profonds, humbles, dévoués et enthousiastes hommages à Madame
votre épouse, ainsi qu'à vos charmantes jeunes demoiselles. Je vous
prie de me rappeler au bon, aimable, affectueux, cordial et gracieux
souvenir de Monsieur votre jeune fils. A vous, Monsieur, bon et cher
Vicomte, j'offre le dévouement extraordinaire, illimité, de celui qui
croit pouvoir dire, sans exagération, qu'il sera pour la vie.
Philéas Saindoux.
P. S. Je vous confirme avec joie que les ours gris sont doux, gentils et
même timides; que les orangs sont petits, caressants et complètement
inoffensifs. Je vous dirai, de plus, que les serpents boas sont moins gros
que nos couleuvres et voient seulement la nuit, le jour ils dorment
comme les marmottes. J'ai vu au Jardin des Plantes des échantillons de
toutes ces pauvres petites bêtes, grâce à l'illustre Polyphème, qui me
mène partout et m'explique tout avec une bonté admirable.
CHAPITRE IV
UNE VISITE DE PHILÉAS
Une après-midi les enfants jouaient sur la pelouse lorsque Françoise,
s'arrêtant tout à coup, s'écria: «Qui vient donc nous voir?»
JEANNE.--Tu vois venir une visite?
PAUL, _déclamant_.--Anne, ma soeur Anne, je ne vois que le soleil
qui poudroie et l'herbe qui...
FRANÇOISE, _lui prenant la tête dans ses mains_.--Tiens! regarde,
gros bêtat, au lieu de te moquer de moi.
Paul allait se fâcher du geste et des paroles de sa soeur quand la vue
d'une voiture et de celui qui la conduisait lui fit pousser un cri de
surprise.
PAUL.--Philéas! c'est Philéas! Bonjour, Philéas!
PHILÉAS, descendant de voiture.--Bonjour, Monsieur Paul; bonjour,
Monsieur le Vicomte; bonjour, Madame!
Et il saluait à droite et à gauche, tout en continuant ses bonjours à
chacun.
Petits et grands firent à Saindoux l'accueil le plus amical, malgré leur
étonnement de cette visite subite. On offrit à Saindoux des
rafraîchissements qu'il accepta et l'on s'installa au bosquet pour que
Philéas pût y bavarder à son aise.
PHILÉAS.--Vous devez être surpris, Messieurs et Dames, de mon
arrivée étonnante pour ne pas dire inattendue. Je suis rappelé au pays,
ces jours-ci, afin d'installer quelqu'un à Castel-Saindoux pour s'occuper
de mon établissement pendant mon absence. Je viens d'arrêter une
femme d'affaires.
Tout le monde se regarda avec stupéfaction, croyant avoir mal entendu.
M. de Marsy, revenu le premier de sa surprise, s'écria:
--Un homme d'affaires, voulez-vous dire, Philéas?
PHILÉAS, avec aplomb.--Non, non, Monsieur le Vicomte; j'ai bien dit
et je répète, «une femme d'affaires». C'est moins cher qu'un homme,
aussi regardant et plus profitant, par conséquent.
Un rire étouffé répondit à Saindoux, qui continua en se frottant les
mains:
--Je me dispose à installer Gelsomina dans ce poste important. Elle est,
économe et surveillera ma propriété. Mais pour parler d'autre chose, je
viens inviter la compagnie (que je m'honore de fréquenter) à une fête
organisée par moi. J'ai rapporté de Paris un feu d'artifice magnifique de
150 francs 75 centimes. Je le ferai tirer demain soir à Castel-Saindoux,
avec accompagnement de repas, jeux, orchestre choisi et danses variées.
J'ai convié tout le pays à ces réjouissances. Je serais heureux et fier d'y
voir aussi ces Messieurs et ces Dames!
Les exclamations de joie des enfants répondirent à Philéas. Les parents
remercièrent le bon gros Saindoux, qui paraissait radieux.
Philéas alla préparer «ses réjouissances publiques » à Castel-Saindoux,
et les enfants ravis attendirent avec impatience le moment d'aller
admirer les prodigalités du fastueux Philéas.
[Illustration 14.png]
Le lendemain tant désiré arriva enfin. Dès quatre heures du soir, les
enfants assuraient que la nuit était venue et qu'il était temps de partir;
mais les parents ne voulant pas, avec raison, arriver trop tôt et fatiguer
inutilement les petits, ne consentirent pas au départ avant le dîner.
Arrivés à Castel-Saindoux, Paul et ses soeurs furent dans le
ravissement.
Sur la pelouse était une grande table chargée de viandes, de pâtisseries,
de cidre en bouteilles et même de Champagne; de vrai Champagne,
cette fois![3] Philéas, entouré de ses musiciens et de nombreux amis,
faisait honneur au repas, tandis que les gamins du village préparaient le
feu d'artifice pour le soir. Un violon faisait danser les jeunes gens et de
temps en temps des pétards et des coups de fusil complétaient les
splendeurs de la fête.
[Note 3: Voir _Les Débuts du gros Philéas_.]
Quand Philéas vit arriver M. et Mme de Marsy et leurs enfants, il se
précipita au-devant d'eux, en culbutant tous les convives.
--Soyez les bienvenus, Mesdames et Messieurs, s'écria-t-il; ne
voudriez-vous pas accepter quelque chose?
M. DE MARSY.--Merci, Philéas, nous venons de dîner.
PHILÉAS, insistant.--Un verre de n'importe quoi, Monsieur le Vicomte;
tenez, choisissez entre du _Pomone_, du Saturne et du Balzac.
M. DE MARSY, _étonné_.--Oh! oh! quels sont ces vins-là? Je n'en
avais jamais entendu parler!
PHILÉAS, avec empressement.--Voilà les bouteilles, Monsieur le
Vicomte. Goûtez-en, vous m'en direz des nouvelles!
Et il mit devant M. de Marsy trois flacons étiquetés «Pomard,
Continue reading on your phone by scaning this QR Code
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the
Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.