Voyage du Prince Fan-Federin dans la romancie | Page 8

Guillaume Hyacinthe Bougeant
surprendre. Mais elle s��en apper?oit et s��enfuit. Le faune court apr��s; pendant qu��il court, la premiere dryade regagne son arbre. Celle qui est poursuivie en gagne un autre si elle peut; mais enfin il y a to?jours une derniere arriv��e qui paye pour les autres, et le jeu finit ainsi. C��est �� ce petit divertissement que nous sommes redevables du jeu qu��on appelle aux quatre coins. Au reste, ce n��est que pour quelques momens qu��il peut ��tre permis �� ces divinit��s de se d��loger ainsi. Car elles sont toutes oblig��es par les loix de leur condition naturelle, de vivre et de mourir avec leurs arbres, sans pouvoir s��en s��parer autrement que par la mort. Il ne faut pourtant pas croire qu��elles meurent r��ellement; leur mort ne consiste qu���� passer sous quelque autre forme, lorsque l��arbre p��rit enfin de vieillesse, ou par quelque accident. On distingue ainsi les vieilles divinit��s des plus jeunes, et on reconno?t m��me �� la disposition de l��arbre celles de la divinit�� qui l��habite, c��est-��- dire, si elle est heureuse ou non. On me fit remarquer entr��autres un tremble, qui ��toit habit�� par un faune des plus sages et des plus vertueux de son esp��ce. Il avoit m��me, disoit-on, des qualit��s assez aimables; mais apr��s avoir long-tems v��cu dans l��indiff��rence, il avoit e? le malheur d��aimer, et pendant plusieurs ann��es il n��avoit ressenti que les tourmens de l��amour, sans en ��prouver jamais les plaisirs. Le chagrin et le d��sespoir avoient enfin surmont�� son courage et sa raison. Il languissoit sans esp��rance de vivre long- tems, ou pl?t?t si quelque chose pouvoit encore lui plaire, c����toit l��espoir de mourir bient?t, et on s��en appercevoit �� la paleur de ses fe��illes, �� la s��cheresse de ses branches et de sa cime, qui commen?oit d��ja �� se d��po��iller de verdure.
En continuant de marcher, je rencontrai quelques ruisseaux de lait et de miel. Ils sont assez communs dans ce pays-l��; et comme j��en avois souvent entendu parler, je n��en fus pas beaucoup ��tonn��; mais j��ignorois quelle pouvoit ��tre la source de ces ruisseaux charmans, et j��eus le plaisir de la voir de mes yeux. C��est que dans la romancie les vaches et les chevres sont si abondantes en lait, qu��elles en rendent continuellement d��elles-m��mes, sans qu��on se donne la peine de les traire; de sorte que d��s qu��il y en a seulement une douzaine ensemble, elles forment en moins de rien un ruisseau de lait assez consid��rable. Les ruisseaux de miel sont form��s ��-peu-pr��s de la m��me maniere. Les abeilles s��attachent �� un arbre pour y faire leur miel, et elles en font une si prodigieuse quantit��, que les goutes qui en tombent sans cesse, forment un ruisseau. Cela me donna occasion de consid��rer de plus pr��s les troupeaux qui paissoient dans la prairie. Je puis ass?rer qu��ils en valoient bien la peine, et on le croira ais��ment, puisque je vis en effet dans ce pays-l�� tous les animaux qu��on ne voit pas ici. Les troupeaux ��toient s��par��s selon leurs esp��ces differentes en diff��rens parcs.
Je consid��rai d��abord un haras de chevaux, et j��en remarquai de trois sortes. La premiere ��toit de chevaux assez semblables aux n?tres, mais d��une beaut�� incomparable. Ils ��toient tous si vifs et si ardens, que leur haleine paroissoit enflamm��e, et ce qui m����tonna le plus, c��est qu��ils sont d��une agilit�� si surprenante, qu��ils courent sur un champ couvert d����pis, sans en rompre un seul. Aussi ne sont-ils pas engendr��s selon les loix ordinaires de la nature. Ils n��ont d��autre pere que le z��phyre, et pour en perp��tuer la race, il ne faut qu��exposer les cavalles lorsque ce vent souffle, et elles sont aussi-t?t pleines. Il seroit sans doute bien �� souhaiter que nous eussions dans ce pays-ci de pareils haras; mais on n��en a encore jamais v? que dans la Lybie. J��y remarquai sur tout une jument d��une beaut�� admirable. On l��appelloit la jument sonnante, parce qu��il lui pendoit aux crins de la t��te et du col, une infinit�� de petites sonnettes d��or, qui au jugement des fins connoisseurs en harmonie, faisoient une fort belle musique. La seconde esp��ce est des P��gases, c��est-��-dire, de ces chevaux a?l��s qui volent dans les airs aussi l��gerement que nos hirondelles. On s?ait qu��il n��en a paru qu��un seul dans notre hemisphere du tems de Bellerophon; mais ils sont fort communs dans la romancie. La troisi��me espece est de ces belles licornes blanches, qui portent une longue corne au milieu du front. Elles sont fort estim��es dans le pays quoiqu��elles n��y soient pas rares.
Pr��s du parc aux chevaux j��en vis un de griffons et d��hippogriffes. Ces animaux sont terribles en apparence, et on ne peut consid��rer sans quelque frayeur leurs griffes effroyables, leur bec crochu, leurs grandes a?les, et leur queu? de lion; mais ils sont en effet les plus dociles
Continue reading on your phone by scaning this QR Code

 / 45
Tip: The current page has been bookmarked automatically. If you wish to continue reading later, just open the Dertz Homepage, and click on the 'continue reading' link at the bottom of the page.