ses yeux ��taient nuit et jour baign��s de larmes: elle attendait le moment o�� ceux de Zadig pourraient jouir de ses regards; mais un abc��s survenu �� l'oeil bless�� fit tout craindre. On envoya jusqu'�� Memphis chercher le grand m��decin Herm��s, qui vint avec un nombreux cort��ge. Il visita le malade, et d��clara qu'il perdrait l'oeil; il pr��dit m��me le jour et l'heure o�� ce funeste accident devait arriver. Si c'e?t ��t�� l'oeil droit, dit-il, je l'aurais gu��ri; mais les plaies de l'oeil gauche sont incurables. Tout Babylone, en plaignant la destin��e de Zadig, admira la profondeur de la science d'Herm��s. Deux jours apr��s l'abc��s per?a de lui-m��me; Zadig fut gu��ri parfaitement. Herm��s ��crivit un livre o�� il lui prouva qu'il n'avait pas d? gu��rir. Zadig ne le lut point; mais, d��s qu'il put sortir, il se pr��para �� rendre visite �� celle qui fesait l'esp��rance du bonheur de sa vie, et pour qui seule il voulait avoir des yeux. S��mire ��tait �� la campagne depuis trois jours. Il apprit en chemin que cette belle dame, ayant d��clar�� hautement qu'elle avait une aversion insurmontable pour les borgnes, venait de se marier �� Orcan la nuit m��me. A cette nouvelle il tomba sans connaissance; sa douleur le mit au bord du tombeau; il fut
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