Voyages | Page 8

Théodore Aynard
véridique, deux qualités qui ont caractérisé mon grand-père
pendant toute sa vie.
Antoine-Henri Jordan, fils et petit-fils d'échevin était fort jeune alors, il
n'avait que vingt-quatre ans; sa famille était dans une bonne position de
fortune et d'honorabilité, l'avenir lui souriait; il n'était pas encore marié;
il partait l'esprit content, libre de toute préoccupation.
On était à deux années de la convocation des États généraux; rien ne
pouvait faire prévoir les tristes événements qui devaient les suivre.
Dans ce temps-là, il n'y avait aucune voiture publique allant de Lyon en
Italie; il partait donc en poste dans la chaise de son père, accompagné
d'un fidèle domestique (Laforest), convenablement muni de lettres de
recommandation et de crédit.

* * *
=Notes de voyage d'Antoine-Henri Jordan en Italie et en Sicile.=
J'ouvre le cahier de notes et je copie:
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10 août 1787.--Parti de Lyon, à six heures du soir, je suis arrivé le
lendemain au Pont-de-Beauvoisin à six heures du matin. Beau temps,
sans retard extraordinaire. (Il avait mis douze heures, il faut aujourd'hui
deux heures par le train omnibus.)
* * *
11 août 1787.--Passé au Pont, sans être visité à la douane sarde, si ce
n'est pour la forme; malle détachée et rattachée sans autre cérémonie.
Entré dans les États de Savoie, passage à la montée de la Chaille dont
la vue est magnifique; arrivé à la montée de la Grotte, ouverte en 1670
par Charles-Emmanuel II, suivant l'inscription qu'on peut lire; une des
beautés de la Savoie.
Entre Saint-Jean-de-Cou et Chambéry, cascade de 200 toises de hauteur.
Vu Chambéry... J'ai été obligé d'y rester deux heures pour faire remettre
des clous à la chaise. Route continuée sans accident jusqu'à
Lanslebourg.
(Arrivé là, le voyage se compliquait; non seulement le tunnel du mont
Cenis n'existait pas, mais la route à voiture pour traverser les Alpes
n'était pas construite; on ne pouvait donc franchir la montagne qu'à pied
ou à cheval. La route n'a été faite que sous Napoléon Ier.
Il fallait démonter la voiture et faire transporter à dos d'homme
séparément la caisse, les roues et les brancards.)
* * *
12 août--Il faut faire marché avec les muletiers pour le transport des

bagages, avec les porteurs pour sa chaise, avec le maître de poste pour
les chevaux de selle, avec l'aubergiste; cela n'en finit pas.
Après dîner, c'est-à-dire à deux heures, je suis monté à cheval, arrivé
sain et sauf à Novalèse, n'ayant pas souffert de la chaleur sur la
montagne, grâce au brouillard qui cachait le soleil.
Couché à Novalèse, après avoir reçu les équipages en bon état, fait
remonter la voiture, dont le trajet a été fort heureux et tout préparé pour
le départ du lendemain qui s'est fait à deux heures du matin.
* * *
13 août.--Arrivé à Turin, à dix heures et demie du matin. Je n'ai pas été
visité là, plus qu'ailleurs. Logé à l'hôtel d'Angleterre.
(Parti de Lyon, le 10 août à six heures du soir, il était arrivé le 13 à dix
heures et demie du matin, il avait donc mis cinquante-deux heures pour
un trajet qu'on peut faire aujourd'hui en neuf heures.
Il n'est reparti de Turin que le 8 octobre, il y est resté près de deux
mois.
Ses notes contiennent, jour par jour, un résumé de toute sa
correspondance au sujet de l'affaire Cajoli, des renseignements sur les
nombreux correspondants de la maison, le prix des soies, la valeur du
change, etc., en outre, il résume l'emploi de son temps en dehors des
affaires.)
* * *
14 août.--Je suis allé voir M. de Bianchi, qui m'a engagé à venir loger
dans son appartement; me voici transporté armes et bagages dans le
canton de Saint-Frédéric, près de la rue Neuve maison Vigna.
Description de la ville de Turin....
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17 août.--Partie de campagne chez M. Ferraris....
* * *
19 août.--Autre partie chez M. Negri....
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22 août.--Il y a trois salles de spectacle à Turin: le théâtre du roi qui
touche à son palais; on y joue l'opéra, ouvert seulement en carnaval; le
théâtre du prince de Carignan, sur la place du même nom; on y joue la
comédie, la tragédie, des arlequinades et l'opéra-comique.
Un troisième théâtre chez le marquis d'Anglesne est petit, mais bien
décoré.
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23 août 1787.--Partie de campagne chez M. Negri... visite à Moncalieri
chez Mme Nasi, à M. Bianchi au château. De là, dîner à Castel-Nuovo;
on me garde à coucher. Nous partons à six heures pour aller à la
comédie à Moncalieri; acteurs meilleurs que ceux de Turin...
* * *
24 août.--Retour à Turin à six heures du soir, partie à pied, partie en
carrosse, aussi gai que la venue.
* * *
25 août.--Visite à M. de Choiseul (notre ambassadeur à Turin)
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