Voyages | Page 7

Théodore Aynard
célèbre député aux Cinq Cents en 1795, puis à la Chambre sous la Restauration, père d'Auguste Jordan, ingénieur en chef des ponts et chaussées, grand-père d'Arthur de Gravillon et de Mme Boubée-Jordan;
Augustin Jordan, secrétaire d'ambassade, grand-père d'Omer Despatys, ancien magistrat, membre du Conseil municipal de Paris;
No?l Jordan qui fut longtemps le vénérable curé de Saint-Bonaventure à Lyon;
César Jordan, père d'Alexis Jordan, le savant botaniste.
à la fin du siècle dernier, Henri Jordan l'a?né était banquier et marchand de soie à Lyon dans la rue Lafont et plus tard dans sa maison à l'angle de la rue Puits-Gaillot et du port Saint-Clair.
En l'année 1787 il avait dans son commerce comme associé son fils unique, Antoine-Henri, troisième du nom et Barthélemy-Gabriel Magneval, fort jeune alors, qui depuis est devenu député du Rh?ne de 1815 à 1822.
à cette époque la Chine et le Japon n'étaient pas encore inventés comme pays de production des fils de soie; nous n'en tirions que des porcelaines et des foulards.
La fabrique lyonnaise faisait venir toutes ses soies du Dauphiné, du midi de la France, de l'Italie et de la Sicile.
La maison Jordan avait fait d'assez fortes avances à une maison Cajoli, de Turin, qui venait de suspendre ses payements; il y avait intérêt à suivre de près cette affaire. La traiter par correspondance n'était pas chose très facile; les lettres pour une grande partie de l'Italie ne partaient qu'une fois par semaine et réciproquement. Quant au télégraphe électrique, Ampère était bien né, mais il n'avait pas encore mérité une statue avec des sirènes à ses pieds, qui semblent à Lyon, je ne sais pas pourquoi, l'accessoire obligé de nos grands hommes.
On décida qu'Antoine-Henri Jordan fils irait à Turin pour recouvrer le plus qu'il pourrait de la créance Cajoli; qu'il profiterait de ce voyage pour voir tous les correspondants de la maison, en visitant l'Italie pour en augmenter le nombre et compléter son éducation.
Il y a quelques années, ayant hérité de la bibliothèque d'une de mes tantes, j'ai trouvé, sur un des derniers rayons, un manuscrit séculaire assez bien conservé. Comme il était hérissé de renseignements commerciaux d'un autre age, je n'y avais pas fait d'abord très grande attention. Plus tard, ayant quelques loisirs je me suis appliqué à la lecture de ce volume, qui m'a vivement intéressé, les renseignements qu'il me donnait rentrant tout à fait dans le cadre que je m'étais tracé, c'est-à-dire la comparaison des voyages de jadis et de ceux d'aujourd'hui.
Ce voyage de mon grand-père était pour lui un voyage d'agrément autant qu'un voyage d'affaires; l'emploi de son temps est résumé dans des notes écrites jour par jour, depuis son départ, le 11 ao?t 1787, jusqu'à son retour à Marseille, le 22 juillet 1788, et quelques jours après à Lyon; cela fait une année complète.
Elles forment deux parties distinctes: l'une contient ses impressions de touriste et les faits matériels du voyage; l'autre s'applique aux affaires de la soie, et longuement aux questions de change et de monnaie, alors très importantes à cause de leur diversité, chaque principauté d'Italie ayant la sienne propre.
Je ne m'occuperai que de la première partie de ces notes, par la bonne raison que je ne comprends rien à la seconde, dont presque tous les termes, écrits en abréviations, sont pour moi des hiéroglyphes pour lesquels il me faudrait un nouveau Champollion.
Même dans la première partie, je passerai beaucoup de descriptions de monuments que tout le monde conna?t. Je dis tout le monde, comme les journalistes disent Tout-Paris, quand ils le font tenir dans une salle de spectacle, ou la chambre des députés.
Je me bornerai donc aux citations qui font conna?tre le voyage proprement dit, et les moeurs de l'époque dans les pays parcourus.
Bien qu'elles soient du siècle dernier, je peux les appeler des notes télégraphiques et photographiques; à cause de leur concision et de leur précision véridique, deux qualités qui ont caractérisé mon grand-père pendant toute sa vie.
Antoine-Henri Jordan, fils et petit-fils d'échevin était fort jeune alors, il n'avait que vingt-quatre ans; sa famille était dans une bonne position de fortune et d'honorabilité, l'avenir lui souriait; il n'était pas encore marié; il partait l'esprit content, libre de toute préoccupation.
On était à deux années de la convocation des états généraux; rien ne pouvait faire prévoir les tristes événements qui devaient les suivre.
Dans ce temps-là, il n'y avait aucune voiture publique allant de Lyon en Italie; il partait donc en poste dans la chaise de son père, accompagné d'un fidèle domestique (Laforest), convenablement muni de lettres de recommandation et de crédit.
* * *
=Notes de voyage d'Antoine-Henri Jordan en Italie et en Sicile.=
J'ouvre le cahier de notes et je copie:
* * *
10 ao?t 1787.--Parti de Lyon, à six heures du soir, je suis arrivé le lendemain au Pont-de-Beauvoisin à six heures du matin. Beau temps, sans retard extraordinaire. (Il avait mis douze heures, il faut
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